[CINÉMA] 5 bonnes raisons d’aller voir « Le Grand Tout »

« Le Grand Tout », c’est un film de hard SF français fait par des passionnés. C’est surtout une oeuvre qui mérite d’être diffusée dans un maximum de salles en France et c’est malheureusement loin d’être le cas. Voici donc 5 bonnes raisons d’en parler au gérant ou à la gérante de votre salle de cinéma préférée, si vous avez la chance de le/la connaître – et je ne plaisante pas, si vous en avez la possibilité, faites-le !

1. De la hard SF française, on n’en voit pas beaucoup
Certes, on a « Le 5ème élément » (qui est un putain de bon film, allez cracher votre venin anti-Besson ailleurs, merci) mais c’est plus de la space fantasy que de la SF (tout comme « Star Wars », d’ailleurs). On a aussi « Un ticket pour l’espace » dans le 43ème degré, les cultissimes « La Soupe au choux » et « Les Gendarmes et les Extraterrestres » et quelques autres également qui montrent que la France ne traite de la SF qu’avec humour et légèreté. S’il y a quelques exceptions à cette règle, aucun en tout cas ne prend pour base scénaristique des théories physiques.
C’est le cas du « Grand Tout » qui confronte un groupe d’humains à la réalité de la relativité générale d’Einstein.

2. Le site
Malgré un budget très serré, l’équipe fait les choses bien jusqu’au bout : le site est une mine d’informations sur le film, tout ce qu’il y a autour, et tout ce qu’il y a dedans. Excellent boulot sur la page Facebook également.

3. Les personnages
C’est un huis clos à 5 personnages et les co-scénaristes, les frères Nicolas et Yann Bazz, ont donné deux rôles de scientifiques à des femmes pour un équipage mixte et équilibré. Eh ben ça fait plaisir.
En plus, le casting est réussi et l’alchimie entre les comédiens fonctionne, ce qui ne gâche rien.

4. Le voyage
Jamais de la hard SF au cinéma ne nous avait fait voyager aussi loin (cela dit je n’ai pas tout vu, donc si vous avez des références à me proposer, je prends !!)
Fort de 4 ans de post-prod, on est complètement embarqué dans le voyage avec les personnages et un soin tout particulier a été pris pour que les images soient les plus proches de la réalité possible. C’est grandiose, et la bande-son est à la hauteur des images.

5. Le voir pour ne pas mourir dans d’atroces souffrances
Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Muradin.

Il est diffusé en ce moment au Saint-André des Arts à Paris, avec une rencontre avec le réalisateur après chaque séance. Si ça, c’est pas la classe (et une chance !!) je ne vois pas ce que c’est.
Dans tous les cas, j’ai pu l’interviewer – avec Pierre-Alain de Garrigues qui joue Harry – et j’y reviendrai longuement dans « La folle histoire de l’Univers » 52 qui est en cours d’écriture.

Bon film, et parlez-en autour de vous ! 🙂

[SCIENCE-FICTION] Les rôles féminins dans les films de SF

Depuis le mois dernier, la Suède donne un label aux films qui sortent pour indiquer leur degré de sexisme (ou non). Il est basé sur le test de Bechdel, créé en 1985 par Alison Bechdel, une dessinatrice féministe américaine, qui évalue la présence des femmes dans un film à base de 3 questions :
– Y a-t-il au moins 2 personnages féminins portant des noms ?
– Ces deux femmes se parlent-elles ?
– Leur conversation porte-t-elle sur un sujet autre qu’un personnage masculin ?
Si les réponses sont oui, alors le film se verra attribuer d’un « label A ».

Si la démarche est honorable, je ne suis pas convaincue que ce test soit le plus à même de juger du sexisme d’un film – soit parce que même si les réponses sont oui, ça n’empêche pas de véhiculer des clichés grotesques ou une vision patriarcale de la société, soit parce que si la réponse est non, ce film peut quand même contrer ces clichés et cette vision.

Preuve en est, par exemple, que Star Wars échoue au test alors que la Princesse Leia est pour moi l’exemple parfait du rôle féminin réussi – mais il n’y en a pas vraiment d’autre dans la trilogie historique (épisodes IV-V-VI) et la réponses aux 2 premières questions est non.
Alors que dans Love Actually (que j’aime beaucoup beaucoup) qui passe le test avec succès (enfin je crois…), les rôles féminins sont cantonnés à femme de, secrétaire de, femme de ménage de, etc. Ce qui, personnellement, m’agace parce qu’on reste dans la femme-définie-uniquement-par-rapport-à-un-homme.

Mais bien avant que je ne prenne conscience de tout ça et que j’analyse tout ce que je vois, j’ai toujours été frustrée, enfant et adolescente, mais sans forcément mettre de mot dessus, de me sentir un peu exclue des films que je voyais.
Particulièrement attirée par la science-fiction, je n’ai jamais vraiment pu m’identifier à des rôles féminins forts (à quelques exceptions près sur lesquelles je vais revenir) comme les petits garçons le faisaient pour à peu près tous ce qu’ils voyaient. Moi, j’en étais réduite à « vouloir » épouser les personnages… C’est un peu triste (et réducteur, donc).

La Princesse Leia, rare personnage féminin fort de la science-fiction

Mais j’ai grandi. Et à l’heure où la Suède instaure donc son label avec lequel je ne suis pas tout à fait d’accord, je me suis dit qu’une petite analyse des personnages féminins dans les films de science-fiction serait sans doute instructive…
Voici donc ma grille de lecture tout à fait personnelle (avec un choix de films tout à fait subjectif) : j’ai classé en 5 catégories les différents statuts des rôles féminins rencontrés dans la SF de ces dernières années.
(Attention, il se peut qu’il y ait parfois des spoilers pour ceux qui n’auraient pas vu les films mentionnés.)

[Ce n’est ni une étude sociologique, ni un jugement de qualité des films, ni un article journalistique, ni un pamphlet pour éliminer les êtres masculins ou assimilés de la surface de la planète, juste un billet personnel sur un blog personnel, merci de vous en souvenir avant de faire des commentaires hors-sujet.]

