[PERSO] André Brahic… MERCI.

Cher André Brahic,

Quand je suis arrivée ce matin sur la scène de l’amphithéâtre Mérieux de l’ENS de Lyon pour intervenir lors d’une table-ronde dans le cadre des Intergalactiques, il y avait plus de fauteuils que nous n’étions d’intervenants.
Vous étiez annoncé « sous réserve » et je savais que vous ne viendriez pas, mais quand on m’a proposé de participer à l’événement, l’espoir était permis, j’en avais été folle de joie.
Alors j’ai eu une pensée pour vous avant de m’asseoir, sachant que de toute façon vous ne seriez pas longtemps resté assis si vous aviez été présent. Ça m’a fait sourire.

Lorsque je suis partie dans un monologue un peu sombre et décousu concernant notre avenir, j’ai à nouveau pensé à vous. J’ai voulu tempérer mes propos en vous citant, en rappelant que, tout de même, nous vivons une époque formidable, et j’étais prête à égrainer vos arguments pour que vous soyez parmi nous un peu quand même. Et puis… je ne l’ai pas fait, finalement.

Nous avions échangé quelques mails ces derniers temps, nous devions nous rencontrer, vous étiez d’accord. « Votre santé passe avant tout le reste. Vraiment. », vous avais-je écrit, essayant d’être raisonnable à votre place alors que vous m’aviez détaillé vos déplacements entre deux séjours à l’hôpital. « Prenez soin de vous », avais-je conclu en pesant chacun de ces quatre mots.

Nous nous étions croisés une fois, sur le plateau de « La tête au carré » à la Cité des Sciences, le 12 novembre 2014, à l’occasion de l’atterrissage de Philae. Je vous avais fait part de mon émotion de vous voir, de mon admiration, et je vous avais remercié pour tout ce que vous faisiez pour le grand public, dont je fais partie. Ça vous avait bien fait rire et c’est vous qui m’aviez remerciée en retour, « d’écouter un vieux croulant comme moi ». Dans une indignation hilare, je vous avais un peu engueulé, ne vous permettant pas de parler de vous-même ainsi. Et je ne vous avais pas quitté des yeux avec un sourire niais, appréciant chaque seconde de votre présence et de votre énergie.

Ce matin, la table-ronde s’est terminée. Au moment de rentrer, j’ai rallumé mon téléphone. Et j’ai appris que les fauteuils vides étaient bien plus vides que ce que j’avais imaginé.

Sur le chemin du retour, mes yeux noyés derrière mes lunettes de soleil, j’ai partagé mon chagrin avec un ami. Je n’arrivais plus à être une homo rigolus. Il m’a écrit que ça reviendrait. Qu’il le fallait. Une larme est tombée sur mon téléphone. Qu’il faudra grimper sur vos épaules, comme vous l’aviez fait avant nous. Même si les vôtres « sont sacrément hautes ».

Je ne sais pas si j’arriverai à grimper sur vos épaules, André Brahic. Je sais juste que vous êtes l’un de ceux qui m’ont amenée à être ce que je suis aujourd’hui. Et malgré les doutes, malgré les angoisses, malgré la peur d’y être illégitime, je suis heureuse de ce que je suis, et de ce que j’aimerais continuer à devenir.

Mais vous êtes si grand, et vos épaules me paraissent tellement inaccessibles… Peut-être, avec votre accord, devrais-je grimper sur ce fauteuil vide ?…

Florence

© MaxPPP

7 réflexions sur « [PERSO] André Brahic… MERCI. »

  1. Une bien triste nouvelle. La place accordée à l’astronomie et la science en général est tellement ténue dans l’espace médiatique que perdre un de ses plus brillants ambassadeurs me plonge dans une grande mélancolie.
    Son optimisme communicatif me manquera…

  2. Pensée émue pour cette Intelligence qui vient de traverser notre ciel.
    Grace à des gens comme lui et vous bien des gens Lambda ont admireé le ciel d’une autre façon.
    Merci à vous de nous faire comprendre ces chose si agréablement.
    Pierre

  3. Ping : André Brahic, l’homme qui a découvert les anneaux de Neptune, est mort – Leweb2 Tricard.org

  4. Très ému par ce texte et par le vide laissé par André Brahic. Comme toi Florence, il m’a enchanté et fait découvrir la passion de l’univers, j’allais dire de l’au-delà… de notre monde terrestre . il y est maintenant, voyageant au-delà de la lumière, s’émerveillant…

  5. Un bien bel hommage, Florence, à notre tant admiré Professeur Brahic ! Je n’ai pas eu ta chance de pouvoir le rencontrer un jour, mais Dieu sait si j’en ai toujours eu envie… Je garde ici bien précieusement mes enregistrements TV (*) de quelques uns de ses passages télé qui sont pour moi un trésor inestimable. Quant à la « vacance » de son fauteuil, il ne me parait pas incohérent que tu puisses l’occuper un jour, car le fait que tu suives avec talent ses pas aujourd’hui dans ce qu’il a toujours voulu accomplir (rendre l’astro compréhensible pour tous) te rende parfaitement crédible en ce sens. Merci pour tout, Mr Brahic. Ah oui, j’oubliais : A messieurs de l’ESA, de la NASA etc… Le jour où vous aurez (enfin) décidé d’envoyer une sonde se placer en orbite autour du système neptunien pour l’explorer, il apparaîtrait pertinent de nommer ladite sonde « Brahic », non ?

    (*) qualité VHS pour les plus anciens, et DVD à compter de mars 2005, dont je peux te faire copie sur simple demande de ta part (en ce cas, faudra juste me laisser le temps de répertorier ce que j’ai)

  6. Effectivement bien triste nouvelle que j’ai découverte en voyant ton post sur facebook… Un homme de science qui réussissait à transmettre sa passion avec un bonheur contagieux. Un de mes super-héros à moi s’en est allé.

    A nous de continuer à transmettre cette passion de l’espace et de l’astronomie.

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