[PODCAST] La folle histoire de l’Univers 56

Bonjour à tous ! Je suis Florence Porcel, community manager officielle de l’Univers, et je vous souhaite la bienvenue dans le 56ème épisode de ce podcast où je vais vous parler de visites virtuelles, d’astres découverts ou à découvrir dans le système solaire, d’images martiennes et de robots à la retraite…






LA NUIT DES ÉTOILES 2016

Et je commence par le plus urgent avec les deux évènements de l’été : c’est la Nuit des Etoiles, bien sûr, qui se tient du 5 au 7 août avec des manifestations gratuites et ouvertes à tous partout en France. Je suis un peu à la bourre, mais j’ai fait une vidéo spéciale fin juillet pour annoncer tout ça, donc j’espère que vous n’êtes pas prévenus trop tard si ça vous intéresse…





À l’occasion de cette vidéo où je vous explique comment repérer le nord grâce à la Grande Ourse, Mickaël Launay de la chaîne Micmaths m’a d’ailleurs appris qu’on pouvait faire cuire 10^55 kilos de pommes de terre dans une casserole de la taille de la Grande Ourse… Ce qui doit faire une belle purée tout de même. Il arrive à cette estimation après avoir calculé le volume du tétraèdre formé par les 4 étoiles délimitant le récipient de la casserole… Merci Mickaël ! J’adore ce genre d’info ! Et si vous ne connaissez pas sa chaîne, courez-y, c’est sans doute la meilleure du Youtube français.


LE


FESTIVAL D’ASTRONOMIE DE FLEURANCE

Deuxième événement de l’été, c’est le 26ème festival d’astronomie de Fleurance, à Fleurance, donc, qui se tiendra de 6 au 12 août avec des milliards de trucs à voir, à faire, à écouter. Pas encore possible pour moi d’y assister cette année malheureusement, mais j’espère que vous en profiterez bien si vous allez y faire un tour… Et bien sûr, on pensera très fort à André Brahic tout au long de l’été. Cet astrophysicien qui a découvert les arcs de Neptune et qui a milité toute sa vie pour la diffusion de la culture scientifique auprès du grand public nous a quittés le 15 mai dernier. La Nuit des Etoiles lui est dédiée et un hommage lui sera rendu à Fleurance.



LA MISSION ROSETTA EN DESSIN ANIMÉ

En parlant de culture scientifique à destination du grand public, je vous conseille d’aller regarder le dessin animé de l’ESA sur la mission Rosetta. C’est très mignon, c’est très bien expliqué, ça s’adresse aux adultes comme aux enfants, et ça permet d’avoir un résumé des pérégrinations et des découvertes scientifiques de la sonde Rosetta et de l’atterrisseur Philae à propos de la comète Chury. C’est vraiment trop trop choupi et super bien fait !!





D’ailleurs, le 27 juillet, Rosetta a définitivement arrêté d’écouter Philae… La Berceuse que je lui avais composée prend donc maintenant tout son sens… Adieu Philae…





Et on va bientôt dire adieu à Rosetta aussi puisqu’elle ira rejoindre le sol de la comète le 30 septembre prochain… Ce sera la fin d’une très très grande mission, et je suis ravie d’avoir pu la vivre au jour le jour. Merci l’Europe d’avoir pu permettre tout ça !!


L’ÂGE DE GLACE – LES LOIS DE L’UNIVERS
Et côté culture toujours, au cinéma en ce moment il y a L’âge de glace, les lois de l’Univers – et les aventures de Scrat dans l’espace sont super bien fichues !! Ils ont vraiment bien rendu l’impesanteur, ou au contraire la pesanteur trop forte, les problématiques liés aux combinaisons spatiales, aux vaisseaux spatiaux et tout… C’est vachement bien fait et ça m’a fait pleurer de rire. Et en bonus dans le film, on retrouve un astrophysicien superstar – je vous dis pas qui – j’étais comme une ouf, dans la salle.


INDEPENDENCE DAY 2
Et puis aussi au cinéma il y a ENFIN Independence Day 2 que j’ai trop kiffé. C’était une très bonne suite, c’est super agréable de retrouver les mêmes personnages 20 ans après, y a des bonnes idées, les décors sont magiques, et puis y a des aliens, un savant fou hyper attachant, des répliques qui m’ont fait hurler de rire, une base lunaire, un vaisseau géant, des personnages qui ne sont pas QUE des hommes blancs hétérosexuels, et y a tout qui pète dans tous les sens, alors que voulez-vous, je suis comblée. Voilà.


UNE NOUVELLE PLANÈTE NAINE
Du côté des choses un peu plus sérieuses, figurez-vous que Pluton et ses copines accueillent une nouvelle venue dans la famille des planètes naines puisqu’une équipe franco-canadienne a découvert un nouvel objet transneptunien de 700 kilomètres de diamètre que l’on appelle RR245 en attendant de lui trouver un nom correct. On peut être fier parce que la caméra qui a réussi à la détecter à plusieurs milliards de kilomètres d’ici a été conçue et réalisée au CEA de Saclay.


DES NOUVELLES DE LA NEUVIÈME PLANÈTE
En parlant d’astre lointain dans le système solaire, on a quelques nouvelles de la potentielle neuvième planète… Je rappelle qu’il y a quelques mois, Mike Brown, l’astronome américain qui a découvert Eris et qui a donc amené à déclasser Pluton, a annoncé avec grand bruit avoir découvert, avec son collègue Konstantin Batygin, une neuvième planète qui se trouverait très très loin dans le système solaire. Quelques semaines plus tard, l’étude d’une équipe française arrivait à la même conclusion, même s’ils n’étaient pas d’accord sur l’endroit où elle pourrait se trouver. Et là, on aurait un nouvel indice en faveur de cette hypothèse : cette neuvième planète pourrait résoudre un vieux mystère, que Kuiper a soulevé au 20ème siècle.


Pour ça, il faut revenir 4,5 milliards d’années en arrière, lors de la formation du système solaire. Notre étoile est née de l’effondrement sur lui-même, dû à la gravitation, d’un nuage de gaz et de poussière quasi-sphérique en rotation. Une fois le Soleil allumé, le reste du gaz et des poussières s’est mis à tourner autour de lui et à s’aplatir grâce à la force centrifuge. Donc le nuage est passé d’une quasi-sphère à un disque. Evidemment, ce disque se trouve sur le même plan que l’équateur du Soleil, ce qui est assez intuitif. Et puis les gaz et les poussières de ce disque ont formé les planètes. On s’attendrait donc à ce que les planètes orbitent sur le même plan que l’équateur du Soleil… mais en fait non ! Leurs plans orbitaux font un angle de 6° par rapport à l’équateur solaire ! Et 6°, ce n’est pas rien… Voilà ce qu’avait découvert Kuiper et que personne n’explique jusqu’à présent. Qu’est-ce qui a pu décaler de 6° leurs plans orbitaux ? Pourquoi ces fichues planètes sont toutes de traviole ?


Alors moi je propose deux hypothèses. La première, c’est qu’elles se sont mis une murge astronomique pour fêter la fin du Grand Bombardement Tardif et qu’elles n’ont pas encore dessoûlé. Peut-être qu’elles avaient 25° d’alcool dans l’orbite et qu’elles n’en ont plus que 6, hein, c’est possible. Et la deuxième hypothèse, c’est qu’avant le Grand Bombardement Tardif, là, Saturne s’était rapprochée de Jupiter, et donc du Soleil, et que Jupiter qui a toujours voulu avoir une relation privilégiée avec le Soleil a vu ça d’un mauvais œil, elle s’est énervée, et elle a envoyé valser Saturne un peu plus loin, avec Uranus et Neptune dans le lot qui n’avaient rien demandé.





