Lors de mes premières années à Paris, je ne manquais aucune conférence du Collège de la Villette. Physique, cosmologie, anthropologie, mathématiques… L’entrée y est libre, les intervenants passionnants et l’organisation impeccable. Malheureusement, pour des questions d’emploi du temps et de situation géographique, je n’ai pas pu continuer à m’y rendre (mais je n’en rate aucune grâce aux podcasts).
Récemment, j’ai découvert qu’à l’instar de la Cité des Sciences, le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) organise lui aussi ce genre de rencontres entre les spécialistes et le grand public. Baptisés « Mardis de l’espace« , j’ai pu assister au dernier de l’année 2011/2012 sur les trous noirs en pouvant LT sur place.
En effet, le CNES garde 10 places réservées pour les utilisateurs de Twitter afin qu’en suivant l’évènement grâce au hashtag dédié, un grand nombre de personnes présentes sur les réseaux sociaux puissent suivre comme s’ils étaient sur place.
J’ai pu y rencontrer la très sympathique Séverine Klein qui a accepté de répondre à mes questions. Diplômée en mathématiques pures (excusez du peu…) puis d’un DESS de communication scientifique, c’est un stage qui l’a menée au CNES qui l’a embauchée en 2001 en tant que rédactrice multimédia : elle était donc en charge du site cnes.fr. Puis elle a « pris du galon » et occupe désormais le poste de chef de service « Grand public » à la communication externe du CNES : « dans mon équipe, on gère les publications externes, l’audiovisuel, une partie des partenariats, et bien sûr il y a la cellule web. Pour ma part, indépendamment du management, j’ai notamment en charge la présence du CNES sur les médias sociaux. C’est donc moi qui parle derrière @CNES_France sur Twitter, par exemple. »
Florence Porcel – Que sont « Les mardis de l’espace » ?
Séverine Klein – Les mardis de l’espace sont des rencontres mensuelles entre les experts du spatial et le public, sous la forme d’un café scientifique. Ils se déroulent le 3ème mardi de chaque mois, au Café du Pont Neuf à Paris, à partir de 19h30. Lors de chaque soirée, nous abordons un thème différent ; 2 ou 3 intervenants sont présents, et le public peut poser ses questions. Il y a aussi un animateur pour mener les débats, et un pianiste qui improvise et met son grain de sel avec humour.
FP – D’où vient l’idée et quel en est le but ?
SK – L’idée est venue simplement du constat que les rencontres entre le public et nos experts, ingénieurs ou scientifiques, déclenchait toujours beaucoup d’enthousiasme des deux côtés. Or, nous n’organisions ce type de rencontre que de façon ponctuelle (lors de la Fête de la Science, par exemple). Nous avons donc souhaité donner des rendez-vous réguliers et éviter le mode trop formel ou conférence. D’où l’idée du café scientifique qui permet de passer un moment convivial tout en dialoguant avec des experts passionnés et passionants !
Séverine Klein : « L’espace est utile au quotidien ! »
FP – Quels ont été les thèmes abordés ?
SK – Nous avons parlé de l’exploration de Mars, de la recherche de vie dans l’Univers ou encore du monde de Saturne, mais aussi de l’utilité des technologies spatiales dans le domaine de l’océanographie ou des enjeux politiques du spatial. Nous essayons d’aborder des sujets très variés, à la fois pour faire découvrir toutes les facettes du spatial que le public connaît peu, pour le sensibiliser au fait que l’espace est utile au quotidien, mais aussi pour varier les plaisirs et le public !
FP – Quel bilan tirez-vous de cette première saison ?
SK – Que du positif ! En moyenne, nous avons compté entre 60 et 90 participants à chaque soirée, la dernier en a même comptabilisé 115 ! Pour un café scientifique, c’est énorme. Nous n’avons eu que des échos positifs, aussi bien des experts que du public, qui nous encouragent à continuer. Le niveau des questions est de très bonne qualité, et parfois même de haut niveau, mais nous souhaitons vraiment éviter que ces rencontres ne deviennent des débats d’experts. Chacun doit y trouver sa place et oser poser sa question. Pour une institution comme la nôtre, c’est très important d’être en contact direct avec notre public ; il y a une réelle interactivité.