LES FEMMES QUI NE SERVENT À RIEN

Partie du visuel du DVD français

Irène, interprétée par Uma Thurman, est… Irène, une collègue du héros Jérôme Morrow (Ethan Hawke), astronaute de son état. On ne sait pas quel est son métier, son statut, sa mission. On ne connaît pas son nom de famille. On se demande à quoi sert son personnage à part d’être la caution sexy du film (ce qui n’est pas un vrai rôle, hein)… jusqu’à ce qu’elle ait enfin une utilité dans le scénario.
Et je vous le donne en mille : elle sert d’alibi au héros lors d’un contrôle de salive, qui le refuse en disant au policier « vous ne voudriez quand même pas que le résultat soit faussé, si vous voyez ce que je veux dire… » avec un gros clin d’oeil. No comment.
À la fin, elle deviendra sa petite amie, sans que son personnage n’ait rien apporté de plus à l’intrigue.
Par contre, pour une raison qui m’échappe – enfin non, ça confirme que c’est donc bien la caution sexy du film – elle est très présente sur toutes les versions de l’affiche du film.

Dans Planète Rouge, Carrie-Ann Moss interprète un rôle que l’on pense fort et qui en fait ne sert à rien. C’est elle la chef de la mission martienne, mais… elle a droit au tiercé gagnant : conflit avec l’équipage qui a bien du mal à obéir aux ordres d’une femme ; scène graveleuse où l’un des hommes la regarde en train de se changer ; et finalement, bisou à la fin au seul rescapé de la mission – dont elle devient alors la petite-amie.

C’est bien, parce qu’elle n’est pas du tout hyper-sexualisée, en plus.

Sans compter que finalement dans le film, son rôle s’arrête bien vite puisqu’après un problème technique, elle ne peut pas descendre sur Mars et reste en orbite. (On l’oublie jusqu’à la fin où elle récupère donc le héros pour lui faire un bisou.)

Perséphone dans Matrix, interprétée par Monica Bellucci, c’est une « femme de », et son rôle se résume à se faire embrasser par le héros. Super intéressant, dis donc. (Je parlerai de Trinity plus tard.)

Dans Matrix, Planète Rouge et Bienvenue à Gattaca, les femmes ne sont donc là que pour faire des bisous au héros et devenir leur petite amie. Jolie transition pour la prochaine catégorie…

LES MÈRES DE / ÉPOUSES DE / FILLES DE

Alors là prenez des RTT parce qu’on en a pour un moment. Je vais essayer de la faire courte et par ordre alphabétique de film.

Dans 2012 (que j’aime beaucoup beaucoup, comme quoi, hein), nous avons l’ex-femme du gentil héros américain, l’épouse bimbo du méchant russe, et la fille du Président qui deviendra par la suite la petite-amie du scientifique de l’histoire (passer du papa au mari, vous imaginez comme j’adore l’idée).

Double combo également dans Armageddon, où Grace (Liv Tyler) est à la fois la fille de Bruce Willis et la fiancée de Ben Affleck. Elle a quand même un métier, mais dans la boîte de papa (et c’est anecdotique dans l’histoire).
À la fin du film, Bruce Willis sauve le monde en se sacrifiant à la place de Ben Affleck juste pour que sa fifille ne soit pas trop perdue. Ben oui la pauvre chérie, si aucun homme n’est là pour veiller sur elle, que va-t-elle devenir, hein ?
Il y a quand même une femme pilote de navette dans la deuxième équipe qui part sur l’astéroïde. Mais c’est un rôle mineur (mais c’est déjà ça).

Pareil pour le personnage d’Amanda Seyfried dans Time Out qui est d’abord la fille de son papa milliardaire avant de se faire kidnapper (devenant une victime) puis de devenir la petite-amie du héros.

Double combo encore pour Avatar (décidément, la femme qui passe du papa au mari, on a du mal à s’en débarrasser, hein), le personnage principal féminin s’appelle Neytiri et elle est la fille du chef du village. Plus tard, elle deviendra la petite-amie du héros. Heureusement, d’autres personnages féminins viennent sauver l’affaire : celui de Sigourney Weaver qui est le médecin responsable de la mission et celui de Michelle Rodriguez qui joue une pilote d’hélicoptère (mais qui, si ma mémoire est bonne, se prend quelques réflexions sexistes au passage, c’est vrai que c’est vachement utile dans le scénario de ce genre de film.)

Sigourney Weaver, femme médecin

Dans Mission to Mars, il y a une femme astronaute dans l’équipage. Hourra !! En fait non. C’est la femme d’un autre astronaute. Ça n’est sûrement pas venu à l’esprit des scénaristes qu’une astronaute pouvait juste être astronaute, et pas en plus la femme de. Parce que si elle avait été « juste » astronaute, ça n’aurait strictement rien changé à l’histoire. Alors ? Une explication ?

Dans Inception, Marion Cotillard est la femme de Leonardo DiCaprio. Heureusement, l’autre rôle féminin du film est plus costaud, j’en parlerai plus tard.

Independence Day, c’est un peu comme 2012 : la petite-amie bimbo du héros, l’ex-femme du scientifique, la femme du Président… Par contre, je ne connais pas le genre des aliens. Quelqu’un pourrait-il m’éclairer là-dessus ?

Dans la trilogie Retour vers le futur, Lorraine est la mère de Marty et Jennifer est sa petite-amie. Un effort à noter du côté du troisième volet où Clara est une institutrice férue d’astronomie. Mais elle devient dès son apparition la petite-amie de Doc… Dommage. C’était bien tenté.

Dans Snowpiercer (toujours en salles, foncez le voir), les 2 personnages féminins du côté des révoltés sont une mère d’un petit garçon disparu et la fille d’un des personnages principaux. Les 3 autres femmes du film ont un rôle un peu moins réducteur… mais… J’y viens tout de suite.

(Mais avant de passer à la catégorie suivante, je viens de me rendre compte de quelque chose d’édifiant : pour chaque film traité jusqu’ici, je peux compter les personnages féminins. Essayez de faire la même chose avec les hommes, pour voir…
Comment ? Non, en effet. Ce n’est pas possible.
Voilà.)

LES RÔLES INTÉRESSANTS… OU PRESQUE 

Snowpiercer, donc, avec unE ministre du train mais qui est complètement sous l’influence du grand gourou Wilford – tout comme l’institutrice enceinte jusqu’aux yeux. Quant au cinquième personnage féminin, peu présent, elle est certes munie d’une arme mais il s’agit d’une sorte d’assistante. En fait, son statut n’est pas très bien défini.

