[WEB] Dix idées reçues sur Internet

On a tous dans notre entourage une grand-mère réfractaire au moindre progrès, un tonton qui n’y connaît rien à rien mais qui a toujours un avis sur tout, une copine qui passe en mode blop dès qu’on ose dire qu’on a aussi des vrais amis dénichés grâce au web, ou un homme politique prêt à diaboliser n’importe quoi pourvu que ça le fasse remonter dans les sondages.

D’où mon envie, chers internautes, de dézinguer quelques vilains clichés. Je vous donne la permission de reprendre mes arguments mots pour mots lors de vos repas de famille, si et seulement si vous filmez l’ire consanguine et que vous me l’envoyez ensuite pour que je la poste ici-même en bas du billet (histoire de rigoler un peu, hein) (si votre tonton est un homme politique et que votre grand-mère est votre meilleure amie, c’est encore mieux) (sinon faites un effort, putain !)

Voici donc 10 stéréotypes pris dans l’ordre le plus aléatoire, auquel je répondrai tour à tour avec humour, sérieux, et la plus adorable mauvaise foi.

Sur Internet, on se fait arnaquer

FAUX. On peut se faire arnaquer, nuance.

Alors oui y a des sites bidons, oui y a des gens malhonnêtes, oui y a des spams qui te proposent d’enlarge your penis. Mais c’est comme dans la vraie vie, ni plus ni moins. Les escrocs, ça existait bien avant l’arrivée d’Internet. Ils ont juste trouvé un nouveau support.

Mais déjà à l’époque de nos grands-mères, on se faisait arnaquer. Le mec qui te fait croire qu’il te vend un mammouth adulte alors que c’est juste un bébé sur lequel il a rajouté trois fourrures cousues par sa femme, tsé.

Alors oui, quand on te dit qu’un cousin éloigné du Togo généreusement décédé te lègue 12,5 millions de dollars mais qu’il faut juste te rendre sur place pour signer un papier, voire faire un virement pour les frais de notaire, oui, c’est une arnaque. Faut être con, pour se faire avoir (ou être député suisse, au choix).

(Oh, et au fait toi là-bas dans le fond : je te jure, t’as pas envie d’enlarge your penis. Nan parce que, enfin c’est pour t’aider, hein, mais les pénis trop enlargés, ça fait mal, juste. Ce serait dommage de ne plus pouvoir baiser du tout. Merci. Bisous.)

(Maintenant que j’y pense, d’ailleurs, y a pas genre enlarge your boobs ? Voilà les filles, je viens de prouver par A + B que nous sommes supérieurement intelligentes.)

Internet est un repère de pédophiles

VRAI et FAUX. Voilà un sujet sur lequel je n’ai pas vraiment envie de rire (ouais, je casse l’ambiance comme ça, ouais).

Même argument que ci-dessus : les pédophiles n’ont pas attendu Internet pour exister, ils ont juste trouvé là un nouveau biais pour assouvir leurs pulsions et entrer en contact avec des enfants.

Heureusement, il existe des gendarmes du net (de la STRJD) dont le travail est, entre autres, de trouver les sites pédophiles, puis de remonter à ceux qui les créent et les visitent. Et ils sont efficaces. Beaucoup plus difficiles en revanche de découvrir qui est pédophile dans la vraie vie.

Donc oui, il y en a. Non, il n’y a pas que ça. Et au moins, sur Internet, ils laissent des traces qui permettent de les identifier. Aux parents de surveiller de près ce que font leurs enfants devant un écran. Mais c’est du bon sens, n’est-ce pas ?

Internet encourage la procrastination

FAUX. Alors la, je m’insurge – oh putain génial ce site, ça s’appelle enpause.com, y a des tas d’articles intéressants ! – c’est entièrement faux ! Quand on veut se concentrer, on peut. Hey, yo, @Univers_VL, t’as vu la dernière news sur la physique quantique ??

Là encore, on procrastinait avant l’arrivée du ouaibe, je vous signale. Je crois que ces lolcats vont me faire mourir de lol.

 

On regardait les mouches voler, tout ça. On se racontait les derniers potins à la machine à OH LA BONNE NOUVELLE !!! Oh mais y en a plein, en fait !! Wow, mais il est génial ce site. Comment il s’appelle ? NewZitiv. Vachement bien, bon concept. Que de l’actu positive. Et plein d’autres choses, aussi. Je vous le conseille !

Internet tue les artistes

FAUX. Mouahahah laissez-moi rire. Mais alors c’est qui, ce vilain Nain Ternette ? (No offense aux gens de petite taille, je suis moi-même verticalement déficiente.) Hein, c’est qui ? C’est un petit ordinateur, bien debout sur ses petites jambes, qui court après les artistes avec un rire sardonique et qui les étrangle avec le fil de la souris, mmmh ?

