16. La taille des boosters des navettes spatiales

Figurez-vous que c’est la première fois de ma vie depuis que j’ai décroché mon DEUG d’Anglais (oui, je suis assez vieille pour avoir un DEUG, deal with it :p) qu’il me sert à quelque chose. Ah, ces heures passées en cours de civilisation américaine à apprendre la conquête de l’Ouest, la Guerre de Sécession et les ouvriers chinois qui ont construit les chemins de fer… C’était comme dans Lucky Luke (mais en moins fun).

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En tout cas, je n’imaginais pas qu’écrire un livre sur le spatial me replongerait dans des cours vieux de plus de 10 ans… Et pourtant. Comme pour l’histoire des étrons d’Apollo 10 et de celle de la découverte de la constitution des étoiles, c’était un sujet que je voulais traiter sur mon blog (et que je n’ai jamais traités par manque de temps) parce qu’il tourne un peu partout dès lors qu’on s’intéresse à l’espace. Je l’ai même reçu par mail il y a quelques années sous la forme d’un Powerpoint kitsch – c’est vous dire.

Bien entendu, cette histoire de diamètre de boosters indexé sur la croupe d’un cheval romain est une légende. Vous trouverez donc toutes mes sources ci-dessous – mais avant, il est intéressant de savoir d’où vient cette légende. En fait, l’idée que l’écartement standard des chemins de fer nous provienne directement de l’Empire romain remonte à… 1905 ! C’est le très sérieux Popular Mechanics qui le met noir sur blanc pour la première fois – vous pouvez lire le fameux paragraphe ici. Et voilà ! Il n’en fallait pas plus pour qu’un jour, ce soit élargi aux boosters des navettes…

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Les sources :
– Popular Mechanics, « Ancient Romans Determined Our Standard Railway Gauge. », May 1905, p. 506
Horse’s Pass
NASA Railroad Keeps Shuttle’s Boosters on the Right Track
Space Shuttle Solid Rocket Booster
Standard Gauge
George Stephenson
Central Pacific Railroad Photographic History Museum
– Edward L. Ayers, et al., American Passages: A History of the United States, Harcourt College Publishers, 2000, pp.360-361
– Robert C. Black, The Railroads of the Confederacy, Univ. of North Carolina, 1952
– James Crow, Housesteads, B. T. Batsford, 1995, pp. 33-34
– James McPherson, Battle Cry of Freedom, Oxford Univ. Press, 1988, pp. 318-319, 514-515
– George E. Turner, Victory Rode the Rails: The Strategic Place of the Railroads in the Civil War, Bobbs-Merrill, 1953
– Thomas Weber, The Northern Railroads in the Civil War, 1861-1865, King’s Crown Press, 1953
– Adrian Vaughan, Railwaymen, Politics and Money, John Murray, 1997

Les autres chapitres :
1. Apollo 10 et les étrons volants
2. Les objets perdus dans l’espace
3. La première sortie dans l’espace
4. Trou rond, astronaute carré
5. Les communications avec l’espace
6. Les poils d’Alexeï Leonov
7. Le sandwich au corned-beef clandestin
8. Les Mercury 13
9. Les touristes de l’espace
10. Les astronautes et la science-fiction
11. Traditions et superstitions
12. Korolev et la première femme dans l’espace
13. Le système d’amarrage androgyne
14. Des mathématiques à la Lune
15. De la toile aux étoiles
17. Les jobs les plus fous
18. L’art et la culture dans l’espace
19. Le message d’Arecibo
20. Carl Sagan et les dauphins
21. Les animaux dans l’espace
22. La longévité extraordinaire d’Opportunity
23. Le crash de Mars Climate Orbiter
24. Le bit manquant d’Ariane 5
25. La mission Rosetta : le prix d’un thé
26. Hubble et le micron le plus cher de l’Histoire
27. Vera Rubin et la matière noire
28. Des fientes de pigeon au prix Nobel
29. Cecilia Payne et la nature des étoiles
30. La destitution de Pluton, due à du Pomerol
31. Les exoplanètes d’Anne-Marie Lagrange

2 réflexions sur « 16. La taille des boosters des navettes spatiales »

  1. Chère Florence,

    D’abord merci pour ton livre que je me suis fait offrir à Noël, j’adore (je ne l’ai pas encore fini).
    Je t’écris pour te signaler une erreur et aussi je crois un mauvais raisonnement dans ton chapitre sur les boosters de la navette américaine.
    D’abord il ne font pas 12 pieds 17 pouces de diamètre mais 12.17 pieds, c’est à dire environ 12 pieds 2 pouces: les américains utilisent beaucoup les pieds décimaux, et les subdivisions décimales de façon générale. D’autant plus qu’écrire 12’17 » est impossible car ayant 12 pouces dans un pied on écrirait 13’5″.