Et alors là, le Soleil, bah ça l’a gonflé, mais comme il ne pouvait pas vraiment gonfler parce que c’était pas l’heure de devenir une géante rouge, eh ben il s’est dit « ouh la la, je sens que ces planètes vont me faire chier… » et il s’est mis à les regarder de travers. Eh hop ! Ce ne sont pas les planètes qui ont bougé, c’est le Soleil ! Il s’est renversé de 6° pour les regarder de travers, mais pas trop pour qu’elles se rendent compte de rien et qu’elles arrêtent leurs conneries, et pouf, on a une anomalie. Ah non mais moi je l’ai toujours dit, hein, c’est très simple. Il aurait dû me demander, Kuiper. On serait pas à se poser la question encore aujourd’hui.


Alors bon, ok, du coup là, y a l’équipe de Mike Brown et l’équipe d’Alessandro Morbidelli, qui est l’un des pères du modèle de Nice, qui proposent que l’hypothétique Neuvième Planète qui a une orbite inclinée par rapport au plan principal soit à l’origine de la perturbation gravitationnelle qui expliquerait l’inclinaison de 6° de nos huit planètes. Bon. D’accord. Ce serait donc un argument de plus en faveur de son existence. Mais franchement, c’est moins rigolo. Parce que ça voudrait dire qu’on a sans doute un élément perturbateur qui a dévié toutes les planètes du plan équatorial du Soleil. Et ça, le Soleil, je vous le dis, ça va finir par l’énerver…



LE VOL D’ESSAI DU NEW SHEPARD

Bon enfin ! En attendant le jour où on pourra observer cette neuvième planète pour confirmer son existence, voici une petite sélection de dates… Le 19 juin, c’était le vol d’essai du New Shepard de Bleu Origin, la société de Jeff Bezos, qui est le fondateur d’Amazon, et non seulement tout s’est déroulé à la perfection puisque le lanceur a atteint l’espace avec de revenir à la verticale et que la capsule a été récupérée, mais en plus c’était de toute beauté. Je peux vous dire qu’avoir regardé ça en direct, c’était un truc de malade, mais le revoir en replay, on ne s’en lasse pas !!






JUNO EN ORBITE AUTOUR DE JUPITER

Deux semaines plus tard, le 4 juillet, la sonde américaine Juno réussissait sa mise en orbite autour de Jupiter – elle n’a pas beaucoup envoyé de photos pour le moment, celle-ci est la plus emblématique avec et il faudra patienter encore un peu pour des images en HD – et sa mission sera entre autre de sonder l’atmosphère de Jupiter.






YUTU À LA RETRAITE

Et tout comme on a définitivement perdu Philae le 27 juillet, la Chine a annoncé la mort le 4 août de Yutu, son rover lunaire qu’on appelle également le Lapin de Jade, après 31 mois de présence sur la Lune. Il n’a pas toujours été en bonne santé puisqu’il avait déjà été annoncé mort en février 2014 avant de redonner signe de vie, sans pouvoir bouger cependant, mais en octobre 2015, il est devenu le rover ayant travaillé le plus longuement sur la Lune, battant le record du Lunokhod 1 soviétique en 1971.






LES TWEETS

Les tweets, maintenant ! D’abord celui d’Edgar Morin que j’ai trouvé très poétique ! « L’amour nous transforme à la fois en satellite et en Soleil. » Bon par contre je l’ai pas compris. Je trouve ça beau mais j’ai rien capté. Mais c’est joli !



 

 

Et le deuxième tweet, c’est celui de Sarcastic Rover, la version cynique de Curiosity que je vous conseille de suivre parce qu’elle est toujours super drôle et super pertinente, et là en l’occurrence elle est plus pertinente que drôle parce que voici ce qu’elle dit : « La peur ne pose pas des robots trop cool sur Mars. La peur n’encourage pas les jeunes filles à étudier les sciences. La peur ne vous rend pas fort. Mais l’espoir peut faire tout ça. » Voilà. Rien d’autre à ajouter.


 


CARTES POSTALES MARTIENNES

Puisqu’on parle de Curiosity il faut absolument qu’on fasse un tour du côté de Mars, hein, y a eu trop de cailloux fascinants, ces dernières temps, et Curiosity fête ses 4 années terrestres sur la planète rouge le 6 août. Avant ça, cette image toute pourrie, là, elle est quand même émouvante parce que c’est la première photo d’ExoMars, la mission européenne qui arrivera à destination le 19 octobre…





Et en attendant son arrivée, donc, Curiosity nous offre des tas de photos incroyables de cailloux hallucinants – le premier, ce n’est pas tant la pierre elle-même que son ombre. Regardez comme c’est découpé… C’est dingue, hein, après des milliards d’années, l’érosion aurait complètement poli le truc, mais comme les vents sont très très faibles sur Mars, les cailloux ont encore des reliefs hyper détaillés, hyper fins… Ou alors il y a une autre explication, hein, je suis pas experte en géologie martienne, j’avoue.





Le deuxième, c’est un détail sur une autre pierre, très très étonnant ! Alors ce truc me fascine. Je n’ai absolument aucune idée de ce que ça peut être. Mais ces lignes parallèles, là… C’est génial. C’est fascinant.





La troisième image, c’est marrant parce qu’on dirait que les pierres sont bouffées par des mites ! Vous imaginez ? Des mites qui se nourriraient de cailloux ? Ce serait rigolo. Ah !!! Mais voilà !! C’est peut-être elles qui mangent les roues de Curiosity, aussi !! Mais tout s’explique !





Trêve de plaisanterie – dernière image… Rien de particulier à première vue… Mais observez bien… Regardez… Oui, là-bas, en haut à droite de l’image… C’est trop choupi. Mars est une artiste. Elle sculpte des œuvres d’art dans ses roches…





Mars, I love you.


LES LIENS

Mars I love you, Mars I WANT YOU et dans les bidules 2.0 de cet épisode je vais vous donner toute une série de liens tous plus fous les uns que les autres, et le premier c’est l’endroit où vous pouvez trouver tous ces sublimes posters de la NASA sur Mars, justement, ils sont téléchargeables gratuitement en version HD.



Il y a aussi ceux-là, hein, tout aussi sublimes, téléchargeables gratuitement. D’ailleurs je crois que c’est Antoine qui m’en avait offert quelques-uns ! Antoine, tellement merci, tu n’as pas idée d’à quel point j’ai hâte d’avoir enfin un vrai appart pour pouvoir les encadrer et les admirer tous les jours – mais avec un peu de chance ça devrait arriver dans quelques mois, je ne manquerai pas de t’envoyer une photo…


Autre lien, autres images d’un autre monde, mais ce sont des photos, cette fois-ci – la NASA a mis à disposition toutes les photos prises lors des missions Apollo… Attention, c’est très addictif, et vous pourriez avec des palpitations ou la larme à l’œil tellement c’est beau, vertigineux et émouvant.


Pour ceux qui sont équipés d’un casque de réalité virtuelle, vous pouvez visiter la navette Discovery ! Et ça fonctionne tout aussi depuis un simple ordinateur. C’est génial, ce truc.


Dans le même style, et pour revenir à Apollo, on peut visiter le module de commande et se rendre compte de ce qu’ont dû endurer les astronautes de ces multiples missions… Les sardines lunaires, on aurait pu les surnommer.


Et toujours du côté Apollo, sachez que la NASA a rendu public le code source d’Apollo 11, celui qui a permis à Neil Armstrong et Buzz Aldrin de devenir les premiers humains sur la Lune, et qui a été codé par Margaret Hamilton. Bien entendu, je vous mets tous les liens dans la description sous la vidéo, et sur mon blog florenceporcel.com dans le billet dédié à cet épisode !


BIENTÔT DES LEGO POUR 5 FEMMES DE LA NASA ?

