[MARS ONE] Téléréalité ou réalité à la télé ? (Reality show or reality on TV?)

Parmi les blocages épidermiques (et bien naturels) auxquels les candidats à Mars One font face concernant les gens à qui ils expliquent le projet, il y a donc le côté définitif du voyage, la mort inévitable… et le fait que le business model va se baser en grande partie sur la téléréalité. 

When applicants for Mars One talk about this project to other people, they face three visceral (and natural) mental block : permanent settlement, unavoidable death, and a business model based on reality show. 

Mais de quoi parle-t-on, exactement ? Et si on allait réfléchir un peu plus loin que le bout de son nez au lieu de se fermer complètement et sans autre forme de procès face au mot de l’horreur et de la honte, mmh ? Et surtout… si on s’informait ? Hein !… Voilà qui serait une bonne idée pour savoir de quoi il retourne exactement avant de s’engouffrer à vitesse-lumière sur l’autoroute cosmique du préjugé ! Bien.

What are we exactly talking about ? What about thinking about it instead of putting the blame on the this shameful and dreadful word ? What about inquiring about this ? That would be a great idea before you go and drive on the cosmic road of prejudice at the speed of light…

Donc… Quand on se rend sur la FAQ du site de Mars One et que l’on clique sur la question « Quel est le business model de Mars One ?« , après une petite phrase d’introduction où il est rappelé que le but est de poser des humains sur Mars en 2023 et que Mars One est une fondation à but non-lucratif, voici ce qui est dit d’entrée de jeu : « Quand Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont atterri sur la Lune, le monde entier a regardé. » OUH LA LA MON DIEU LE MONDE ENTIER A REGARDÉ DE LA RÉALITÉ À LA TÉLÉ, QUELLE HORREUR !!! (Oui. Je suis taquine, aujourd’hui.)

So… If you go on Mars One’s FAQ and then on « What is the Mars One business model ?« , you will find a short reminder about the goal of landing humans on Mars in 2023 and the fact that Mars One is a non-for-profit foundation. Then, here is what is written : « When Neil Armstrong and Buzz Aldrin landed on the Moon, the whole world watched. » OH MY GOD, THE WHOLE WORLD WATCHED REALITY ON TV, SO SHOCKING !!! (Yeah, well… I’m a little bit teasing, today.) 

Leur deuxième exemple, sur lequel ils se basent grâce à une rétrospective historique chiffrée ? Les Jeux Olympiques. Là encore, on est en pleine indécence, vulgarité, et atteinte à la dignité humaine.
Bon, d’accord, j’arrête mes sarcasmes.
Tout le quiproquo est évidemment dans le vocabulaire. C’est le mot « réalité » qui revêt une tout autre définition dès lors que ça concerne un programme télévisé. Quand on entend « téléréalité », on pense évidemment au pire de ce que la télévision peut produire en terme de programme. Le problème, c’est que ce qui est montré dans ces émissions pointées du doigt n’a de « réel » que le nom.

The second example they use on the website with a historical and cost retrospective is : Olympic Games. Once again, this is obscene, rude and it leads to offenses against the integrity of persons.
Alright, alright, I’m done with sarcasm.
You got it : there’s a misunderstanding with the word « reality ». As far as TV is concerned, « reality » doesn’t mean « reality » anymore. When you hear about « reality show », you obviously think about those dreadful programs which are the worst shows ever. But the problem is that the reality shown in those shows is not real

En gros, la « téléréalité » propose des émissions dont le décor, les protagonistes, le scénario, les étapes et la durée sont choisis, créés de toute pièce, construits, décidés, et scénarisés en amont. La téléréalité propose une « réalité » qui n’a pas d’existence hors de la télévision. Un alunissage ou des Jeux Olympiques, par contre, ont une réalité intrinsèque : ils existent en dehors du prisme audiovisuel. Même si l’évènement n’était pas filmé, retransmis et regardé, il aurait lieu. Voilà toute la différence.

To put it in a nutshell, reality shows present a reality where the set, the people, the script, the steps and the time are chosen, created, built, decided, and written before it happens. Reality shows present a « reality » which does not have any existence outside television. People landing on the Moon or Olympic Games do have an inherent reality : they happen outside television. Even though these events were not captured, broadcast and watched, they would happen. Here is the difference. 