Dans L’armée des 12 singes, Madeleine Stowe interprète Kathryn Railly, une psychiatre, auteure et conférencière, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Malheureusement, elle bascule au milieu du film de médecin à victime en se faisant enlever par Bruce Willis.
Elle n’en reste pas moins psychiatre, mais… mais à partir de là, elle est sans arrêt renvoyée à sa sexualité : d’abord victime d’une tentative de viol où elle se retrouve à quatre pattes devant un homme qui commence à se déshabiller en la traitant d’un délicieux « salope » ; ensuite, lorsqu’elle raccroche d’un coup de fil, son interlocuteur la gratifie d’un condescendant « une psychiatre en dentelles et talons aiguilles » ; enfin, quand elle se réfugie dans un hôtel avec Bruce Willis, le mec à l’accueil la prend pour une prostituée. Ça aurait pu s’arrêter là, sauf que dans la suite, un proxénète vient l’agresser dans sa chambre en lui reprochant d’être sur son territoire…
Rôle important dans l’intrigue, psychiatre reconnue… mais ça reste une p…, quand même.

Même combat dans Blade Runner. Il y a 2 personnages féminins. L’une, Pris, est un robot destiné au plaisir sexuel (des hommes évidemment) – et accessoirement petite-amie d’un autre personnage. Quant à Rachel, elle est l’assistante d’un des personnages.
Vous allez me dire : oui, mais dans Intelligence Artificielle, Jude Law joue un gigolo ! C’est exact. Mais il n’est pas tout le temps à poil, lui.

Pour l’instant, les femmes ont beau avoir des rôles importants, elles sont soit renvoyées (voire réduites) à leur sexualité, soit en position d’infériorité dans leur vie professionnelle.

Trinity, le personnage qu'on croyait indépendant et en fait non

On retrouve Carrie-Ann Moss et la fameuse Trinity. Quand, au début du film, on découvre que c’est une hackeuse, on se dit chouette ! un personnage féminin intéressant. Et puis en fait non.
Parce que Trinity malgré son statut de hackeuse, c’est une sorte d’assistante de Morpheus. Alors d’accord, elle court, elle se bat, elle fait de la moto… mais si ce personnage est une femme, c’est uniquement parce qu’il y a une prophétie qui dit qu’elle tombera amoureuse de l’Élu. Aaaah, ok… Moi qui croyais qu’elle pouvait être autre chose que la-petite-amie-du-héros…
Et il y a ce grand moment où elle sauve la vie de Neo… en l’embrassant. Tandis que plus tard, quand c’est Neo qui lui sauve la vie à son tour, il lui fait un message cardiaque. Elle, non. Une femme, ça ne fait pas de massage cardiaque, ça ressuscite d’un seul baiser, c’est bien connu.

Dans Matrix, il y a aussi l’Oracle, qui est une femme. Choix révolutionnaire dans le casting ? Mmmh… non. L’oracle est dans la droite lignée de la Pythie hystérique, de la sorcière maléfique et de la voyante complètement barrée. On reste quand même pas mal dans le cliché…

J’aurais sincèrement voulu mettre Ariane du fabuleux Inception dans la catégorie « rôle féminin réussi ». Elle est architecte, brillante, intelligente, dégourdie… Tout pour plaire. Vraiment. Mais… mais un détail dans le scénario la rétrograde, à mon plus grand regret.
À un moment, dans un rêve, un des personnages lui demande de l’embrasser pour essayer de détourner l’attention de gens qui semblent leur vouloir du mal. Elle n’a pas trop le choix, elle s’exécute. Voici la suite :
– Ça a fonctionné ?
– Non.
– …
– Ça valait la peine de tenter le coup, répond l’homme qui lui a volé un baiser d’un air taquin.
Ariane, comprenant qu’elle vient de se faire avoir, sourit du genre « ah ah ah, quelle bonne blague, on m’a forcée à embrasser quelqu’un, c’est tellement drôle d’être victime d’une agression sexuelle ! » (Oui, un baiser obtenu par contrainte est une agression sexuelle.)
Si le scénariste (Christopher Nolan en l’occurrence) avait été une femme, voici ce qu’elle aurait sans doute écrit :
(… bla bla bla…)
– Ça valait la peine de tenter le coup, répond l’homme qui lui a volé un baiser d’un air taquin.
Ariane le gifle, puis lui sourit d’un air taquin à son tour.
– C’est qu’un rêve, au fond !
L’homme sourit du genre « bien joué, je l’ai bien mérité ».

Voilà. Vous allez me dire – bien entendu… – que ce n’est qu’un détail, que ce n’est pas si grave, que c’est rien qu’un baiser, volé certes, mais qu’il ne l’a pas menacée, etc, etc, etc…
Alors… 1) SI, c’est grave, puisqu’il y a contrainte et que c’est donc puni par la loi. Point.
2) Ça l’est d’autant plus à mon sens que cette scène NE SERT À RIEN. Faites le test : imaginez qu’elle ait été coupée au montage, ça ne change strictement rien à l’intrigue (le personnage l’avoue lui-même) ni aux relations qu’il y a entre les personnages (Ariane n’est plus jamais renvoyée à son statut de femme en potentielle position de faiblesse parmi tous ces hommes). Cette scène est juste là parce que le scénariste n’a pas pu s’empêcher (et peut-être pas forcément de manière consciente, un comble pour un film sur les rêves) de rappeler à ce personnage sa condition de femme potentiellement violable.
Ce sont ces petites choses, ce genre de « détails » qui s’instillent dans nos cerveaux et qui font croire aux garçons que c’est amusant et aux filles que c’est normal. Alors que ce n’est ni l’un, ni l’autre, et que cette scène est strictement inutile.
Et ça m’embête beaucoup parce qu’à part ça, le film et ce personnage sont parfaits.

Dans Minority Report, il y a 2 rôles féminins notables : Lisa, la femme de Tom Cruise et mère de leur enfant disparu, et Agatha la precog. Oui, sauf que… sauf qu’Agatha est un personnage volontairement androgyne. Donc je ne suis pas sûre que ce soit un rôle féminin fort…

LES PREMIERS RÔLES QUI S’EXCUSENT D’ÊTRE FÉMININS

… ce qui nous amène à cette catégorie. Avant toute chose, que ce soit bien clair et qu’on ne m’accuse pas de tout et de n’importe quoi : une femme est une femme, quand bien même elle serait plus musclée qu’un Van Damme, avec les cheveux courts ou rasés (comme Agatha), amputée de son utérus ou de ses seins, née homme mais de genre féminin, ou je ne sais pas quoi encore. Ça, c’est pour la vraie vie, le quotidien, le monde dans lequel on vit. Bon.