En parlant de Margaret Hamilton… qui est donc une femme, hein – oui, c’est une femme qui a écrit à la main et sans aucune erreur le code informatique qui a permis les premiers pas lunaire, j’ai choisi pour la rubrique personnalité de cet épisode de vous parler de cette proposition faite à Lego de représenter justement 5 femmes notables de la NASA : il y a donc Margaret Hamilton, qui a juste inventé le logiciel tel qu’on le connaît aujourd’hui, mais aussi Katherine Johnson, qui a calculé les trajectoires des missions Mercury et Apollo – à la main et sans erreur ! – sinon on aurait perdu quelques astronautes ; Sally Ride, la première Américaine dans l’espace ; Mae Jemison, la première afro-Américaine dans l’espace ; et enfin Nancy Grace Roman, surnommée la « mère de Hubble ». La proposition a récolté les 10 000 signatures nécessaires, dont la mienne, en deux semaines seulement, et Lego va étudier la proposition pour voir s’ils produisent ce projet ou pas. Affaire à suivre, mais ce serait quand même pas mal…


Et si je termine sur ces Lego de femmes de la NASA, c’est parce que ça me fait une transition toute trouvée pour vous parler de mon livre, qui va sortir dans un peu plus de 2 mois, parce qu’il y aura justement un chapitre dédié à Katherine Johnson et Margaret Hamilton qui méritent leur place dans l’Histoire – bien qu’elles soient toujours vivantes.



J’ai donc l’immense plaisir de vous montrer la couverture de mon livre, qui s’appelle donc « L’espace sans gravité » – vous me connaissez, maintenant, hein, vous savez qu’on n’est jamais à l’abri d’une vanne pourrie – et j’y raconte 31 anecdotes insolites, accidents navrants et personnalités hautes en couleur dans les domaines du spatial, de l’exploration et des sciences de l’Univers…




Il sortira le 19 octobre, soit le même jour que la mise en orbite d’ExoMars et la descente de Schiaparelli sur le sol martien, donc je peux vous prédire que ce 19 octobre, je vais beaucoup beaucoup pleurer de bonheur, d’excitation et de soulagement. Parce que j’ai trop hâte !! Pour vous donner une idée, c’est l’équivalent de 6 mois de boulot à raison de 100 heures de travail par semaine, ce livre. C’est vraiment ce que j’ai fait. Vous comprenez pourquoi j’ai pas pu faire beaucoup de vidéos, depuis janvier ?…



Bref, j’ai trop hâte que vous puissiez l’avoir, je suis hyper angoissée aussi parce que j’y ai mis toute mon énergie, tout mon cœur et toutes mes tripes et qu’évidemment c’est toujours un peu flippant d’attendre le retour des lecteurs… J’espère qu’il vous plaira mais en tout cas, sachez que j’ai fait de mon mieux ! Et pour les plus impatients, sachez qu’il est déjà en pré-vente à la Fnac, qu’il sera édité chez Marabout et qu’il coûtera 12,90 euros…


En fait cette année j’ai mené 3 gros projets de front : le livre, donc, Spatialiste sur la chaîne String Theory à laquelle je vous conseille de vous abonner, et également une bande-dessinée ! Alors là par contre il va falloir être encore plus patient parce qu’elle sortira en mars 2017 chez Delcourt… C’est Erwann Surcouf au dessin, ça y est le scénario est terminé, et je suis surexcitée parce que j’ai hâte de voir le résultat… Bref, ça va être trop chouette et j’espère que ça vous plaira aussi !!


Du coup je suis censée me reposer un peu au mois d’août, mais je n’y arrive pas donc vous avez droit à cet épisode 56, et pour rattraper mon retard, je compte tourner pas mal de vidéos – il y aura notamment deux belles magnifiques Perles du PAF, entre autres choses… Et comme je ne ferai pas d’épisode 57 avant début septembre, sachez que je serai au festival Frames à Avignon les 3 et 4 septembre en compagnie de plein de mes camarades vidéastes…


Merci à tous d’être aussi nombreux à m’écouter, à me soutenir sur Tipeee, à me laisser des commentaires sur Youtube ou sur iTunes – je les lis tous et vraiment je suis comblée parce que vous êtes top. Ce mois-ci je fais ma coupure annuelle de réseaux sociaux mais n’hésitez pas à me suivre sur Twitter et à liker ma page Facebook sur laquelle je poste une actu liée au spatial et aux sciences tous les jours – ça reprendra à la rentrée – et faites tourner cette vidéo pour diffuser la culture scientifique tout autour de vous et n’hésitez pas non plus à vous abonner à la chaîne Youtube, ce qui m’aiderait beaucoup.


Je vous souhaite un beau mois d’août, on se retrouve à la rentrée, et en attendant prenez soin de vous, prenez soin de notre planète, et n’oubliez pas de rester le nez en l’air à ne rien faire !

[HUMEUR] STOP à la conquête, oui à l’exploration !

33 !! Non, il ne s’agit pas d’une visite chez un médecin d’un autre temps, ni du nombre d’années-lumière séparant une exoplanète récemment découverte de notre bonne vieille Terre, et encore moins du nombre de personnes présentes dans l’espace actuellement. Non non non. 33… Le mot « conquête » apparaît 33 fois dans le dernier hors-série de « Science&Vie » intitulé « Aller sur Mars – Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? » Autant vous dire que la lecture de ces 150 pages a été un peu compliquée pour moi.

Petit rappel… Il y a un an, déjà, dans l’un des tout premiers épisodes de mon podcast « La folle histoire de l’Univers », je m’étais fâchée très fort contre un journaliste qui utilisait le mot « colonisation » (à partir de 7’20).

Voilà. La « colonisation » d’autres mondes, la « chasse » ou la « traque » d’exoplanètes ou d’astéroïdes, les exemples ne manquent pas. Et le vocabulaire faisant partie du champ lexical de la guerre, de l’agressivité et de la violence me hérisse un peu le poil, voyez-vous, surtout quand ça concerne l’espace. Et donc, 33 « conquêtes » dans ce hors-série, alors qu’on n’utilise plus ce mot depuis les années 70 et qu’on parle désormais d’exploration, comment vous dire… En lisant ce magazine, j’ai eu un peu l’impression que Science&Vie était tombé dans une faille temporelle et qu’il était resté bloqué dans les années 60.

Donc, amis journalistes… On parle d’EXPLORATION spatiale, et plus de CONQUÊTE spatiale, merci, bisous. Et ce, depuis 1975 quand la guéguerre de kikalaplugrosse et kikipisslepluloin (voir à ce propos mon billet sur l’histoire des femmes dans l’exploration spatiale) s’est terminée entre les USA et l’URSS. Et ce n’est même pas moi qui le dis, c’est vous !! Je cite, pp. 106-107 : « Quand Nixon cherchera à afficher sa politique de détente avec l’Union soviétique, c’est une mission spatiale conjointe qui est choisie comme symbole, avec l’amarrage dans l’espace des vaisseaux Apollo et Soyouz en 1975.« 

Alexeï Leonov et Deke Slayton. Juillet 1975.

Le mot « conquête » s’inscrit dans un contexte historique, et j’estime donc qu’il n’est absolument plus légitime depuis 1975. Vous avez 38 ans de retard, les gars. Parce que, bon… Que vous l’ayez mal utilisé une fois ou deux… ça peut arriver. Éviter les redites de vocabulaire dans un papier, faute d’attention… Ça arrive, bien sûr. Mais là, non. Non. « Les nouveaux enjeux de la conquête spatiale« , c’est écrit en orange sur noir sur votre couv’ !!

Seriously ?? Les nouveaux enjeux de la conquête spatiale ??? Mais vous sortez d’où ? Vous étiez dans un bunker, ces 40 dernières années, sans déconner ? Admettons que dans le mot « conquête », il y ait l’idée de déflorer des sols extraterrestres… Quelqu’un vous a dit qu’on n’est pas retourné sur la Lune depuis… 1972 ?

Bon… Bon mais admettons que vous ayez voulu faire de l’excès de zèle et qu’on mot agressif sur la couverture ait servi à appâter le chaland. Admettons. Comment vous expliquez… ça ??