Vous allez me dire… Oui, d’accord, mais Mars One n’existera que si c’est une émission de téléréalité puisqu’une grosse partie du business model viendra de l’argent gagné grâce à ça. Certes. Mais justement : ce sera une grosse partie des moyens mis dans le projet, mais ce ne sera pas la seule. Mars One existe déjà : c’est une fondation qui a une existence juridique, qui embauche des employés, qui a déjà des fonds, des sponsors et des partenaires. La téléréalité n’est pas une fin, mais un moyen.

Maybe you’ll tell me : yeah, well, but Mars One will exist only if it becomes a reality show because of their business model based for the most part of the money they would earn with. You’re right. But that’s the point : it will be the most part of the money, but it won’t be the only one. Mars One already exists : it’s a foundation with a legal status, which has employees, some funds, some investors and some partners. The reality show is not an end : it is a means. 

Regarder un lancement de fusée, suivre une sortie d’astronautes dans l’espace, participer à un Hangout avec l’ISS, assister à une cérémonie de passation de commandement de la station spatiale… Il y a quasiment tous les jours quelque chose à voir en direct de l’espace. Et quand ce n’est pas du direct, ce sont les astronautes qui nous envoient des vidéos pour présenter une expérience scientifique, qui nous expliquent comme ça se passe quand on pleure dans l’espace, qui nous partage leurs exercices d’entraînement, qui tweetent des sensations, des informations, des photos… Mars One n’inventera rien. Absolument rien. Cette « vraie réalité » regardée par des millions de gens, elle existe déjà.

We can watch a rocket launch, we can follow astronauts when they walk in space, we can take part in a Hangout with the ISS, we can watch the ceremony of a new commander in the space station… They are almost everyday something to watch in live from space. And when it’s not in live, astronauts send us some videos to explain a scientific experiment, show what it looks like to cry in space, share their training, tweet their feelings, some informations or pictures… Mars One will not be the first one to do this kind of thing. This « true reality » watched by millions of people still exists.

La « téléréalité » de Mars One se rapprochera bien plus du documentaire en continu que de Loft Story. On y verra les candidats sélectionnés s’entraîner, être formés, apprendre… Bien sûr qu’il y aura un peu de mise en scène, comme tout ce qui est médiatisé. Mais imaginez… On pourra assister à des cours ou des entraînements de premiers secours, de botanique, de physique, de pilotage… On verra les équipes se former, les entraînements se succéder, les expériences scientifiques se préparer… Sans compter que les protagonistes seront des personnes instruites, cultivées et intelligentes. Et les enfants dans les écoles inscriront « géologue », « astronaute », « pilote », « médecin » ou « botaniste » quand on leur demandera ce qu’ils veulent faire plus tard – finis les « star » et « célèbre ».

Mars One’s « reality show » will look more like an uninterrupted documentary than Big Brother. We will see the candidates being trained, educated, formed… Of course, there will be quite a bit of a storyline, like in every TV program. But think about it… We will be able to watch trainings, or first aid / botany / physics / flying classes… We will see the teams taking shape, the trainings going on and on, the scientific experiment being prepared… And children in schools will write « geologist », « astronaut », « pilot », « doctor » or « botanist » instead of « star » or « famous » when they are asked what they want to be. 

Si la chaîne « Mars One » peut apporter la connaissance, si elle peut aiguiser la curiosité, si elle donne envie d’en savoir plus… Alors non seulement ce n’est pas un problème que ce projet soit aussi un programme télé, mais je dirais qu’en plus ce sera d’utilité publique. Sans compter le fait que ce sera international et universel, et que ça donnera un point commun à tous, sans exception, les habitants de la planète. Participer à une aventure historique, la suivre au jour le jour… Mars One réussira peut-être à apaiser les relations entre personnes et – rêvons un peu – entre nations. Pour qu’enfin les happy ends vus à la télé deviennent réalité ?