Mais au cinéma, c’est différent : chaque détail est un symbole qui a une signification, c’est à dire qu’un personnage ressemble physiquement à tout ce qu’on veut faire passer comme symbolique (et/ou clichés) à travers lui.
Par exemple… Je ne retrouve pas le lien et c’est dommage, mais j’avais lu un article à propos de la préparation du tournage de Ghost. Quand les deux comédiens principaux étaient arrivés le premier jour sur le plateau, le réalisateur avait failli avoir une attaque parce que Demi Moore avait coupé ses cheveux tout court et que Patrick Swayze, en plus, les avait longs (mais ça a pu s’arranger) – ce qui inversait les rôles « sexués ». Vous allez me dire : on s’en fout. Oui, en effet, mais pas au cinéma, donc. Ce sont des détails qui comptent et ça a été une vraie problématique à gérer pour l’équipe du film. Finalement ils les ont gardés tels qu’ils sont et personne n’y a fait attention, parce que les gens ne sont pas débiles et qu’on allait pas confondre ou croire que les rôles étaient inversés.

Tout ça pour dire, donc, que ce qui paraît être un détail ne l’est pas : c’est soigneusement pensé et réfléchi. Un film dure environ 2 heures, il n’y a pas tellement de place pour les fioritures, tous les détails comptent et ont une signification.

Karen Nyberg, ingénieur et astronaute. COMME QUOI. HEIN.

Ce qui m’amène donc à Gravity où la beauté des images est inversement proportionnelle à la subtilité du personnage principal. Sandra Bullock joue Ryan Stone. Eh oui, Ryan, un prénom masculin. On aurait pu passer outre, mais non, c’est appuyé par un échange entre elle et son collègue : « C’est quoi ça Ryan comme prénom pour une femme ? » « Mon père voulait un garçon. » No comment.

Et je ne sais pas vous, mais moi j’ai été frappée quand elle retire son casque pour la première fois : je ne m’attendais pas du tout à ce qu’elle ait les cheveux courts. Ça m’a énervée, je crois, oui.
Comme chaque détail compte au cinéma, surtout dans ce film bourré de symboles, c’est comme si le scénariste s’excusait d’avoir choisi une femme en rôle principal. C’est agaçant. « Bon ok, c’est une femme, mais… elle s’appelle Ryan et elle a les cheveux courts, hein, ne vous inquiétez pas, c’est un peu un homme quand même ! » Ben oui, des fois qu’on ne la prenne pas au sérieux si elle s’était appelée Karen et qu’elle avait eu de longs cheveux blonds, doux et soyeux, hein.
Pourquoi ne pas avoir choisi un homme pour ce rôle, me direz-vous ? La réponse du réalisateur est très claire : il voulait du symbole, que tout soit attiré vers la « Mother Earth », la renaissance, toussa toussa. Donc d’un côté, Ryan Stone est un garçon manqué, mais de l’autre quand même, elle réunit tous les clichés de la maman, du foetus, de la naissance, etc. Parce que si elle se retrouve dans l’espace, c’est parce que Ryan est une « mère de » qui n’a pas fait le deuil de sa fille disparue – rien de plus. Vous avez dit réducteur ?

Vous avez dit symbole ?

Il y aurait encore tant de choses à dire si ce personnage féminin… Je ne le ferai pas ici, mais sachez que tout ce que j’en pense a été écrit dans ce billet. Le fait qu’il ait été écrit par un homme me rassure, oui, ça me permet d’avoir un argument de poids quand on me reproche (évidemment) d’être parano sur ces histoires de vision de la femme dans le cinéma : on peut être un homme et être gêné par tous les clichés archaïques ou grotesques que véhicule ce personnage, eh oui.

Suivante dans la catégorie des femmes qui s’excusent d’être des femmes parce qu’elles ont le premier rôle : Ripley, dans Alien. On est d’accord : dans une moindre mesure par rapport à Gravity. C’est à peine comparable. Mais…
Mais Sigourney Weaver a été choisie parce qu’elle est grande (1m82) et qu’elle a un physique qui se rapproche de l’androgynie. Hop ! on gomme tout ce qui peut se rapporter aux symboles d’une « vraie » femme de cinéma (longs cheveux, coquetterie, sexytude, etc…) Imaginez, par exemple, une Reese Witherspoon dans le rôle de Ripley. Alors ? Erreur de casting, ça ne fonctionnerait pas ? Voilà. CQFD.
Sans compter qu’elle devient « mère de » un alien, qu’elle a des sentiments pour « son bébé » et qu’il y en a pour l’appeler « Maman »… On ne s’en débarrasse pas, hein. Une femme est forcément une mère. Dommage, parce que Ripley a effectivement une fille, mais ça ne change absolument rien au rôle qu’elle a : si elle n’avait pas été mère, le personnage aurait été le même.

LES RÔLES FÉMININS RÉUSSIS

Mais oui ! Il y en a !! C’est possible !!! 😀

Quels sont les critères qui me le font dire ? Eh ben il faut que le personnage ne soit pas affublé de tous les clichés ou symboles que j’ai dénoncés jusque-là. Il faut que ce soit une femme qui ne soit pas définie par rapport à un homme, que son personnage ne soit pas une victime, qu’elle ne soit pas renvoyée ou réduite à sa sexualité, qu’elle ne soit pas privée d’attributs physiques dits « de vraie femme de cinéma », qu’elle peut être mère mais sans que ça ne la définisse de A à Z…

Première à jamais gravée dans mon coeur de geek : la princesse Leia de la trilogie Star Wars. Leia est une femme politique, une meneuse, une résistante, un soldat, une femme qui ne s’en laisse pas compter, qui envoie bouler régulièrement ce relou d’Han Solo, qui sauve Luke qui était venu la sauver mais sans plan pour repartir, etc, etc… La princesse Leia ressemble à une femme sans être hyper-sexualisée (même les scènes en bikini sont soft parce que la caméra ne s’y attarde pas inutilement), elle est volontaire, drôle, avec un caractère fort… Elle est parfaite. PARFAITE.