Pour les besoins de ce billet, j'ai surligné toutes les "conquêtes"...

... Je pensais faire du surlignage. Pas du coloriage.

Reprenons tout depuis le début, si vous voulez bien. Déjà, que veut dire « conquête » ? Je demande à mon fidèle Larousse : « action de conquérir ». Oui, bon, ok, alors… Que veut dire « conquérir » ?

Soumettre… armes… se rendre maître… maîtriser… dominer…
Dites donc, Science&VieÇa vous dirait pas, en 2013, d’arrêter d’utiliser des mots qui veulent dire des choses aussi barbares, mmh ?… Vous voulez faire passer quoi, comme message, en utilisant encore le mot « conquête » ? Que les agences spatiales, les gouvernements, les ingénieurs, les techniciens, les scientifiques et les astronautes sont des hommes-blancs-occidentaux-assoiffés-de-sang qui livrent une bataille armée contre l’espace pour mieux s’en rendre maître et le dominer ?…
Vous vous rendez compte que cette dernière phrase n’a absolument aucun sens, ou… ?

Le mot « conquête » avait un sens quand l’accès à l’espace était une arme politique, idéologique, tactique, militaire, et de propagande, quand les USA et l’URSS jouaient donc à kikalaplugrosse et kikipisslepluloin – jusqu’en 1975, donc. Mais aujourd’hui ?…

Aujourd’hui vous êtes vraiment sûrs, Science&Vie, que les États sont dans le même état d’esprit et que le secteur spatial représente une volonté de domination et de pouvoir sur les petits copains dans la cour de récré mondiale ? Ou est-ce que, par hasard, au moins dans ce secteur, ne nous serions-nous pas assagis ?…

Pour répondre à cette question, allons voir du côté des sites des agences spatiales. Je me rends sur le site de la NASA, puis dans « à propos de la NASA ». Et tout de suite, avant d’aller plus loin, ce petit macaron sur la colonne de gauche…

Je traduis. « La vision de la NASA – Atteindre de nouvelles hauteurs et révéler l’inconnu de manière à ce que toute l’humanité puisse bénéficier de que nous faisons et de ce que nous apprenons. » Voilà. Et puis personnellement, je ne vois aucune petite étoile qui renverrait vers des nano-caractères en bas de page disant : « Enfin bon, ça vaut pour toute l’humanité sauf pour ces salauds de Russes, pour les faces de citrons qui commencent à nous tataner le bourrichon sévère, et pour les ispices di counasses qu’on voudrait bien continuer à conquérir en les maîtrisant avec nos grosses fusées puissantes. » Je vois ça nulle part. Donc bon.

Mais continuons. Rendons-nous sur la page « What NASA does« . Mais oui, tiens ? Qu’est-ce qu’elle fait donc, la NASA ? Je vous la fais courte, hein : elle EXPLORE, dites donc. C’est fou, ça ! Elle explore, elle fait des sciences, de la recherche, de la technologie, dans le spatial, dans l’aéronautique et dans l’économie. Et une petite recherche rapide sert à confirmer que le mot « exploration » apparaît 4 fois dans cette page, pareil pour le mot « explore(s) », et qu’en revanche les mots « conquest » et « war » sont aux abonnés absents.

Un peu comme si le mot « conquête » quand il s’agit de spatial ne s’utilisait plus depuis des dizaines d’années.

Mais vous allez me dire qu’il n’y a pas que la NASA dans la vie : vous avez absolument raison. Allez voir du côté de notre Agence Spatiale Européenne (ESA)… Le premier mot que l’on trouve sur la page « Space for Europe » est « exploring« . Quelle surprise !

Et dès la première ligne de « ESA’s purpose« , nous avons : « (…) pour des objectifs exclusivement pacifiques (…)« . Et donc l’ESA, ben elle explore, elle fait des sciences, de la recherche, de l’industrie, des satellites, etc pour faire avancer la connaissance et aider l’humanité dans des tas de domaines (sciences, observation de la Terre, télécommunications, navigation, etc…) Je vous fais grâce du nombre d’occurrences du terme « exploration » et de l’absence totale de « conquête ».

Du côté de Roscomos, l’agence spatiale russe, maintenant… Je vous accorde qu’il est beaucoup question de choses militaires – apparemment l’agence est très liée au ministère de la Défense, d’après ce que j’ai compris. Mais… ça fait des dizaines d’années que l’agence russe est alliée avec notamment la NASA et l’ESA sur de nombreux projets… Et voici un extrait de leur site (la traduction Google est un peu aléatoire mais on comprend le principal) :

Evidemment, aucune trace du mot « conquête » et 4 occurrences de « exploration ».

Et du côté des Chinois, qui n’ont pas la réputation d’être des rigolos et qui font station spatiale à part ? Ce sont des poignées de mains avec l’ESA, des échanges par-ci, de la coopération par-là dès la home du site

Quant à la suite, c’est du même acabit : science, technologie, industrie, échanges et coopération avec une liste de pays longue et solide comme un boa constrictor :

Et je rappelle que le Traité de l’espace, traité international datant de 1967, stipule en gros que l’espace est un bien commun. Et quand dans ce texte, le mot « conquête » n’apparaît jamais – en revanche, il y a 18 occurrences de « exploration ».

Voilà. Je pense avoir expliqué avec suffisamment de preuves à l’appui que plus personne n’utilise le mot « conquête spatiale » parmi les organisations de ce domaine et les personnes qui y travaillent. Si vous pouviez donc, amis journalistes, remplacer une fois pour toute cette expression datée – et fausse dans le contexte actuel – par l’expression « exploration spatiale », ce serait rigoureux et juste (ne serait-ce que du point de vue historique si on met de côté l’éthique) et j’estime que c’est quand même la base de votre métier (allez, je m’inclus dedans, j’ai mon diplôme).

Mais essayons de comprendre encore pourquoi tu utilises ce terme, cher Science&Vie… (parce que je t’aime bien, au fond, tu m’accompagnes depuis si longtemps.) Ton hors-série s’intitule « Aller sur Mars » et tu titres ton premier gros dossier « Conquête de Mars« . J’imagine que dans le mot « conquête », tu entends que poser le pied sur Mars voudra dire qu’on l’aura conquise. Sauf que… sauf que là encore, avec tout le respect et l’admiration que je te dois, tu te trompes.

Déjà, cela fait des dizaines d’années que les agences spatiales s’allient entre elles pour mener à bien des projets qui coûteraient trop cher pour une seule agence. Ça ne t’aura pas échappé que la station spatiale internationale est internationale, par exemple, ou encore que la mission Cassini-Huygens était une mission NASA-ESA (Huygens, sonde européenne, objet le plus lointain à s’être posé sur un monde extraterrestre, à savoir Titan), que la superstar Curiosity a des instruments français à son bord et que la NASA ne bouge pas d’un pète avant d’avoir consulté Toulouse, et que la future mission ExoMars sera conjointe ESA-Russie.

Or, une mission habitée vers Mars coûtera bien plus cher que tout ce qui aura été mis en place jusqu’à présent (à part l’ISS, peut-être), et qu’il est très, très peu probable que la NASA prenne en charge le budget total de l’opération. Il n’y aura donc pas de « conquête » dans le sens où les Américains réaliseraient à nouveau l’exploit, seuls, de poser le pied pour la première fois sur une autre planète. La conquête idéologique et politique de la Terre par une seule nation n’aura plus lieu.

C’est donc géopolitiquement faux de parler de « conquête » de Mars. Mais c’est également faux du point de vue sémantique. Va-t-on soumettre Mars par les armes ? Non (mais ce serait une jolie ironie, pour un dieu de la guerre…) Va-t-on la gagner ? Non. Ça n’a aucun sens de dire qu’on va gagner une planète. Va-t-on la maîtriser, la dominer, s’en rendre maître ? Mais enfin… Tout ça ne veut absolument rien dire du tout !!