If the Mars One Channel can bring knowledge, if it can whet the curiosity, if it makes people want to know more… It won’ be a problem if this project is also a show – I would say that it would be recognized as promoting the public interest. Also, it will be international and universal and it will give a point of mutual interest to all, no exception, all inhabitants of this planet. We will all take part to a historical adventure, day by day… Mars One may succeed in pacifying relationships between people and – I have a dream… – between nations. To make happy ends seen on TV a reality ?… 

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Retrouvez-moi dans « La tête au carré » sur France Inter, les lundis et jeudi à partir de 14h ! (Mon intervention commence aux alentours de 14h45.)

D’autres articles à propos de Mars One :
Other articles about Mars One :
10 bonnes raisons de m’installer sur Mars (10 good reasons to settle on Mars)
Dire non aux gravités (Say no to gravity and seriousness)
Mon premier équipage idéal (My perfect first crew)
Mourir sur Mars : et alors ? (Death on Mars : so what?)
Du recul pour penser l’humain (A global view to think about what being human means)
Ma candidature en ligne ! (I applied for Mars One !)
Mon interview pour Civilisation 2.0

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Je vous conseille vivement « Les enfants de Mars » de Gregory Benford. Ça ressemble beaucoup à ce que Mars One veut mettre en place, à la seule différence près que dans le roman, il y a un voyage retour… Mais je parierais que Bas Lansdorp, le créateur de Mars One, l’a lu… En tout cas, c’est un très bon roman de science-fiction ! 🙂

19 réflexions sur « [MARS ONE] Téléréalité ou réalité à la télé ? (Reality show or reality on TV?) »

  1. Salut Florence (puis-je me permettre ?)

    Tout d’abord bravo à toi (avec un certain retard) pour ta sélection. Je dois avouer que l’idée m’a tenté mais je suis trop attaché à notre chère boule bleue. Bravo donc à toi pour ton courage et ton succès dans ta sélection.

    Depuis l’annonce de Mars One, je suis avec attention l’avancée du projet et je défend souvent celui-ci face à ses détracteurs.

    Je serais honnête : j’estime le calendrier de Mars One bien optimiste (« Dix ans ? Mais à partir… Euh… avec combien de temps de retard ? »), mais j’estime aussi qu’il est nécessaire de viser des objectifs exigeants pour se dépasser. Je soutiens complètement le projet et ses participants.

    Ainsi donc, comme je le disais, je soutiens régulièrement Mars One face à mes amis/connaissances qui le considèrent avec, au mieux, de l’incrédulité, et au pire du plus vil mépris.

    Je dois avouer que je suis sidéré par la quantité de personnes étant persuadées que Mars One sera un « Loft Story dans l’espace ». J’ai déjà entendu des remarques cinglantes sur la sélection des participantes basée sur leur tour de poitrine ou encore de moqueuses hypothèses de « Les Ch’tis sur Mars »

    Ce qui est extraordinaire c’est la difficulté de convaincre ces personnes qu’il n’en est rien. Et ce que je trouve d’encore plus navrant/fabuleux, c’est que quand je leur demande d’où leur est venue cette image complètement erronée de ce que sera la couverture audiovisuelle de Mars One, cette image qui annonce que Mars One sera le symbole de toute la crasse télévisuelle, eh bien ces braves personnes me répondent que ces rumeurs ont étés communiquées par… La télé elle même.

    C’est tout de même incroyable de se dire que beaucoup de personnes imaginent réellement Mars One comme un épisode de « la belle et ses princes », représentations pitoyable de ce que peut faire la télévision, et que cette vision leur a été imposée (et gravée au fer rouge) par cette même télévision qu’ils critiquent.

    Enfin bref, en tout cas bon courage à toi et saches que tu n’es pas la seule à te battre pour essayer de montrer au gens ce que Mars One prétend vraiment être.