Autre femme de science-fiction parfaite, et c’est d’ailleurs la principale caractéristique de son personnage, c’est Leeloo dans Le cinquième élément. Dotée d’une intelligence supérieure, imbattable au combat, être suprême… C’est elle qui sauve le monde, et ce n’est pas en faisant un bisou à Bruce Willis, mais l’inverse. Comme quoi, hein.

Un peu moins tape à l’oeil mais tout aussi juste : Jenny Lerner dans Deep Impact, interprétée par Tea Leoni. La personne qui a réalisé ce film est une femme, tiens donc, ça peut avoir joué. Jenny est journaliste, déterminée, pugnace, c’est le personnage principal du film à travers lequel on avance dans l’histoire.

Enfin, last but not least, Ellie Arroway (Jodie Foster) dans Contact. Inspirée de Jill Tarter, qui a été la directrice de l’Institut SETI pendant des années, c’est une scientifique qui se bat pour avoir des subventions pour son projet d’écoute de signaux radio venus de l’espace. Et quand elle capte un signal qui s’avère être extraterrestre, elle devient l’experte absolue dans ce domaine et finit même par être une toute nouvelle sorte d’astronaute.

(Et un petit bonus, même si je ne range pas Thor 2 dans la catégorie Science-Fiction, il est intéressant de voir le traitement des personnages féminins dans ce film encore à l’affiche. Natalie Portman y joue une astrophysicienne, elle a une assistante… qui a elle-même un assistant ! Et quand ces deux-là se découvrent des sentiments amoureux l’un pour l’autre, c’est elle qui prend l’initiative de l’embrasser dans une parodie de scène de baiser cinématographique où un homme embrasse une femme en la tordant vers l’arrière et vers le bas. C’est là qu’on se rend compte que cette chorégraphie est tout à fait ridicule (et qu’en plus, c’est inconfortable et ça doit faire mal.)

Par contre… il est intéressant de constater que pour ceux deux dernières catégories où une femme a le rôle principal ou un rôle fort, aucune des affiches de ces films ne la montrent. Sauf pour Contact, mais Jodie Foster, assise (passive, rêveuse), est accompagnée de Matthew McConaughey, debout (actif, dans l’action) – rappelez-vous, la symbolique… ; et pour Star Wars où tous les héros sont présentés.
Alors… une femme à l’affiche, d’accord – une femme sur l’affiche, c’est pas encore ça.

Et c’est bien joli de râler et de ne pas être d’accord avec le test de Bechdel, mais si on ne propose pas de solution pour améliorer les choses, ça sert à rien. Alors je propose un autre test, celui-ci composé de 5 questions. Et à la quantité prônée par Bechdel, puisqu’il faut encore choisir entre les deux, je préfère la qualité des personnages. Le voici :

1) Y a-t-il au moins un personnage féminin en premier ou second rôle ?
2) Ces femmes sont-elles définies autrement que par rapport à un homme ?
3) Ces femmes sont-elles exemptes de remarques concernant leur sexualité ?
4) Ces femmes sont-elles exemptes de caractéristiques physiques dites « masculines » ?
5) Pour les femmes qui sont mères, leur personnage existerait-il si elles ne l’étaient pas ?

Faites passer ce test à n’importe quel film. Vous verrez qu’on est très loin d’avoir une représentation saine des femmes dans le cinéma.

[CINEMA] Prometheus : mauvais ou affligeant ?

Je suis donc allée voir Prometheus hier soir, surexcitée depuis des mois par le barouf qu’on en a fait, le présentant comme le film de science-fiction du siècle.
J’ai été terriblement déçue au sortir de la salle, pour me rendre compte ce matin au réveil qu’il n’y avait décidément rien de bon à garder.
Attention : je vais spoiler.

Le tout premier plan est d’une beauté à couper le souffle. Vous pouvez circuler ensuite, y a rien à voir ! Il s’agit « juste » de notre planète suspendue dans l’espace, image que l’on a désormais l’habitude de voir – mais pas en 3D. Et ça change tout.

On y descend ensuite pour un voyage dans nos paysages, digne d’un Arthus-Bertrand du meilleur effet. Et puis on ralentit et on s’arrête près de chutes avec verdure, eau bouillonnante, mec en toge-capuche qui crapahute sur les rochers et vaisseau extraterrestre dans le ciel. Bon. Au moins, ça plante le décor, on se dit que ça va être rigolo.

Le mec enlève sa capuche et – ça alors ! – v’là-t-y pas qu’il n’est pas tout à fait humain même s’il y ressemble : il a juste le teint très très blanc, les yeux très très bleus, la peau très très imberbe, les muscles très très saillants et le profil très très grec. Bon. Mais déjà, choisir le symbole de la Grèce comme (on s’en doute vu ce qu’on nous a spoilé dans les bandes-annonces et sur les affiches) origine de l’Humanité, je suis pas sûre que ce soit l’idée du siècle étant données les circonstances, mais enfin, bon, passons.
Notre dieu grec (utilisons ce terme puisqu’il nous a créés) ouvre un genre de boîte de Tic Tac extraterrestres et en avale son contenu, ce qui a pour effet de le désintégrer de l’intérieur. Il se tord, il râle, il convulse, il crie, toussa, et à un moment, il finit par tomber dans la chute bouillonnante. Là, il continue de se désintégrer dans l’eau jusqu’aux brins d’ADN. Et pouf ! Voilà la Terre semée, y a plus qu’à laisser mijoter quelques millions d’années. (Ou quelques secondes vu les images qui nous montrent déjà la division des cellules.)

Bon alors déjà, descendre d’un gars qui s’est désintégré dans l’eau d’une Terre déjà formée comme aujourd’hui, ça se pose là comme exactitude scientifique. La tectonique des plaques, la dérive des continents qu’ont connues nos lointains ancêtres, ça… non ? Ça ne dit rien aux Américains bien entendu. Et le fait que les fouilles aient trouvé les premiers hominidés en Afrique… Non ? Toujours pas. Bien entendu, l’Humanité blanche et consensuelle descend de cet extraterrestre glabre, imberbe, et de la couleur d’un iceberg. Darwin et Luther King se retournent dans leurs tombes respectives. Mais passons.