Internet ne tue pas. Et certainement pas les artistes, qui au contraire voient en ce progrès un médium extraordinaire pour se faire connaître et montrer ce qu’ils savent faire. Internet, ça fait juste chier les industries qui n’ont pas su s’adapter – et qui continuent à vouloir être complètement à côté de la plaque (après la musique, l’édition !)

D’ailleurs comme dirait une tweepie influente dont je tairai le nom : « Le piratage ne tue pas les artistes, il tue les maisons de disque. Il ne tue pas l’art, il tue l’industrie. »

Internet, quote of my grand-mère, « ça tue des métiers »

VRAI et FAUX. Il y a sûrement des professions qui ont fort pâti de l’arrivée de mon ouaibe bien-aimé (même si je n’ai pas d’exemple en tête là tout de suite d’emblée au pif).

Voilà cependant ce que j’ai répondu à ma chère grand-maman : « Oui, et quand les voitures sont arrivées, ça a tué le métier de maréchal-ferrant. [Ma mère-grand n’est pas aussi vieille, hein, quand même.] Mais ça a créé les garagistes, les fabricants de pièces détachées, les designers, les constructeurs de bitume, les auto-écoles, les… »

Voilà. Internet ne « tue » rien. C’est juste une évolution logique et normale de la société. Il aura créé les architectes des systèmes d’information, les développeurs, les webdesigners, les community managers, et tout un tas d’autres métiers en –eurs dont le monde ne pourrait plus se passer.

Internet rend asociable et peut tuer

VRAI et FAUX. Je n’ai jamais eu de vie sociale aussi riche que depuis que je suis connectée plusieurs heures par jour.

Restons dans l’esprit « Le ouaibe m’a tueR ». Alors celle-là, on me la sort souvent, en général sur la question des jeux vidéo en réseau.

Le problème n’est pas Internet, ici, ni même le jeu vidéo. Le problème, c’est la personne – que ce soit dans l’asocialité ou dans le fait de jouer jusqu’à en mourir. Cela s’appelle être dépendant, et la dépendance est une pathologie, une vraie maladie psychiatrique qui peut être soignée et guérie.

La dépendance aux jeux vidéo est la même que la dépendance au casino, par exemple. Sauf qu’on refuse rarement l’accès à Internet à un accro aux jeux vidéo.

Et avant même les jeux, on a pu être dépendant aux drogues, à l’alcool, etc. Rappelez-moi les chiffres des décès liés à l’alcool et à la drogue par rapport aux morts d’Internet ?

Voilà.

Internet encourage les pires travers humains

VRAI et FAUX. Cachés derrière un écran, planqué derrière un pseudonyme, il devient très facile de se lâcher. Ces personnes haineuses, qui aiment clasher, mettre un forum ou des commentaires sans dessus dessous, on les appelle communément des trolls.

Internet n’encourage pas ce genre d’agissements, évidemment. Il les exacerbe via l’anonymat qui reste possible (et heureusement).

Cependant, les trolls sont certes pénibles mais ils ne sont pas vraiment dangereux. Demandez donc à un troll de le rencontrer dans la vraie vie, pour discuter. Bizarrement, il n’y aura plus personne… Le troll est un poltron. Il est plus à plaindre qu’à blâmer.

Cela peut aller très loin certes, jusqu’à des plaintes pour des raisons très diverses, mais je n’ai jamais entendu parler d’un troll qui ait causé un tort réel à une personne. J’espère ne pas me tromper…

Il ne faut pas oublier que, là encore, Internet n’est pas la cause. Quitte à me faire accuser de Point Godwin, des actes lâches et anonymes ont été accomplis bien avant Internet.

Internet n’est que le reflet de la société. Internet est ce que les internautes en font. Et les internautes, ce sont vous, moi, le gros con de voisin, ou la prof de maths. Internet est profondément humain et il reflète juste les traits de cette humanité.

Internet, c’est la fin de la vie privée

FAUX. « T’es sur Facebook, sur Twitter, t’as un blog ; mais t’as plus de vie privée, alors ? » Oh le joli cliché qu’il est beau !!

Je mets au défi mes amis Facebook, mes followers, et les honorables et formidables lecteurs de ce blog de me faire un compte-rendu de ma vie privée. Ceux qui ont accès à des informations sur moi uniquement par Internet, j’entends. Allez-y, je vous écoute.