    Enfin, je voulais te demander : j’ai adoré Les Enfants de Mars (en aurais-tu parlé à un de tes passages à la Tête au Carré ? Ma mère, fidèle auditrice de France Inter, et sachant que je suis un passionné de Mars, m’a offert ce livre à Noël et je trouve la coïncidence un peu trop belle pour être un simple hasard…), et je voulais savoir si tu avais également lu la trilogie de Mars de Kim Stanley Robinson. Je suppose que oui, mais l’histoire commence également par une expédition aller simple financée en partie par la transmission télévisuelle de tout ce qu’il se passe. D’autre part, beaucoup d’aspects de Mars One (fours à brique, pièces aménagées dans des salles gonflées entourées de murs de ces mêmes briques, extraction de l’eau et de l’oxygène locaux, etc…) y sont également présents. J’imagine que tu l’as déjà lue (il me semble même l’avoir vue sur ton étagère lors de l’une de tes interview) mais j’aimerai ta confirmation et savoir ce que tu en penses.

    Bon courage à toi, et à bientôt sur ce blog je l’espère.

    • Ouh la la, toutes mes plus plates excuses pour le retard avec lequel je valide ton commentaire !! Je viens de me rendre compte qu’une petite dizaine m’a échappée, je suis sincèrement désolée.

      Donc : merci. Et oui, j’ai lu la trilogie de Kim Stanley Robinson ! 🙂

  2. Bonjour Florence,

    Je suis avec grande attention le projet Mars One depuis le début mais je n’ai découvert ton blog que c’est derniers jours. Bravo pour ta sélection et un grand m.. pour la suite.

    Sur le sujet du rôle des médias dans l’exploration martienne, voici un article que j’avais commis en 2006 pour le bulletin de l’Association Planète Mars:

     » Pourquoi n’avons-nous pas déjà posé le pied sur Mars?

    D’abord pour une raison : quelle que soit la façon d’y aller, le voyage a un coût élevé.
    Si on se place du point de vue d’un investisseur, qu’il soit public ou privé, le projet apparaît peu séduisant: certes, il est probable que les efforts consentis en R&D génèreront des applications commercialisables sur Terre, mais le retour sur investissement sera long, hypothétique, et rien ne garantit que les profits aillent bien à ceux qui auront su prendre les risques initiaux. Quant aux bénéfices à plus long terme que certains se hasardent à évoquer (extraction minière, commerce triangulaire ceinture d’astéroïdes-Mars-Terre), ils ne peuvent aujourd’hui que faire sourire un industriel un tant soit peu raisonnable.

    Pourtant il est un secteur d’activités, rarement évoqué, qui devrait retenir toute notre attention : puissant, en pleine expansion, il peut espérer réaliser des bénéfices considérables en participant à un projet de vol habité, et cela dès la réussite de la première mission (voire même avant). Ce secteur est celui des médias.
    Car ce que Mars produit déjà, encore confidentiellement, mais qui inondera le « marché terrien », le jour du Premier Pas, c’est de l’image, et, derrière l’image, du rêve et de l’émotion. Ce rêve, cette émotion, ont une valeur marchande.

    Pour se donner une idée des sommes qui peuvent être mises en jeu, intéressons-nous aux grands rendez-vous sportifs: en tant qu’événements universels, porteurs de rêves et fédérateurs d’énergies, les Jeux Olympiques ou la Coupe du monde de football peuvent nous donner des échelles de valeurs. Ainsi les recettes publicitaires des JO de Pékin 2008 sont estimées à 1,7 Md US$. Pour l’exercice 2001-2004, les revenus marketing des JO étaient de 4 mds US$ (source : site du CIO). Quant au football, un seul exemple: rien que pour la France, les 30 secondes d’espace publicitaire, lors de la finale 2006 ont été vendues 250 000€ aux annonceurs par TFI (source: France Info).

    Projetons-nous maintenant dans le futur : quel sera le prix de ces moments dont nous avons tous rêvé : l’annonce de la sélection de l’équipage, le décollage, l’arrivée en orbite martienne, les premières foulées dans le régolite martien ? Sachant qu’en 2020-2030, ces images seront accessibles à l’immense majorité de l’humanité sous des formats multiples et complémentaires, à combien se négocieront les droits de retransmission, les espaces publicitaires, les recettes des produits dérivés évoquant l’épopée des premiers martiens ? Ce marché existera, quoi qu’il arrive. En revanche, rien ne garantit que l’industrie spatiale en bénéficiera, et encore moins que les grands groupes médiatiques participeront en amont à l’effort financier que nécessitera la conquête de la planète rouge.