Quand allez-vous comprendre qu’on ne maîtrisera aucune planète (pas même la nôtre, et de moins en moins !), pour la simple et bonne raison que nous sommes des êtres, certes intelligents et conscients mais organiques, petits et fragiles, et que nous ne sommes rien face aux éléments et que, hormis la Terre, absolument tout dans le cosmos, en l’état des connaissances actuelles, nous est parfaitement hostile ?…

Quand allez-vous apprendre à être humble face à tout ça, à commencer par le vocabulaire employé ?… Les mots ont un sens qu’il ne faut pas prendre à la légère.

On ne conquiert rien du tout. On explore – avec prudence, avec respect, et surtout avec une grande humilité. L’autre jour, j’ai répondu à une interview concernant ma candidature pour Mars One sur le site Civilisation 2.0. On m’a demandé si j’avais une idée des premiers mots que j’aimerais prononcer sur Mars, et j’ai répondu que j’aimerais que ce soit une déclaration à Mars.
« Bonjour Mars, merci de nous accueillir sur ton sol. Nous, humains de la planète Terre, te promettons de te respecter et de rester humble face à toi. Nous venons apprendre à mieux te connaître avec bienveillance et nous espérons que tu toléreras notre présence. » Déclaration qu’on accrocherait et qu’on s’efforcerait de respecter et de ne jamais oublier.

Voilà la différence entre conquête et exploration : dans la première, on arrive avec un sentiment de puissance, de domination et une volonté de s’approprier ; dans la deuxième, on vient demander humblement un dialogue scientifique avec un élément que l’on respecte dans une quête de connaissance dénuée de toute idée de violence, de puissance, ou d’appropriation et mue par la curiosité la plus saine qui soit.

Luca Parmitano jouant à Superman dans l'ISS

En plus, nous savons que l’espace, Mars, et tout ce que Science&Vie nous voit conquérir nous sont absolument hostiles. On ne joue plus les caïds depuis bieeeen longtemps – je crois qu’aucun(e) astronaute ayant volé ne s’y soit même risqué – et Luca Parmitano, actuellement dans l’ISS, l’a d’ailleurs rappelé dans un billet de blog très émouvant sur son incident lors d’une sortie extra-véhiculaire il y a quelques semaines (il avait failli se noyer dans son casque) et intitulé « Explorer la frontière« . Voici la traduction des dernières lignes de ce billet :

« L’espace est une frontière dure, inhospitalière et nous sommes des explorateurs, pas des colonisateurs. Les compétences de nos ingénieurs et la technologie qui nous entoure font que les choses nous apparaissent simples alors qu’elles ne le sont pas, et peut-être qu’on l’oublie parfois. On ferait mieux de ne pas l’oublier.« 

Je crois que tout est dit. Donc vraiment, amis journalistes, chroniqueurs ou blogueurs, s’il vous plaît, essayez de n’utiliser le mot « conquête » que dans un contexte historique précis (ou faites tourner si vous avez des amis journalistes, chroniqueurs ou blogueurs).

Ah oui… et même chose pour le mot « colonisation », par pitié. Si on pouvait plutôt parler de « base scientifique ou humaine », hein… Il y a autant de non-sens et de sous-entendu belliqueux, agressif et violent dans « colonisation » que dans « conquête ». Et le mot « colonisation » apparaît bien trop souvent également dans ce hors-série. Et s’il se peut que dans un futur lointain le terme soit approprié, ce n’est encore pas du tout le cas.

Autre chose qui m’a passablement agacée dans ce numéro : la référence au rêve. Ce n’est absolument pas gênant en soi, au contraire, puisque le spatial a toujours eu le rêve comme moteur. Mais j’ai ressenti très fortement de la part de Science&Vie un certain mépris. Et là, ça commence effectivement à me gêner un petit peu.

Exemple, p.111 : « Cela n’a certes pas le souffle d’une colonisation humaine, mais cela contribue toujours à en maintenir le rêve. »
Moi je comprends : « On n’est pas capable d’être de bons petits soldats belliqueux et d’aller conquérir Mars, mais bon, puisque ça continue à faire fantasmer ces braves gens, oh oh oh… », semble conclure ce journaliste avec une ironie pleine de condescendance.

Autre exemple, p.133 : « Certes, convient Jean-Pierre Luminet, il y a dans ces projets un peu d’utopie et beaucoup d’économie. Mais ils n’en permettent pas moins de développer de nouvelles technologies, et de faire avancer la science. » Faire avancer la science… [Oui, faire avancer la science. Le monsieur essaye de te dire que le rêve et l’imagination contribuent à la créativité et donc à l’innovation, et donc au progrès, et donc à la connaissance. Ça te parle, ou… ?] Vers une conquête encore plus lointaine ? [Putain mais t’es décidément complètement à côté de la plaque.] Mars aurait-elle de vraies richesses à nous offrir ? « En l’état actuel de nos connaissances géologiques, Mars n’aurait aucune ressource intéressante à exploiter », assure Francis Rocard. [Aaaah, d’accord. Donc dans ta question, « vraies richesses » voulait dire « espèces sonnantes et trébuchantes ». OKÉ. Donc la science et la connaissances sont de fausses richesses. Très bien. Je note.] Si ce n’est du rêve… [Phrase qui conclut 5 doubles-pages de dossier. Mais si ça fait rêver la brave méménagère de moins de 50 ans, hein, alors tout va bien…]
COMMENT TE DIRE.
Alors certes, il faut remettre cet extrait dans le contexte d’un article sur l’exploitation minière des astéroïdes – d’ailleurs intitulé, je vous le donne en mille…

Et "À la recherche de l'astéroïde idéal", par exemple, non ?... Non. Ok.

Mais ce cas, que vient foutre Mars là-dedans ??

Dernier exemple, p.144 : « L’idée tient aujourd’hui du doux rêve… » On parle d’aller voir une exoplanète. Effectivement, il nous est impossible d’accéder à une exoplanète en l’état de nos compétences et de connaissances techniques en terme de voyage spatial. Mais l’expression « doux rêve », avec toute la connotation de mépris et de condescendance qu’elle implique, était-elle vraiment utile ?… Je ne sais pas. Oui, pour le moment c’est de la science-fiction. Et alors ? Ça mérite d’être rejeté d’une main méprisante ? Je rappelle que sept ans avant les premiers pas sur la Lune, un être humain sur la Lune était de la science-fiction. Et pourtant on l’a fait. En seulement sept ans !!

Cher Science&Vie… Je vais terminer ce billet amer en citant l’astronaute français Thomas Pesquet.

« Dans le domaine de l’exploration spatiale il faut croire à la science-fiction. Moi j’y crois depuis que je suis tout petit. Ça m’a aidé à me dépasser. Ça m’a permis de réaliser des choses qui me paraissaient hors de portée comme devenir astronaute.« 

Ce jeune homme est devenu astronaute parce que c’est un rêve qui l’a porté. Méprisez-vous toujours ce rêve ? Quand vous êtes face à un petit garçon ou à une petite fille qui vous dit qu’il/elle aimerait bien devenir astronaute, je suis sûre que vous êtes du genre à ricaner et balayer ça d’un revers de la main – et je crois que je vous déteste pour ça 🙁

« J’espère vous avoir convaincu qu’il faut croire en l’exploration spatiale, qu’elle est bénéfique, qu’elle permet de se dépasser et de rêver un peu au-delà de son échelle individuelle, et ça, l’Homme en a bien besoin…« 

Ce sont les mots de conclusion de Thomas Pesquet, donc, lors de sa présentation à TEDx Paris l’année dernière que je vous conseille vivement de regarder.

 

Tu remarqueras, Science&Vie, que Thomas Pesquet se trompe en disant « conquête » et se reprend aussitôt (à 5’25). Tu sais pourquoi ? Parce que nous baignons dans un monde où l’expression « conquête spatiale » est encore utilisée beaucoup trop souvent. Les médias en sont en grande partie responsables et coupables. Tu l’es aujourd’hui.