On fait un bond pour arriver en 2089 où on entend des gratouillis dans une grotte, et pouf ! une scientifique (Noomi Rapace, extraordinaire Lisbeth Salander du Millenium suédois) découvre une jolie peinture rupestre représentant des gars qui pointent le doigt vers cinq billes dans le ciel. Etant donné que le même schéma a été découvert partout dans le monde venant de civilisations spatio-temporellement éloignées, on en conclut donc que ce n’est pas une carte cosmique, mais carrément une « invitation ».
Bon. Admettons.

Là, le titre du film apparaît, les choses sérieuses peuvent commencer.

Nous sommes cinq ans plus tard et le vaisseau Prometheus se trouve très très loin de la Terre. Tout le monde roupille là-dedans, sauf un robot qui ressemble à s’y méprendre à un humain, magnifique spécimen aryen blond aux yeux bleus, qui répond au doux nom de David.
David joue au basket en faisant du vélo, mange (les robots sont friands de plateau-repas c’est bien connu), apprend des langues rares en e-learning et regarde des vieux films de guerre. Bon admettons, on s’occupe comme on peut. Mais je suis désolée de le dire : on ne croit pas une seule seconde à sa condition de robot.

Et puis quand il en a marre de mettre des paniers en tournant en rond sur sa bicyclette, il va lire les rêves d’Elizabeth (Noomi Rapace, donc) où l’on apprend que la petite a perdu sa maman très jeune et qu’après une conversion sur la mort avec son papa qui lui apprend qu’il n’y a pas d’autre hypothèse possible que le paradis, pouf ! elle devient croyante avec une foi d’enfer (si j’ose dire).
Ces histoires de dieux, de religions, de Création commence déjà à bien me gonfler : « Bonjour, je suis Ridley Scott, gros beauf américain, et sous-couvert de science-fiction je fais de la propagande en faveur du Créationnisme, pour que des gens intelligents et cultivés puissent dire plus tard que ben non, Lucy c’est des conneries, c’est Adam et Eve la vérité ! » (C’est du vécu, ça fait plus de dix ans maintenant mais je m’en remets pas.)

Et puis à un moment, le vaisseau vacille, puis une secousse. On se dit tiens, peut-être un astéroïde farceur qu’on s’est pris dans la tronche. Mais non non, c’est juste qu’on est arrivé. (C’est bien connu, quand on arrive à destination la voiture tangue et fait des bong.) Passons.

Nous avons donc une aryenne blonde aux bleus qui fait frénétiquement des pompes avec les cheveux mouillés et à moitié nue. L’utilité de cette scène ? Je cherche toujours. Elle se lève, le temps de filmer son cul, et elle enfile un peignoir avant d’ordonner à David de réveiller tout le monde. L’utilité de voir son cul ? Je cherche toujours. Mais nous avons fait connaissance avec la chef du vaisseau, une dénommée Vickers (Charlize Theron).

Tout le monde se réveille, prend un petit-dej, on a une séquence sur le rebelle de la bande qui « n’est pas là pour se faire des potes mais pour se faire du fric » et qui envoie chier son voisin de cantine (je cherche toujours l’intérêt de la scène) et tout le monde se retrouve dans le gymnase pour une réunion improvisée.

Vickers présente David, toujours droit comme un i et sourire niais, et envoie un film sous forme d’hologramme : un vieux schnock apparaît et ce qu’il avait à dire devait être tellement important que je l’ai oublié, dis donc. En plus, pardon mais… euh, c’est une blague, le vieux, là ? Ils n’avaient pas d’enveloppe maquillage, dans leur budget, sans déconner ? Même moi avec du papier mâché je peux faire mieux si je veux prendre 95 ans. On n’en est pas à dix minutes de film que je me fais déjà chier et qu’en plus j’ai l’impression qu’on se fout de ma gueule.

Bref. Il donne la parole à nos deux scientifiques (Elizabeth et son mec) qui sont censés être les chefs de la mission mais dont on a l’impression qu’ils viennent de l’apprendre. Ils expliquent en deux mots aux autres qu’ils sont venus rencontrer les « Ingénieurs » et puis… c’est tout. Ok. Bon. Je cherche toujours l’intérêt de cette séquence (à part peut-être celui d’expédier d’un revers de caméra celui qui ricane quand il ose dire que mais euh et le darwinisme, tout ça ?…)

Vient ensuite la phase de descente sur la planète. Trop fastoche. Et puis alors ils tombent direct sur une piste d’atterrissage au bout de laquelle il y a LE truc à trouver (une caverne). C’est quand même formidable, un bol pareil. Pouf ! pouf ! les voilà posés, et la première expédition commence.

A partir de là, je vais vous la faire courte. On a en vrac :

Deux décors vieillots et déjà vus
L’intégralité de l’histoire se déroule en alternance dans deux décors : le vaisseau et la caverne. C’est un peu facile en 2012, alors qu’on aurait les moyens techniques de faire des putains de balades sur une autre planète.
Au lieu de ça, on a un vaisseau dont l’intérieur est digne des films des années 90 et une caverne banale avec des installations extraterrestres au design signé H.R. Giger qui est peut-être très doué, mais dont on connaît tellement le travail qu’il n’apporte aucune dimension exotique ni même esthétique. Et je le soupçonne d’avoir fait sa feignasse en copiant-collant les décors qu’il a pu faire auparavant. Bref. Grande déception visuelle. Même les hologrammes ne sortent pas du lot.

Les costumes ne créent pas non plus la surprise avec des combinaisons et des casques que n’aurait pas reniés Jules Verne.
Vraiment : décors, costumes, design, graphisme… Zéro pointé. Déjà vus cent fois chacun, aucune recherche, pas d’originalité, on régresse.
J’attendais pourtant beaucoup d’un élément impressionnant : la sculpture de la tête présente sur l’affiche et mise en avant dans les bandes-annonces. Ne vous attendez à rien d’extraordinaire : dans le film, ils ne la calculent même pas.

Des personnages creux
Difficile de parler des personnages tant ils sont vides. Vickers, grande blonde glaciale et désagréable, ne sert à rien. David pourrait être un personnage intéressant mais on ne croit pas deux secondes à sa condition de robot. Elizabeth sort peut-être du lot, peut-être parce que les autres ont trois lignes de textes (pour les chanceux) ou meurent dès le début.
Voilà, j’ai fait le tour.