    Partant de là, pourquoi ne pas faire preuve d’imagination ?
    Pourquoi, par exemple, ne pas associer les médias, dès le départ, à la conception et au déroulement de la mission ? En échange de leur contribution, donnons-leur tous les moyens de mettre en lumière l’extraordinaire aventure humaine que sera ce voyage. Permettons-leur de « stariser >> chaque membre de l’équipage en suivant chacun de ses pas jusqu’au fond de Valles Marineris. Laissons-leur faire leur métier : créer, à travers un plan média coordonné, un consensus général qui leur permettra à eux, le jour venu, d’engranger un retour sur investissement maximum, à nous de disposer d’une manne financière non négligeable, et de bénéficier d’un assentiment général qui devrait nous préserver de tout infléchissement ou revirement du politique pendant la période de préparation de la mission.

    Ce mode de contribution au financement d’une mission habitée n’est qu’une suggestion. D’autres pistes sont à défricher : sponsoring, appel à de grands mécènes ; il existe certainement beaucoup d’acteurs qu’un événement de cette importance est susceptible d’attirer. Une chose est certaine, plus que de nouvelles technologies révolutionnaires, le projet martien a aujourd’hui besoin d’une réelle volonté politique pour décoller. Et cette volonté, notamment en ce qui concerne l’Europe, ne pourra qu’être encouragée si, en plus d’un projet cohérent, nous sommes susceptibles de proposer des modes de financement complémentaires originaux.
    Dans ce secteur comme dans d’autres, Mars nous obligera à être imaginatifs. Alors parlons-en autour de nous, faisons fonctionner nos réseaux, soyons novateurs, bref, faisons bouger les lignes ! »

    C’était il y a 8 ans. Depuis je n’ai pas beaucoup fait bouger de lignes mais d’autres l’on fait et je trouve ça formidable.
    J’espère que Mars One ira le plus loin possible. Moi, je n’imaginais qu’une contribution au financement d’une mission « classique », c’est à dire avec retour, menée par des agences publiques. Mars One va plus loin. Je ne sais pas si c’est réaliste: les sommes requises restent colossales, les fenêtres de lancements visées extrêmement proches et, surtout, les technologies nécessaires à votre autonomie durable in situ peu matures. Quoi de probant depuis Biosphere II?

    Enfin, je ne demande qu’à être agréablement surpris. D’ores et déjà je trouve ce projet formidable parce qu’il montre que l’esprit pionnier n’a pas encore été totalement aseptisé, qu’il y a encore beaucoup de gens prêts à donner leurs vies pour que leurs rêves prennent corps et que l’Humanité quitte son berceau.

    Donc, sans réserve, à fond derrière toi,

    Go to Mars!!

  3. Salut Florence.

    Tout d’abord tu as bien fait d’écrire ce post qui me semble utile vu la réaction de certaines personnes à la notion de téléréalité. Je suis d’accord avec toi sur tout le long.

    Ceci dit me concernant, je n’ai aucune peur de voir le projet se salir avec une exploitation bête de vos vies (comme certaines productions le font avec la vie des candidats d’emissions que nous connaissons). Le rendu « débile » de ces émissions est généré par ce travail exagerement important de scénaristes, marketeux, monteurs, acteurs et autres pour cuisiner ce fast-food de la TV. Travail impossible dans les conditions de Mars One (suffit de voir comment se passe la diffusion de vidéos de l’ISS).

    Ce qui m’embête par contre c’est bien l’efficacité de cette médiatisation ! Les simpson s’en moquent bien : la conquête spatiale n’intéresse plus personne, du moins plus autant qu’à l’époque du programme Apollo et de la guerre froide. Seul Curiosity a fait un peu de bruit, mais même Hadfield et ses vidéos intéressantes n’a pas produit l’effet que j’aurai aimé voir.
    Toujours en parlant de financement, prenons leur dernier crowfunding en date (http://www.indiegogo.com/projects/mars-one-first-private-mars-mission-in-2018). un peu plus d’1/4 généré et il reste moins de la moitié de temps.