En tout cas, j’espère qu’après tout ça tu changeras d’état d’esprit concernant la conquête l’exploration spatiale et le rôle du rêve dans ce domaine.

Oui, tu m’as déçue, mais ça me rend triste comme quand un ami nous déçoit. Je te suis depuis des années, je te dois énormément, et il y a plein de choses intéressantes dans ce numéro, mais j’ai tellement eu l’impression que tu étais resté bloqué dans les années 60 où tout ce qui a déjà été fait relève de la conquête agressive (ce hors-série suinte d’une violence sous-jacente due à ce terme) et où tout ce qui reste à faire relève du doux rêve pour personnes pas très sérieuses que j’ai eu bien du mal à apprécier ses bons côtés.

Mais si tu souhaites te défendre, j’accueillerai avec joie un droit de réponse ici-même. Je t’aime bien quand même et les jours où je te reçois dans ma boîte aux lettres restent toujours pleins de joie.

[SPATIAL] Les femmes et l’exploration spatiale

16 juin 1963. Il y a 50 ans, une femme a voyagé dans l’espace pour la première fois dans l’Histoire de l’Humanité. Valentina Terechkova avait 26 ans, elle était soviétique et elle reste la seule femme à ce jour à avoir effectué un vol spatial en solitaire. Elle est redescendue sur Terre le 19 juin après 48 orbites autour de la Terre en 70 heures et 41 minutes, soit plus d’heures de vol au compteur à elle seule que tous les astronautes américains réunis (à l’époque). Et elle reste également à ce jour la plus jeune personne à avoir voyagé dans l’espace.

Mes respects les plus admiratifs, madame.

Le « père de l’astronautique soviétique » pour une série de premières fois

Mais comme un peu d’Histoire ne nuit jamais, remettons cet exploit dans son contexte…

*****

[Les dialogues en italiques qui vont suivre sortent de mon imagination délirante, délicatement agrémentés d’une louche de mauvaise foi et saupoudrés d’un second degré légèrement acide sur le retour.]

Staline – Bon, Korolev, avec mes potes les Américains, on joue à kikalaplugrosse.
Korolev – La plus grosse… euh… pardon ?
Staline – Ben kikalaplugrosse. Kikipisslepluloin, quoi. Marquer son territoire.
Korolev – Le territoire ? Ben c’est nous qui avons le plus gros, chef. On a le plus grand pays du monde. On occupe plus de 11 % des terres à nous tous seuls.
Staline – Oui. Bon. T’es ingénieur, Korolev, t’es précis, factuel. C’est bien. Mais je te parle de politique, là, c’est subtil, tu peux pas comprendre. Bon. Il faut qu’on gagne à kikalaplugrosse et là je trouve qu’on est un peu mal barré. Donc trouve un truc.
Korolev – Les Américains ont Hollywood, chef. Ça marche pas trop mal. On pourrait les concurrencer sur ce marché-là.
Staline – Mmmh, développe.
Korolev – Il faut les surpasser. Une forme de cinéma révolutionnaire. Par exemple, ce matin, je me suis fait la réflexion… Mon chat a glissé sur la glace et s’est mangé un mur. J’ai failli décéder de rire, chef. J’ai la ceinture abdominale qui brûle encore. Eh ben j’aurais voulu garder un film de ce moment, pour rire à nouveau, et surtout, le partager avec d’autres.
Staline – Abrège, je vois pas où tu veux en venir.
Korolev – Les Américains font rêver, avec leurs films hollywoodiens. Moi, je propose un bon gros rire bien gras. Ça réchauffe. Et c’est proche du peuple. Il peut s’identifier. Petits moments du quotidien.
Staline – Korolev ?
Korolev – Chef ?
Staline – Je ne te parle pas du peuple, je te parle de la Nation. KIKALAPLUGROSSE.
Korolev – Ben je vous l’ai dit, notre territoire est le…
Staline – KOROLEV. Le quotidien, tout le monde en est riche, personne ne va payer pour aller voir ça dans un cinéma. Et si c’est de la chaleur qu’on veut, on a de la vodka. Hollywood fonctionne précisément parce que ça vend du rêve. Un chat qui se vautre contre un mur, ça ne marchera jamais.
Korolev – Bon. Du rêve, alors. Des stars ?
Staline – Pourquoi pas. Un autre genre de star. Dépassons-les.
Korolev – Je peux me permettre une vanne pourrie, chef ?
Staline – Accordée.
Korolev – « L’Amérique a des stars. Nous avons des étoiles. »
Staline – Korolev ?
Korolev – Chef ?
Staline – Tu vois, quand tu veux !

*****

Sergueï Korolev

Et c’est ainsi que pour savoir kikalaplugrosse qui aurait la suprématie sur le monde, l’exploration spatiale (nommée « conquéquête » à l’époque) fut l’un des domaines où les États-Unis et l’URSS se mesurèrent (donc).

Je vous passe les détails, mais Sergueï Korolev, ingénieur spécialiste en fusées et en missiles, devint alors le « père de l’astronautique soviétique » (source : Wikipédia).

Il fallait tout faire plus vite que les Américains, mieux, plus loin, démesuré – ou en tout cas, être premier. L’URSS, par l’intermédiaire de Korolev, est donc devenue reine des premières fois en matière d’aérospatial :

– 4 octobre 1957 : premier satellite artificiel dans l’espace (Spoutnik-1)
– 3 novembre 1957 : premier animal terrestre dans l’espace (la chienne Laïka)
– janvier 1959 : première sonde lunaire (Luna-1) à aller dans l’espace, premier survol de la Lune à faible distance, première mise en orbite héliocentrique, première à découvrir le vent solaire
– septembre 1959 : premier artefact humain (Luna-2) à atteindre un corps céleste (la Lune)
– 12 avril 1961 : premier homme dans l’espace (Youri Gagarine)

Première femme dans l’espace : un outil de propagande

*****

Khrouchtchev – Grâce à vous, Korolev, on gagne à kikipisslepluloin. Mais je suis pas rassuré du côté de kikalaplugrosse. Ce salaud de Kennedy nous provoque, avec son discours.

Korolev – Chef, vous êtes pas foutu de surligner des mots sur Photoshop ?
Khrouchtchev – Ta gueule.
Korolev – Oui chef.
Khrouchtchev – On est en 1963. Peut-on aller sur la Lune avant 1970 ?
Korolev – Impossible.
Khrouchtchev – Gagnons du temps. Mettons-leur la pression. Trouvez-moi un autre exploit pour les faire chocotter et perdre leurs moyens.
Korolev – Envoyons deux hommes dans l’espace en même temps…
Khrouchtchev – On a un module pour deux personnes ?
Korolev – Non chef, pas encore.
Khrouchtchev – Je veux un exploit avant la fin de l’année, Korolev. Envoyez une femme.
Korolev – Une femme, c’est-à-dire ? Pour arranger l’intérieur du Vostok et en faire un biplace ?
Khrouchtchev – Ne faites pas l’idiot, Korolev. Envoyez une femme dans l’espace.
Korolev – AH AH AH AH AH !
Khrouchtchev – Vous commencez à m’agacer, Korolev.
Korolev – Vous êtes sérieux, chef ??
Khrouchtchev – Tout ce qu’il y a de plus sérieux. Allez hop !
Korolev – Oh non, chef, non… Enfin quoi, non… Une femme, chef…
Khrouchtchev – Arrêtez de geindre et faites ce que je vous dis ou vous serez le premier à atteindre la Lune d’un coup de pied au cul.
Korolev – Envoyons un chat, on n’a pas fait, les chats !…
Khrouchtchev – KOROLEV !!!! Envoyez-moi une femme là-haut avant la fin de l’année.
Korolev – Ah, juste l’envoyer, chef ? Donc faut pas qu’elle revienne ?
Khrouchtchev – KOROLEV !!!!! Et ne me faites pas une Laïka, hein. Ramenez-la-moi EN VIE.
Korolev – Chef… La chienne est morte, Youri est vivant… C’est bien la preuve que les femelles sont pas adaptées…
Khrouchtchev – Encore une réflexion de ce genre et je vous envoie au goulag à la vitesse de la lumière. Ramenez-moi vivante une femme de là-haut avant la fin de l’année.
Korolev – Je vais t’expédier ça, vite fait, moi, tu vas voir…
Khrouchtchev – Arrêtez de baragouiner dans votre moustache et au travail.