Un scénario vide mais plein d’incohérences
Le scénario, en plus de faire de la propagande pro-Créationnisme, multiplie les clichés insupportables (« Oh ! Une plante bizarre extraterrestre qui paraît agressive… Approchons notre tête pour mieux la voir et faisons gouzi-gouzi. Oh ! Ben ça alors, je me suis fait bouffer, quelle surprise…) et ne tient pas la route deux secondes.
Ils atterrissent du premier coup pile en face de la caverne ; y en a deux qui restent dedans et évidemment ils y meurent dans d’atroces souffrances moins de dix minutes après ; elle est pleine de cadavres d’extraterrestres morts pour une raison inconnue qu’on ne connaîtra jamais ; David y récupère des amphores (qui la remplissent pas millions ! et ça n’a pas l’air d’intéresser qui que ce soit) et la dissèque pour y trouver un truc bizarre dont on ne saura jamais ce que c’est ; il en profite pour en glisser un morceau dans le verre d’un scientifique pour l’assassiner mais on ne saura jamais pourquoi ; finalement le vieux n’est pas mort et il est à l’intérieur du vaisseau pour une raison qui m’échappe toujours ; on nous dit que finalement Vickers est sa fille et il l’avait caché à tous, on se demande encore à quoi ça sert ; la caverne est respirable pour les humains mais elle est ouverte sur l’extérieur toxique et tout le monde trouve ça normal ; Prometheus explose en vol, et la seconde d’après il est intact sur le sol avec pressurisation impeccable et pièces à l’intérieur nickel et sans égratignures…
Bref. Rien ne tient debout dans ce film. Rien.
Et on continue dans la bien-pensance américaine à vomir : Elizabeth (stérile, mais bref) se retrouve enceinte (de quelques heures) d’un extraterrestre et veut se le faire enlever. Elle demande une césarienne. Chez moi ça s’appelle un avortement, mais faudrait voir à ne pas dire de gros mots, hein.
Et la bestiole en question est un petit calamar qui se transforme en poulpe obèse, puis en créature alien sur deux jambes comme dans les films Alien (admettons puisque c’est censé être le prequel, mais comment cette transformation est possible en cinq minutes, je me demande.)
Et surtout… Quel est le putain de rapport avec les dieux grecs extraterrestres ???

Bref. Non seulement c’est visuellement pauvre et scénaristiquement déplorable, mais en plus on nous ressert une vieille recette qu’on connaît par coeur et qui ne crée rien d’autre que de l’ennui profond. En 2012, c’est possible de trouver autre chose que de la SF sans monstre vert gluant, ou comment ça se passe ? Non parce que, dans le genre, je pense qu’on a tout fait et tout vu, hein. Prometheus, tu ne sers à rien, si je peux me permettre.

Quitte à aller voir de la science-fiction, fuyez ce film et allez voir Men In Black 3. Ce n’était pas très réussi non plus mais au moins il ne se prend pas au sérieux et il traite de vraies idées intéressantes de science-fiction.

[CINEMA] Millenium : la désinvolture insultante de Fincher

David Fincher m’a mise très en colère. Son adaptation de Millenium est à la fois indigeste, indécente tellement elle est aux antipodes du livre et de son personnage principal (Lisbeth Salander) et complètement survolée – j’en suis venue à me demander s’il avait lu autre chose que le scénario qu’on lui a mis entre les mains tellement l’esprit n’y est pas. Mais commençons d’abord par les qualités de ce film (il y en a quelques-unes).

– Le générique du début est un chef d’oeuvre. J’ai rarement vu un objet graphique aussi beau. Un mélange des meilleurs génériques de James Bond, de l’esprit de celui du Millenium suédois, et de fluides. Un bijou.

– Le chat. Il est parfait. Mignon comme tout, poilu, grands yeux verts, oreilles pointues, miauleur, hautain, carpette, radiateur. Un vrai chat, quoi.

– La photographie. Rien à dire. Impeccable.

– La scène dans le métro. Sans rien dévoiler de l’intrigue, la scène où Lisbeth se fait voler son sac dans le métro est une merveille du genre. Avec une chorégraphie très fluide (mais qui enlève toute sensation de réalité à l’ensemble), elle se termine pas un plan séquence calculé à la milliseconde et au millimètre près. Une merveille.

– La bande-son et la BO, au plus proche de l’univers du roman.

Voilà pour ce qui va. Tout le reste est soit passable, soit bancal, soit franchement mauvais.

[Attention spoiler : exemples précis à suivre.]

– Le scénario a pris beaucoup de libertés par rapport au livre – et c’est le genre de chose que je pardonne difficilement. Une rencontre entre Mikael et Lisbeth réécrite, des personnages disparus ou transformés, des enjeux changés, des actions importantes atténuées, une fin modifiée à la fois pour le méchant et pour la gentille… Bout à bout, on arrive à une histoire qui peine à retrouver l’esprit d’origine. C’est un peu dommage. Un des personnages principaux étant l’atmosphère si particulière qui a fait le succès des livres, c’est un outrage au regretté Stieg Larsson.

– L’américanisation du tout. C’est usant. Et bien américain, ça. Ils peuvent pas être un peu humbles et nous foutre la paix avec leurs fichus codes culturels qui n’ont rien à faire dans une adaptation d’un livre suédois ?? Je suis la première à apprécier l’humour qui tache des grosses productions hollywoodiennes, mais il y a des films où il faut se savoir se tenir, nom de nom. Les blagounettes potaches en clin d’oeil à leurs films d’action n’ont rien à faire dans Millenium où elles deviennent irrespectueuses du propos, indécentes pour le spectateur et insultantes pour l’auteur et les millions de personnes qui ont aimé le livre.

(Ouais, je suis un peu énervée, le scénariste Steven Zaillian est désormais classé comme « gros Américain de base hautain, imbu de lui-même, méprisant, imbuvable, persuadé que le monde tourne autour du nombril des USA qui est la seule culture qui existe – ah bon comment ça y en a d’autres ? c’est pas possible voyons.)