    Ce qui m’inquiète donc plus c’est que le projet se meurt en quelques années faute de financement, avec des hommes sur la planête rouge =/.

  4. Pour ma part, ce n’est pas chacune des choses que tu soulève prise à part qui me pose problème (genre « tu vas mourir la bas », « c’est de la télé-réalité », etc.) mais plutôt le fait que le même projet rassemble le tout…

    Mais pour ce sujet particulier, je vois quand même une grande différence avec les programmes cités, un élément pas anodin : une vie, c’est long. Tu as la trentaine, a priori, il te reste quelques bonnes dizaines d’années à vivre, éventuellement à vivre sur Mars. Jamais un programme TV n’a duré aussi longtemps et surtout en autant de temps, tout aura l’air bien ringard dans ce programme et il passera pour sûr de mode avant la fin de l’épopée.

    Alors une fois que Mars One n’intéresse plus personne, une fois qu’il est passé de mode, une fois que la moitié de l’équipage est mort dont l’un a mis plusieurs mois à agoniser faute de soins suffisant, que va-t-il se passer? Qu’allez vous devenir?

    Je partage tous tes arguments positifs et comprend ton envie, mais le fait que cela s’organise via une entreprise privée à vocation de divertissement me fait un peu peur sur l’issue de la chose.

    Je suis beaucoup moins renseigné que toi sur le sujet donc tu auras sans doute tout plein de réponses à me donner à tout cela que je lirai avec plaisir. Merci en tout cas pour ces articles, pour l’instant ça me fait pas changer d’avis sur le sujet mais ça a le bon goût de me faire réfléchir!

    • Salut Nico,

      Non, je n’ai pas les réponses à toutes les questions, et je me suis posé exactement les mêmes questions que toi. Il est effectivement fort probable que le programme (ou la chaîne) passe de mode plus ou moins tôt. J’imagine que quand ça arrivera, Mars One arrêtera la diffusion pour économiser son coût – si les habitants de Mars ne mettent en l’air les caméras avant. Bas Lansdorp a annoncé également qu’ils ne montreront personne mourir, pour des questions éthiques. J’espère qu’il tiendra parole (une diffusion en différé de quelques minutes au minimum en plus du décalage temporel avec Mars suffira pour contrôler ça.)


      Tu dis que c’est « une entreprise privée à vocation de divertissement » : je rappelle que le divertissement n’est pas une fin mais un moyen. Et si jamais tout se passe bien, si jamais ça se déroule à peu près comme prévu, alors il y a fort à parier que les agences spatiales nationales vont travailler avec Mars One et ses « sous-traitants » (SpaceX, par exemple, compagnie privée qui fait déjà du fret pour la NASA). Je parie aussi sur le fait que les centres de recherche scientifiques et les gouvernements vont mettre de l’argent pour envoyer des expériences qui pourront être faites sur place, ce genre de chose. N’oublions pas que ce projet a vocation scientifique avant tout. Si c’est le « tout privé » qui te fait peur, moi je table sincèrement sur une collaboration public/privé très vite (encore une fois, si tout se passe bien) pour la simple et bonne raison que Mars n’appartient à personne et que les connaissances scientifiques venant de là-bas feront partie du patrimoine mondial de l’humanité (du moins je l’espère, je ne sais pas où ils en sont sur ce point) – enfin, la formulation « patrimoine de l’humanité » n’est peut-être pas la bonne, ce que je veux dire, c’est que le fonctionnement des découvertes et des connaissances scientifiques ne sera pas différent de celui d’aujourd’hui, à moins de brevets déposés pour certaines choses, ce qui est bien possible, je te l’accorde (mais comme ici).

      Je ne sais pas si ça se passera comme ça, mais la collaboration public/privé est une possibilité (qui arrivera peut-être vite). Elle est en tout cas souhaitable, c’est sûr.