Quelle est ma situation maritale ? Quelle est ma vie sentimentale ? Quelle est mon orientation sexuelle ? Ai-je des frères et sœurs ? Ai-je des enfants ? Si oui combien, comment s’appellent-ils ? Où ai-je voyagé ? Où suis-je allée aujourd’hui, hier, la semaine dernière, dans quel café, avec qui ? Le nombre de mes amants, leurs noms, leurs âges, leurs professions ? Une sextape, peut-être ? A vous, stalkeurs ! (Et là, la dame a un peu peur, quand même.)

Il y a même bon nombre de personnes que je connais dans la vraie vie qui seraient incapables de répondre à ces questions. Internet, une fois encore, on en fait ce qu’on a envie d’en faire. N’y dites, n’y partagez rien de ce que vous avez envie de garder pour vous. Mais c’est du bon sens, non ?

Les réseaux sociaux sont dangereux

VRAI et FAUX. Cette question est liée à celle du dessus.

Si tu as 13 ans et que tu mets des photos de toi à poil sur Facebook, oui, ça peut être dangereux.

Si tu en as 25 et que tu acceptes d’aller seule chez un monsieur que tu n’as jamais rencontré dans un lieu public avant, sans prévenir personne du lieu où tu te rends, oui, ça peut être dangereux.

Si tu racontes en détail la life du petit dernier, la crèche où il va, et qu’en prime tu postes des photos de lui, oui, ça peut être dangereux.

Si tu dis « youhou voleurs, je m’en vais, profitez-en ! », oui, ça peut être dangereux.

Si tu n’as pas verrouillé ton compte ou que tu ne connais pas cet ami que tu as accepté, et que tu te mets à critiquer ton boss sur Facebook, oui, ça peut être dangereux.

Maintenant, à chacun d’avoir un peu de bon sens et de prendre ses responsabilités. Mais ceux qui les diabolisent sont de mauvaise foi. Les réseaux sociaux sont bien moins dangereux que prendre le volant, par exemple. Ou que de traverser au rouge. Ou que de manger chez Quick. Ou que de faire du hors-piste. Ou que de baiser sans capote.

Protégez-vous !

Internet c’est pas la vraie vie (et la vraie vie, c’est mieux)

FAUX. Citons Slate : « Internet ressemble à une version survoltée du monde réel, avec ses promesses et ses périls ». Tout est (joliment) dit. Internet est fait par les internautes. Les internautes sont des êtres humains. Internet, à l’image de l’humanité, peut créer le meilleur comme le pire.

Et vous avez raison, Détracteurs et Ennemis du Ouaibe, la vraie vie, c’est mieux ! Y a des catastrophes naturelles, des centrales nucléaires qui pètent, des révolutions arabes, des guerres au Proche-Orient, des prêtres pédophiles, des virus du Sida, des réchauffements climatiques, des trous de la couche d’ozone, des insecticides qui donnent des cancers, de l’air pollué, des psychopathes en liberté, des hommes et des femmes politiques, des dealeurs de drogue, des accidents de voiture, des catastrophes aériennes, des dictateurs, des voisins qui font du bruit, de la télé-réalité, des tremblements de terre, des assassins, des tsunamis, des cyclones, Christophe Maé, des fontes de glacier, des gens qui meurent de faim, des mines anti-personnelles, des…

La vraie vie, ça donne envie. Internet, c’est pas très net.

[CULTURE/TECH] Livres, web, NTIC : débuts poussifs d’un ménage à trois qui promet

Les livres, le web, et le Kindle : trois faces d’une même révolution économique et numérique à réussir à tout prix, dans l’idéal d’un nouveau modèle satisfaisant pour tous.

A l’instar de l’industrie du disque, le monde de la littérature entre dans une phase délicate de son histoire : la transition entre l’ère du papier et celle du numérique. Si l’invention de l’imprimerie a révolutionné l’accès à la connaissance, la démocratisation du média Internet et des nouvelles technologies permet à tout un chacun d’être non plus un simple spectateur de la vie culturelle, mais d’en devenir un acteur à part entière. Les internautes, non contents de proposer leurs propres contenus littéraires, pourraient commencer à faire de l’ombre aux écrivains des grandes maisons. D’un autre côté, l’arrivée du Kindle d’Amazon risque fort de peser dans la balance économique de l’édition classique. Ces deux évènements quasi-simultanés pourraient donner le top départ d’un rapport au livre totalement nouveau.