    Ceci-dit c’est un détail.

    Par contre je ne comprends pas ton raisonnement:
    1) D’abord il n’est pas étonnant qu’une technologie ait une dépendance qui remonte à très longtemps. Le système de mesure anglais est lui-même est dérivé du système romain (qui lui même provient peut-être d’un autre plus ancien)! En fait presque tout vient du passé d’une façon ou d’une autre
    2) Il n’est pas non plus étonnant pour les ingénieurs de prendre en compte dans leur conception les contraintes de transport, il y a de nombreux exemples. Le plus connu en France est celui de l’assemblage de l’A380 (http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/Mobil/MobilDoc.htm). On a certes pu rehausser des infrastructures mais on n’a pas pu faire n’importe quoi non plus. D’ailleurs Jeff Bezos va carrément fabriquer sa prochaine grosse fusée juste à côté de cap Canaveral.
    3) Tu sembles confondre largeur de voies et largeur de train (et donc de tunnel), peut être à cause de l’utilisation non familière des unités pieds et pouces. 4’8″ ça fait 1m43 et un train est beaucoup plus large que ça quand on y pense. En fait il faut directement regarder s’il y a des standards de largeur de wagon aux US et oui: https://en.wikipedia.org/wiki/Loading_gauge#North_America. On y voit que le standard le plus large pour un wagon et de 3m25. Ce qui veut dire que les tunnels à une voie (courants aux US) doivent être un peu plus large, tout juste assez pour faire passer lentement le cyclindre de 3,7m de diamètre des boosters…

    On voit donc que les concepteurs des boosters ont utilisé le diamètre maximal transportable par train. Ca ne prouve pas qu’ils ont été contraints par les tunnels (il n’avaient peut être pas besoin de plus gros) mais ça rend très crédible l’histoire d’origine.

    Dis-moi ce qu tu en penses et au plaisir de te lire et de t’écouter.

    Frédéric

    • Cher Frédéric,

      Merci beaucoup pour la précision. En effet, j’aurais dû écrire 12.17 pieds et c’est une erreur. Toutes mes excuses, et merci de l’avoir relevée !

      Concernant le reste :

      1) Oui, absolument. Mais je ne remets aucunement en cause la filiation de ce qu’on utilise aujourd’hui au passé. Et pour preuve : je remonte le cours du temps tout au long de ce chapitre. Je dis juste qu’entre la légende de départ (« le diamètre des boosters de la navette spatiale est indexée sur la largeur des arrières-trains des chevaux des Romains ») et ce qui s’est réellement passé historiquement, il y a une grande différence. (Que je détaille dans le livre, je ne vais pas y revenir.)

      2) Là encore, effectivement. Mais je ne dis pas le contraire non plus… à aucun moment !

      3) Non, je ne confonds pas largeur de voies et largeur de tunnels 😀 Un enfant peut constater que les tunnels sont plus larges que les trains, eux-mêmes plus larges que les voies. Et j’étais bien allée vérifier les standards américains, oui – non seulement ceux d’aujourd’hui… mais également la façon dont ces standards sont devenus ce qu’ils sont !
      Là encore, je décris toute la procédure, en remontant à la Guerre de Sécession et bien avant, comme je le décris dans le livre. Donc… pour résumer : si aujourd’hui on parvient à faire passer ces boosters dans ces tunnels, ce n’est pas grâce aux Romains, mais grâce au fait que le Nord ait gagné la guerre et qu’ils ont imposé leur standard partout. (Je schématise, hein.)

      Je maintiens donc ma conclusion : ça ne rend absolument pas crédible l’histoire d’origine. Déjà parce que les Romains (ce que je n’ai pas détaillé dans le livre parce que j’avais une contrainte de nombre de signes à respecter) n’avaient pas eux-mêmes des largeurs de routes standard (on en a retrouvé de toutes les largeurs, du sentier aux très larges voies) – donc on ne peut pas avoir un standard provenant d’une époque… où ça n’existait pas. Et ensuite parce que même si on en revient aux chevaux, comme je le détaille dans le livre (cette fois), un demi-pouce a été rajouté par la suite de manière tout à fait arbitraire.
      Je maintiens donc que la légende est une légende, que c’est une histoire tout à fait amusante, mais qu’elle ne respecte en aucun cas ce qu’on sait des faits historiques. Et que si tout, aujourd’hui, a une filiation avec le passé, elle n’est jamais aussi simpliste ni aussi directe, surtout lorsqu’on parle d’une civilisation datant d’il y a 2000 ans…

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