      Quant à la durée de la vie, pour le coup, je serais moins optimiste que toi… 🙂 Je ne sais pas – personne ne sait – si les habitants de Mars auront une espérance de vie égale à la moyenne sur Terre. Il y a quand même beaucoup de facteurs qui joueront (en mal, sans doute) sur la santé humaine…

      Bref, voilà où j’en suis dans mes réflexions. Je suis bien plus critique dans mon for intérieur que je ne le laisse penser dans ces billets – mon but, c’est juste de donner un point de vue plus optimiste pour contrebalancer. Une sorte d’avocat du diable 😉 Mais au-delà de ça, je reste critique, oui. Je continue à réfléchir.

      Merci en tout cas de prendre le temps de me lire, de laisser un message, et de réfléchir également. Je sais que ce n’était pas gagné à la base 🙂

      • Merci pour ces réponses (ne cessons pas de nous remercier :p).

        Bon d’abord j’ai pas « peur du privé », sinon j’aurais pas créé une entreprise. Mais plusieurs réalités de celles-ci font que le côté entreprise privée à l’origine me « font peur » en effet (les entreprises privées en sous-traitance ou en partenariat ne me posent aucun problème).

        D’abord le divertissement paraît en effet pour l’instant uniquement un moyen et non une fin. Reste que quand il y aura des problèmes de revenu de ce côté-là, il faudra faire des choix et les coupes ne se feront probablement pas du côté de ce qui rapporte de l’argent, il sera donc rationnel et compréhensible de favoriser dans ce cas le divertissement devant la science.

        Ensuite, quelle sera la place des humains participant à l’aventure vis-à-vis de l’entreprise. On ne signe pas des contrats à vie, cela n’existe pas. Et je ne m’avancerai pas sur les éventuelles lois qui imposeraient à l’entreprise de bien les traiter, de faire au mieux pour les garder en vie, les protéger. En particulier si riche de l’expérience et en perte de vitesse, Mars One décide de faire Mars One 2… Ce qu’en effet, ce à quoi la NASA ou le CNES met une importance toute particulière.

        Bref, je suis vraiment convaincu que c’est une aventure exceptionnelle et qui ferait faire un beau bond sur l’exploration spatiale mais à ce jour je visualise mal une fin heureuse (par contre un début fantastique sur disons… 4-5 ans, aucun problème!).

        • Pour l’instant, il est prévu que 40 personnes soient employées de Mars One (qui est d’ailleurs une fondation à but non-lucratif) en tant qu’astronautes qui s’entraîneront pendant 8 ans. Le projet implique d’envoyer pour le moment 24 personnes (6 équipes de 4, à raison d’1 équipe tous les 2 ans). Les 16 personnes « en rab » sont une sécurité en vue de désistements, de maladie, d’accidents… Bref. N’importe quoi.

          Un « Mars One 2 » n’a pas vraiment de sens puisque le but de la manoeuvre, c’est donc d’envoyer une équipe de 4 personnes tous les deux ans. Il y aura donc des appels à candidats en permanence (ou presque), comme dans toute agence spatiale ! (Encore une fois, évidemment si tout se passe comme prévu…)

          Concernant le statut juridique d’une telle catégorie d’employé, là effectivement, je ne sais absolument pas comment ça se passe. Un salaire sera-t-il versé ? Une prime de risque ? Des cotisations retraite ?… Toutes ces questions sembleraient n’avoir pas tellement de sens pour des gens installés sur une planète, loin des institutions et des administrations. Mon avis est que ça soit quand même souhaitable : cet argent pourrait être mis de côté, faire des petits, et mis par exemple dans une mission de ravitaillement. En plus de piges pour des médias, d’éventuels spots de publicité… Ça peut faire un paquet d’argent (surtout x4 ou x8 etc… personnes) à investir dans une capsule de fret !

          Quant au bond dans l’exploration spatiale, oui c’est certain… que ce projet aboutisse ou non (ce dont je ne suis pas sûre). Ce sera l’occasion d’un autre billet 🙂

          PS : J’ai corrigé tes fautes :p

          • Alors la j’apprends plein de choses 🙂

            Le fait que ce soit une fondation et qu’il y ai des envoi réguliers change pas mal la donne en effet, du coup je pars re-méditer à la chose et attend le prochain article :p

            PS : merci pour les fautes

  5. La télé-réalité est le chainon manquant entre la série télévisée ou le « soap opera » et le jeu télévisé. Le mélange apporte au public rivalités, émotions, la proximité à des personnages bienveillants ou mal intentionnés, suspens, enjeux, etc.