Le volet numérique est également un point très positif : ces rencontres trouvent un écho en ligne, auprès des internautes qui ne sont pas à Paris ou ne peuvent pas se déplacer. Nous avons ainsi fait la connaissance d’internautes, bloggeurs, twitteurs fidèles qui viennent régulièrement et ont particulièrement apprécié cette démarche visant à vulgariser et rendre le spatial accessible au plus grand nombre.
« Nous avons trouvé une véritable interactivité avec notre public
avec l’apparition des médias sociaux. »
FP – Le CNES est présent sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter lors de ces mardis de l’espace. Pourquoi cette démarche ?
SK – Ce n’est pas très original, mais pour nous, les nouveaux usages, en particulier les médias sociaux, sont un moyen de toucher de nouveaux publics, de parler à ceux qui ne nous connaissent pas et ne viendront pas spontanément sur notre site ou lors d’un de nos événements. On nous dit souvent : « Vous faites des choses superbes mais vous ne le faites pas assez savoir ! »…
A chaque média son public et son usage : par voie de conséquence, nous trouvons là un moyen de diversifier notre audience.
Nous avons trouvé une véritable interactivité avec notre public avec l’apparition des médias sociaux, nous percevons davantage ce qu’il attend…
Les médias sociaux sont aussi une sorte de terrain d’expérimentation pour tester des dispositifs de communication nouveaux, parfois surprenants, et toujours très enrichissants.
Je crois que le CNES, qui est à la pointe de la technologie dans son cœur de métier, doit aussi être innovant dans sa communication.
FP – Le CNES est présent à Paris, mais aussi à Toulouse et à Kourou. Y aura-t-il des mardis de l’espace dans ces deux autres villes, à l’avenir ?
SK – C’est à l’étude à Toulouse… Ca ne prendra pas forcément la même forme, mais nous envisageons également des rencontres régulières de ce type. Dans un autre style mais toujours la même démarche d’ouverture, nous sommes partenaires avec la Cinémathèque de Toulouse et la Cité de l’espace d’un cycle de films sur l’espace, durant toute l’année scolaire. Après la projection a lieu un débat ou des animations, en présence d’experts du monde spatial.
FP- A Toulouse justement, de nombreux évènements sont live-tweetés. Quel bilan tirez-vous de cette présence du CNES sur les réseaux sociaux ?
SK – En fait, on organise des livetweets régulièrement, pas seulement à Toulouse. Nous l’avons notamment fait plusieurs fois lors des lancements d’Ariane, depuis la direction des lanceurs du CNES à Evry. Nous y avons organisé un Tweetup, et nous avons reconduit l’expérience à plus grande échelle à Toulouse pour l’amarrage dans l’espace de l’ATV 3 , un cargo desservant la station spatiale internationale.
Tirer un bilan de nos actions sur les médias sociaux est encore difficile (nous sommes d’ailleurs en pleine réflexion sur la manière d’évaluer ces actions). Sur le plan qualitatif, il est indéniable que nous avons établi une relation très enrichissante avec les internautes et plus spécifiquement avec des bloggeurs qui nous suivent régulièrement, assistent à nos événements, nous « retweetent » etc. Je crois que dans ce domaine, le CNES est reconnu pour sa démarche. Néanmoins, c’est un travail très prenant qui nécessiterait d’être assuré par plusieurs personnes pour pouvoir vraiment exploiter tout le potentiel de ces nouveaux médias !
FP – Y aura-t-il une deuxième saison des mardis de l’espace ?
SK – Bien sûr ! La deuxième saison est en préparation. Elle débutera mi-octobre… Et pour les sujets abordés… surprise ! Nous avons essayé de tenir compte des (nombreuses) suggestions du public à l’issue de la première saison.
« Aujourd’hui, on ne peut plus se passer du CNES… »
FP – Que souhaitez-vous pour le CNES dans un avenir proche ou lointain ?
SK – En tant que communicante, j’aimerais simplement que le CNES et ses activités soient plus connus du public francophone, car c’est un secteur dont nous ne pourrions aujourd’hui plus nous passer : au quotidien dans le domaine des télécommunications, de la localisation, de la santé. Dans le domaine de l’environnement, c’est un outil essentiel pour étudier la planète à l’échelle globale et comprendre les phénomènes climatiques, par exemple.
FP – Quel serait votre voeu, personnel, concernant l’espace ?
SK – J’aimerais qu’une de nos sondes découvre des signes d’une autre vie dans l’univers, sur une planète extrasolaire. Apprendre que nous ne sommes pas seuls, ce serait une révolution pour l’humanité !