Un premier salon réel tiré du monde virtuel

Un évènement récent symbolise l’entrée dans cette nouvelle ère : le premier« Salon facebouquins des grands auteurs de la petite édition » qui s’est tenu les 17 et 18 octobre 2009 au restaurant Le Mélange des Genres à Paris. Organisé à distance par deux membres de Facebook qui ne se connaissaient pas (Edith le Dico et Al LU-SINON), le principe était d’organiser des rencontres réelles entre auteurs et lecteurs qui n’étaient entrés en contact auparavant que sur le réseau social Facebook. Les 26 auteurs participants sont issus de la petite édition ou de l’édition à compte d’auteur : aucun d’entre eux n’a donc de visibilité dans les médias dits classiques (presse écrite, télévision, radio). Pourtant, cette première édition a été un succès : plus de 200 visiteurs, mais aussi et surtout une couverture médiatique non-négligeable. Outre les partenaires (BSC News Magazine et Overblog), la presse – et pas la moindre – s’est fait l’écho de l’évènement : LCI, Canal +, ActuaLittéCosmopolitan,ArtéMédia, etc… Pas assez pour faire de l’ombre aux différentes polémiques, discussions, et autres pronostics concernant l’attribution des prix littéraires dans l’édition classique, mais de quoi enclencher tout de même une petite révolution dans le monde de la littérature. L’industrie du livre devra désormais compter avec ces nouvelles pratiques et ces salons « off ».

Un Salon facebouquin sans auteur du web

On peut cependant reprocher au premier Salon facebouquin son manque d’intérêt pour les auteurs qui ne publient qu’en ligne. C’est d’ailleurs leur grand paradoxe : s’autoproclamer premier salon né du web et promouvoir des auteurs qui publient… sur papier uniquement. Certes, l’idée de ce salon est partie de Facebook, d’auteurs qui – par choix ou par défaut – font la promotion de leurs ouvrages via Facebook. Mais le lien avec le média Internet s’arrête là. Or, l’avenir de la littérature est désormais au support virtuel. De nombreux évènements sont emblématiques de la période trouble dans laquelle le monde de l’édition se trouve : la numérisation de contenus par Google, la démocratisation des supports techniques (iPhone, PDA), et bien sûr l’arrivée du Kindle d’Amazon qui tentera de s’imposer comme le lecteur de référence de livres électroniques (ou e-books). Autant de facteurs qui ont l’air d’échapper au co-fondateur du Salon facebouquin, Al LU-SINON, qui semble ne pas connaître l’existence du Kindle : « Lire un livre complet (…) n’est pas faisable, surtout qu’on ne peut pas mettre son ordinateur, portable ou non, dans son sac, dans sa poche, et que ça fait vite mal aux yeux » . Etonnant, pour un auteur qui se revendique du web… La révolution numérique de la littérature, malgré leur initiative originale et louable, ne passera pas par eux.

De l’e-book à l’e-écrivain

Et pourtant, les batailles concernant les livres virtuels n’en sont qu’à leurs débuts, à commencer par les (re)définitions des termes : qu’est-ce au juste qu’un « livre virtuel », par exemple ? Au-delà de la dimension philosophico-linguistique, c’est toute une juridiction qui est à revoir, aussi bien au niveau des formats qu’au niveau des contenus et de leurs protections. Quand contenus il y aura, car la pauvreté en la matièreest la principale critique qui est faite en ce moment à ce sujet. Mais la solution ne viendrait-elle pas des internautes eux-mêmes ? Contrairement aux 26 écrivains du premier Salon facebouquin, des centaines d’autres auteurs publient leurs œuvres sur le web (le plus souvent gratuitement), que les internautes peuvent soit lire en ligne, soit télécharger au format voulu (.rtf, PDF, e-book, MP3). Et la plupart également (Vanessa du Frat et Anna Galore, pour ne citer qu’elles) revendique le fait de ne pas vouloir de publication papier. Le livre trouverait donc via le web et grâce au Kindle et ses dérivés une existence virtuelle qui pourrait fortement peser dans la balance de l’édition classique. Car même si les éditeurs commencent à proposer leurs nouveautés sous format e-book, le prix de revient d’un ouvrage papier et de son homologue virtuel est sensiblement le même. Les aficionados des nouvelles technologies – et notamment les jeunes – se tourneront donc naturellement vers les productions littéraires directement virtuelles, et totalement gratuites. Sans même parler du piratage…

Dans cette nouvelle configuration, l’ensemble de la production et de l’édition littéraire est à revoir. Les professionnels de l’écriture, que ce soit les écrivains ou les éditeurs, doivent absolument prendre en compte les changements qui se produisent depuis quelques mois, et qui n’auront de cesse de s’accélérer. Les erreurs commises par l’industrie du disque, aujourd’hui dans une crise majeure, doivent servir de leçon. Un nouveau modèle économique, fiable et juste, doit absolument être mis en place, afin que tout le monde puisse y trouver son compte : les éditeurs, les auteurs, et les lecteurs. Les pronostics sont lancés quant à la date du premier e-best-seller…