    Si l’aventure sur Mars est filmée et diffusée sur Terre, il vaudrait mieux que l’audience du programme soit un critère anecdotique dans les recettes de Mars One (audience=publicité). Cela permettrait d’avoir un programme enrichissant, informatif pour les publics passionnés qui en parleraient autour d’eux, ce qui augmenterait l’intérêt du grand public envers ce projet Mars One.

  6. Bonjour Laurence , l intérêt du public pour la télé réalité vient du système de notation et d élimination au fil de l émission. Ce qui pour moi implique forcement compétition et scénarios pour un rayonnement plus important au public. Cependant je vous souhaite le meilleur pour ce projet… go to mars =)

    • Justement… Ce que je n’ai pas précisé dans ce billet (c’était annexe par rapport à mon propos), c’est que le public ne sera pas passif devant le programme : il sera actif. C’est lui qui décidera qui seront les 4 premiers humains à poser le pied sur la planète Mars… C’est le public qui choisira les ambassadeurs de l’humanité pour la première fois de l’histoire de l’exploration spatiale. Il y aura donc compétition et scénario 😉

      PS : Je m’appelle Florence 😉

  7. Le roman « La Montagne Magique » de Thomas Mann est bien un prototype de téléréalité, d’enfermement qui plus est. C’est pourtant un des livres les plus passionnants, riches et profonds qui soient.
    Par contre, je ne suis pas convaincu de la pertinence de l’analogie avec les JO. Ceux-ci sont regardés par plusieurs milliards de personnes à travers le monde. Et en l’état actuel de l’intérêt pour l’espace, je doute que Mars One puisse y prétendre.

    • Bien au contraire. C’est tellement évident que ça ne m’a pas effleuré l’esprit de le remettre en cause. Les premiers pas sur la Lune ont été suivis par le monde entier – et pas seulement ceux qui avaient un poste de télé ! Les plus chanceux avaient invité leurs voisins, les enfants avaient été réveillés pour l’occasion… Imaginez maintenant, alors que plusieurs sortes d’écrans sont présents dans les foyers du monde occidental et que peu de personnes sur les 6 milliards d’êtres humains sont totalement éloignés d’une télé ou d’Internet… Comment les premiers pas sur Mars ne seraient-ils pas suivis par l’humanité entière ?

      D’autre part, les JO sont au contraire un excellent exemple de ce que je viens d’expliquer. Plusieurs milliards de personnes les regardent parce que plusieurs milliards de personnes le peuvent, techniquement parlant. Or, tout le monde n’est pas intéressé par le sport… Mais on regarde une épreuve ou deux, là où son pays est un peu doué… N’oublions pas que Mars One fait appel à des candidats du monde entier. Il ne s’agit plus de la Lune où seuls les États-Unis comptaient. Et bien avant le premier pas sur Mars, parmi les 40 candidats sélectionnés pour être embauchés comme astronautes par Mars One, il y aura 40 nationalités !

      Donc bon… Je ne pense pas qu’on puisse remettre en question ce point-là du projet. Et dans tous les cas, nous verrons à l’avenir si j’ai eu tort… 😉

      • Je souhaite de tout coeur que vous ayez raison. Mais on n’est plus dans le même monde que dans les années soixante, qui a connu la conjonction entre une volonté politique d’affirmer sa suprématie dans un contexte de guerre froide, et l’élan des trente glorieuses, phénomène exceptionnel dans l’histoire de l’humanité. C’était un formidable coup de pub pour la civilisation occidentale, et un rêve devenu réalité. J’espère me tromper, mais il me semble qu’aujourd’hui l’homme dans l’espace ne fait plus rêver grand monde, si ce n’est des passionnés.
        PS : j’aime bien me faire l’avocat du diable 😉

  8. Un grand MERCI pour mettre en forme ce soucis d’incompréhension et « d’agressivité » envers les candidats et partisans du projet !

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