*****

C’est ainsi que le 16 juin 1963, Valentina Terechkova devint la première femme dans l’espace, après « une formation plus poussée que les hommes« , a-t-elle précisé le jour de ses 70 ans. Ce n’était donc pas la justice ni l’équité qui guidaient les Soviétiques, mais bien la volonté de gagner le combat qu’ils livraient contre les États-Unis. Comme Laïka, le Spoutnik ou Gagarine, Valentina Terechkova n’était qu’un outil de propagande de plus lors de la Guerre Froide. Et dans son cas, ils faisaient d’une pierre deux coups puisque l’URSS voulait prouver l’égalité homme-femme prônée par l’idéal communiste. (Ahem.)

Visuel actuel du site officiel de l'agence spatiale russe (Roscosmos)

Bien sûr, le dialogue ci-dessus est inventé de A à Z. Mais nous ne sommes pas si loin de la réalité quand on sait qu’après cet exploit, Sergueï Korolev s’est écrié : « Les bonnes femmes n’ont rien à faire dans l’espace ! (…) Plus jamais je ne veux avoir affaire à des femmes ! » Ce mouvement d’humeur était dû à deux choses : Korolev était agacé par les nausées qu’avait eues la jeune cosmonaute et par son incapacité à gérer l’orientation de son vaisseau.

Oui – sauf que concernant les nausées, elles étaient liées au mal de l’espace (équivalent du mal de mer, si on veut) et plus d’une personne sur deux en souffre lors d’un premier voyage. Ce n’est donc en aucun cas lié au sexe de l’astronaute. Quant à l’orientation du vaisseau…

Le Vostok était connu pour avoir régulièrement des défaillances dans son programme d’orientation. Quand Terechkova s’est rendue compte que son Vostok-6 s’éloignait de la Terre à chaque révolution au lieu de s’en approcher, elle a transmis l’information à Korolev qui a fait modifier les données du système de commande pour la remettre sur la bonne orbite. Sauf que… « M.Korolev m’a demandé de n’en parler à personne et j’ai gardé ce secret pendant des dizaines d’années. A présent, il y a des informations à ce sujet et je peux donc en parler librement« , a annoncé Terechkova en 2007. Apparemment, l’ingénieur responsable du programme d’orientation avait avoué son erreur quelques années auparavant. La cosmonaute n’était donc pas en faute.

Un exploit totalement absent de l’article encyclopédique sur son responsable

Plus étonnant encore : cette première historique, grande fierté de l’Union soviétique, et ses deux exploits encore non-supplantés (seul vol en solitaire féminin et plus jeune astronaute) ne figurent pas sur la page Wikipédia de Korolev à l’heure où j’écris ces lignes ! Pas une allusion, pas un lien vers un autre article. Rien. Comme si Valentina Terechkova n’avait jamais existé…

Même le mot "femme" n'apparaît pas une seule fois dans ce long article...

Sur la page Wikipédia de Valentina Terechkova, en revanche, Sergueï Korolev apparaît dès la première ligne de sa biographie.

Korolev ne voulait tellement « plus avoir affaire à des femmes » que l’encyclopédie en ligne a complètement rayé Valentina Terechkova de son Histoire. Au-delà de la dénégation de ces exploits visiblement moins dignes qu’un-homme-un-vrai ou qu’un chien mort en vol pour les très nombreux contributeurs de cette page, se pose la question de la suite. Combien de femmes cosmonautes depuis ?

Les femmes cosmonautes : suite (et fin)

La réponse est 2 : Svetlana Savitskaïa en 1982, soit 19 ans après, et Elena Kondakova en 1994. Et une fois encore, pour ces deux femmes, les anecdotes sont édifiantes.

Une mission exclusivement féminine était prévue. Svetlana Savitskaïa devait en être avec Elena Dobrokvachina et une autre cosmonaute. Mais la mission n’a finalement jamais eu lieu et Svetlana Savitskaïa est partie plus tard. Mais Elena Dobrokvachina, elle, s’est entraînée 14 ans pour rien. « C’était probablement du chauvinisme masculin. Pendant notre entraînement à la Cité des Étoiles, les responsables du secteur spatial étaient divisés : les uns soutenaient ce projet exclusivement féminin, les autres ne supportaient pas cette idée« , a-t-elle révélé à l’AFP.

L'ISS en avril 2010. Je vais en offrir un agrandissement à ceux "qui ne supportent pas l'idée".

La deuxième anecdote vient également de cette ex-cosmonaute devenue médecin : selon elle, Elena Kondakova n’aurait jamais pu voler si elle n’avait pas été mariée à un haut responsable du secteur spatial. En 1994, donc. No comment.

Et c’est tout. Depuis, aucune Russe n’a volé. Et actuellement, il n’existe qu’une seule femme dans l’unité des cosmonautes : il s’agit d’Elena Serova, qui s’entraîne pour une mission dans l’ISS en 2014 – soit 20 ans sans femme russe dans l’espace à l’heure où nous célébrons ce 50ème anniversaire du premier vol féminin.

C’était donc du côté soviétique. Mais du côté américain, ce n’est pas beaucoup plus glorieux…

Meilleures candidates, mauvais sexe

Bien entendu, ça n’était pas venu à l’idée de la NASA qu’une femme pouvait faire partie de la compétition – même après le vol de Terechkova qui prouvait que c’était tout à fait possible. D’ailleurs, les mots de Kennedy ne laissaient planer aucun doute : « poser un homme sur la Lune et le faire revenir en toute sécurité sur Terre« . Un « homme », pas une « personne ». Des années avant de constituer l’équipage, c’était déjà acté, puisque les 7 astronautes du projet Mercury (1959) sont des hommes.

Mais William Lovelace, un physicien passionné d’aviation et intéressé par la médecine spatiale, décide de mettre au point Mercury 13 en 1960 : comme pour Mercury 7, ce programme est destiné à former des candidats au poste d’astronaute. Sauf que dans le cas de Mercury 13, il s’agit uniquement de femmes (et c’était une initiative privée, et non d’État).

Les 13 heureuses élues étaient des pilotes confirmées et avaient passé avec succès les mêmes tests physiques, physiologiques et psychologiques que leurs homologues de Mercury 7. Certaines devaient aller passer des tests supplémentaires pour rejoindre la NASA, dont 2 avaient dû quitter leur travail pour ce faire, jusqu’au moment où elles reçurent un télégramme leur annonçant que cette étape était annulée et qu’elles ne pourraient pas faire partie des futurs astronautes officiels.

Jerrie Cobb pendant des tests physiologiques

La raison ? La NASA n’acceptait que les candidatures de pilotes d’essai militaires – profession qui était interdite aux femmes à l’époque. Les Mercury 13 étant pilotes mais dans le civil, elles ne pouvaient donc pas prétendre au poste d’astronaute. Cynisme absolu : la NASA ne faisait donc pas de discrimination de genre puisqu’il s’agissait d’un critère civil/militaire.

Pire encore : John Glenn (2ème Américain dans l’espace) faisait partie des astronautes qui ont étudié l’affaire. C’est lui qui a dû expliquer cette règle aux jeunes femmes… tout en admettant que lui-même n’avait pas le niveau scolaire requis pour entrer dans le corps des astronautes (mais il avait un pénis, vous comprenez, c’est plus facile pour entrer dans le corps – que n’y avaient-elles pas pensé !)

Inutile de préciser que parmi les astronautes sélectionnés, beaucoup d’hommes comptabilisaient moins d’heures de vol que les candidates de Mercury 13. Et que parmi les tests effectués, le record de survie dans un caisson d’isolation sensorielle était de 9 heures, bien loin devant le record suivant, et qu’il est détenu par Jerrie Cobb, une femme. Et aussi que l’entraînement des femmes en URSS (pour trouver Valentina Terechkova) avait permis de constater que les femmes s’adaptaient beaucoup plus rapidement à l’apesanteur que les hommes. (Source)

Mais bon. Un officiel de la NASA de l’époque (et qui n’a pas voulu donner son nom au journaliste) a dit que ça lui faisait « mal au ventre » rien qu’à l’idée d’imaginer une femme dans l’espace, alors…

Ce n’est qu’en 1978 que la NASA ouvrit enfin ses portes aux candidates. Et c’est Sally Ride, une astrophysicienne décédée en juillet dernier, qui sera la première femme américaine dans l’espace en 1983.

1983 ! Il aura fallu attendre 1983 pour que la NASA autorise une femme dans un équipage… L’année de ma naissance…

Depuis, heureusement, tout semble aller de mieux en mieux. Des femmes ont été pilotes de navette et commandant de vaisseau, elles ont fait des sorties extra-véhiculaires et ont été touriste spatiale. Une femme est actuellement directrice des vols spatiaux habités à la NASA et une femme a récemment occupé le même poste à l’ESA.

À l’heure où j’écris cet article, sur les 9 personnes dans l’espace actuellement, 2 sont des femmes (Karen Nyberg, américaine, à bord de l’ISS, et Wang Yaping, chinoise, à bord du Tiangong-1).

Les femmes ne représentent encore que 10 % des êtres humains à avoir voyagé dans l’espace (55 femmes sur 525 astronautes selon les chiffres de juillet 2012) mais les mentalités changent. En tout cas, si tout n’est pas rose (sans mauvais jeu de mot), il semble que les réactions à l’idée d’une femme dans l’espace ne soit plus aussi épidermiques qu’il y a 50 ans.

Du mieux, depuis longtemps, partout. Ou… pas

Du mieux, vraiment ?… On pouvait dire que les choses allaient en s’améliorant (lentement mais sûrement), oui, jusqu’à l’année dernière. Le 16 juin 2012, soit 49 ans jour pour jour après la première femme dans l’espace, la première Chinoise s’est envolée à son tour.

Liu Yang, juste avant son décollage

Sauf que les critères de sélection pour avoir cet honneur étaient… comment dire… Bon. Jugez vous-mêmes (source) :

– être mariée pour être « physiquement et psychologiquement plus mûres » (c’est Zhang Jianqi, ancien député et commandant en chef du programme spatial, qui l’a dit)
– avoir accouché naturellement parce que « quand on a souffert dans les douleurs de l’accouchement, on devient plus fort mentalement, on gère mieux le stress, bref rien à voir avec des jeunes filles sans expérience » (c’est un obstétricien cité par le Chongqing Daily qui l’a dit)
– avoir les dents blanches
– avoir une haleine fraîche
– pas de pieds calleux
– pas d’odeur corporelle

Yin Yang est autorisée exceptionnellement à embarquer quelques produits de beauté. Mais bien sûr, la Chine dément toute opération séduction. Au contraire : c’est une question de survie possible de l’espèce humaine.

Je me disais aussi… La jeune pilote ne pouvait pas être considérée comme une pilote. Enfin. Voyons. Ça ne reste qu’un utérus sur pattes soigneusement épilées, tout de même.

Je ne vais pas commenter plus avant tout ceci sous peine de devenir agressive et vulgaire.

Mauvaise foi historique

Si l’on liste toutes les conditions confondues pour être un parfait astronaute, voici ce que ça donnerait :

– être aussi petit et léger que possible
– être mûr
– être apte
– s’adapter facilement à l’apesanteur
– avoir connu la douleur et le stress d’un accouchement
– avoir une bonne hygiène dentaire et corporelle et des pieds doux
– avoir un utérus pour la survie de l’espèce

Résumons…

– Rappelez-moi la taille et le poids moyen d’une femme par rapport à la taille et au poids moyen d’un homme ? Voilà.
– Les mecs sont mûrs à 43 ans, les femmes à 32 ans, c’est le Daily Mail qui le dit
– Si les femmes n’étaient pas aptes, on le saurait depuis 50 ans, maintenant
– Les femmes s’adaptent plus facilement que les hommes à l’apesanteur
– Les hommes n’ont jamais connu la douleur et le stress d’un accouchement
– Les hommes sont des gros dégueulasses qui puent et qui ont les pieds calleux
– Les hommes n’ont pas d’utérus

Désolée les mecs, mais sur ces critères, ça va pas être possible. Que les 7 qui sont là-haut redescendent immédiatement parce que ça me retourne le ventre, cette idée.

Voilà.

Donc… Peut-on arrêter d’être débiles 5 minutes, maintenant ? Ou à tout jamais, tiens, hein. Ce serait pas mal. En 2013. Amis Chinois (et autres qui seraient tentés par ce genre de discours).

Que peut-on faire ?

Il existe une association qui fait très attention à la place des femmes dans l’aérospatial : Women In Aerospace. Il se trouve que j’étais invitée à la soirée de lancement de son antenne française et que j’ai pu poser quelques questions à Fiorella Coliolo, une astrophysicienne qui fait partie de l’équipe. Voici un résumé de ses réponses :

« La réalité montre qu’il y a des difficulté pour les femmes dans le domaine de l’aérospatial. Cette association a déjà permis d’aider des étudiants grâce à ses bourses ; elle facilite les contacts entre professionnels grâce à sa plateforme d’échange et à ses programmes de mentoring.

J’ai choisi de m’occuper de l’antenne de Paris parce que c’est une ville stratégique dans le domaine spatial. Mon rôle sera d’organiser des événements qui répondent aux objectifs de Woman In Aerospace – Europe : s’assurer une présence équilibrée des femmes à tous les niveaux dans le secteur aérospatial, stimuler et intéresser les jeunes filles aux sciences, et communiquer sur l’importance du spatial dans nos vies quotidiennes.« 

Jean-François Clervoy, astronaute et membre honoraire de WIA-Europe, lors de la soirée de lancement

L’association est ouverte à tous : hommes et femmes. Elle ne souhaite imposer aucun quota ni parité, elle veut juste que les femmes soient mieux représentées, que les postes à responsabilité leur soient accessibles sans plus de difficultés que celles que rencontrent les hommes, et que l’équilibre des genres ne soit plus vu comme un exploit qu’il faut relever mais comme une banale évidence.

Il n’est pas nécessaire non plus de travailler dans le secteur de l’aérospatial pour devenir membre, ni pour liker la page Facebook ou s’abonner au compte Twitter.

Sinon, la Cité de l’Espace accueille une expo pour ce 50ème anniversaire de la première femme dans l’espace en ce moment, et un compte Twitter s’est créé il n’y a pas longtemps sur le thème des femmes et du spatial.

Je suis candidate au projet Mars One qui projette d’envoyer des êtres humains sur Mars pour s’y installer par groupe de quatre : deux hommes et deux femmes à chaque fois. Ça ne m’avait même pas effleuré l’esprit que ce ne soit pas une volonté d’équité, jusqu’à ce qu’on me renvoie (gentiment) à mon statut d’utérus sur pattes. Laissez-moi continuer à vous envoyer chier (moins gentiment) chaque fois que ça arrivera – mais si ça pouvait ne plus se produire, ce serait mieux. Merci.

Ne terminons pas sur une vilaine impression. Voici un message de Karen Nyberg, actuellement dans l’ISS, qui célèbre ce 50ème anniversaire.