Lisbeth Salander. La pauvre. Elle n’est déjà pas un personnage facile, mais elle n’est vraiment pas aidée par son interprète, Rooney Mara, qui est à peu près aussi crédible que Glenn Close en Justin Bieber (j’exagère certes un peu, mais franchement, c’est pas réussi). Et ce n’est pas de sa faute, d’ailleurs !

Choisie par facilité et feignasserie (elle était au casting de The Social Network, le précédent film de Fincher), elle était mal dirigée par un réalisateur pas emballé par l’histoire et par un scénariste/dialoguiste qui a fait n’importe quoi. Cerise sur le gâteau (et sacrilège), elle a dû composer son personnage en s’accommodant de costumes destinés à devenir… une collection H&M. On rêve, bordel !!

On parle de Lisbeth Salander, une hacker brillante, asociale, handicapée sentimentale, avec un passé affreux et un présent pire encore, terriblement attachante, pupille de l’Etat, considéré comme violente, débile et dangereuse par toutes les autorités de son pays… pas d’une Victoria Beckham gentiment trashisée, merde !!!

Mais alors pire que tout : elle est partout à poil sur les photos de promo. Euh… comment dire. D’ailleurs en fait je vais me taire parce que je vais être très vulgaire.

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Et que je te la filme sexy en petite culotte, et que je lui mets du blush sur les joues dans les scènes de lit, et que je te la fais acheter un cadeau pour Mikael… MAIS WHAT THE FUCK ??? Lisbeth n’est pas sexy : elle est sèche, musclée, sans formes, on la confond avec un jeune garçon. Elle ne met pas de rose sur les joues – mais il s’est cru où, Fincher, sans déconner ?? La seule couleur que Lisbeth connaît, c’est le noir. Et elle est incapable d’un quelconque geste de générosité : elle ne dit pas bonjour s’il te plaît merci au revoir, elle ne regarde jamais dans les yeux à moins de défier,  elle sourit quand elle se pince, c’est un coffre-fort à triple blindage, et elle n’offre pas de cadeau – mais d’où ils sortent ??

Et bien entendu, comme la jeune comédienne était mal dirigée avec des répliques débiles (« Je suis folle »… non mais on rêve putain, JAMAIS elle ne dit ça, c’est être complètement à côté de la plaque dans la compréhension du personnage), il n’y a pas une seule ligne de texte qu’elle dise de manière juste (et une fois n’est pas coutume, je l’ai vu en VO, hein). Et elle est nominée aux Oscars… Je vais me pendre avec une bobine et je reviens.

Si vous voulez voir une performance vraiment impressionnante, voyez Noomi Rapace dans la série suédoise en 6 fois 90 minutes. Voilà, ça c’est du putain de bon boulot. Et c’est elle qui mériterait un Oscar.

– Le réalisateur, David Fincher pour ne pas le nommer. Bon, je l’ai déjà un peu rhabillé pour l’hiver. Mais y a erreur de casting, hein. Je suis très admirative de son travail en général et The Game fait partie de mon Top 3 des meilleurs films de l’histoire. Mais là c’est juste pas possible. Il faut qu’il arrête de réaliser des films qu’il n’a pas envie de faire.

« Tu plaisantes ? Une lesbienne asociale, un viol, une condamnation de la misogynie ? », aurait-il dit à sa productrice quand elle lui a proposé le projet.

No comment.

« Les hommes qui n’aimaient pas les femmes », sous-titre du roman. Eh mec, c’était pas censé correspondre au réalisateur, hein. Nan parce que si c’était le but, bravo, CLAP CLAP CLAP, c’est réussi, impec, brillant ! Les rôles féminins réduits à des portions congrues ou ridicules (Robin Wright inexistante avec un accent WTF, un personnage important supprimé par rapport au bouquin, les scènes de cul dont le viol qui ressemblent plus à un mauvais porno qu’à un thriller glaçant où t’as envie d’étriper le mec et où t’as mal pour elle, un violeur volontairement victimisé…)

Non seulement David Fincher n’a pas saisi l’esprit du livre – si tant est qu’il l’ait lu – mais en plus sa misogynie transpire. Pour une adaptation d’une histoire dont le personnage principal n’a pour but dans la vie que de faire la guerre aux hommes qui n’aiment pas les femmes, ça se pose là.

Je m’arrête là. Je suis en colère. Stieg Larsson doit se retourner dans sa tombe. Ce film donne la migraine et pour les mauvaises raisons. Si vous voulez voir une bonne adaptation, je vous conseille vivement la série suédoise sortie en DVD. Brillantissime. Mais pas cette honte.

[CINEMA] La guerre des boutons : mon comparatif

J’ai vu les deux récentes adaptations de La guerre des boutons, sorties à une semaine d’intervalle au cinéma. Il n’y a donc pas de raison que je ne me fende pas d’un petit comparatif, moi aussi…

La nouvelle guerre des boutons

Christope Barratier

(avec Laëtitia Casta, Guillaume Canet, Kad Merad, et Gérard Jugnot)

Le pitch

Nous sommes en 1944. Les enfants de deux villages auvergnats, Longeverne et Velrans, s’affrontent dans une guerre dont le but est de dépouiller de ses boutons les vêtements de la bande ennemie. En arrière-fond de ce conflit finalement tendre, une jeune femme du village revient de Paris avec Violette, qui s’avère être une petite fille juive…

L’adaptation

Le roman est donc transposé pendant la Seconde Guerre Mondiale. J’avais vraiment peur au début d’un effet pathos ou leçon de morale, mais le contexte historique sert l’histoire et l’enrichit, et non l’inverse. Le scénario, en ce sens, est parfaitement équilibré.

La guerre des boutons en elle-même semble fidèle à l’originale (de ce dont je me souviens…) et malgré quelques longueurs dans l’évolution des batailles, cela reste très plaisant.

Les comédiens

Bon. J’ai du mal avec Guillaume Canet. Je le trouve mauvais comédien (même si je l’apprécie en tant que réalisateur). Il a la diction d’un poulpe mort et l’expressivité d’une loutre. Je lui accorde une chose : il est fidèle à lui-même, on n’est pas surpris.

Laëtitia Casta se défend plutôt bien. Je n’ai pas été bluffée, loin de là, mais je m’attendais à bien pire. (En même temps, difficile d’être plus mauvais que Guillaume Canet.)

Les enfants sont globalement très bons. On sent le travail d’un metteur en scène derrière et ils sont bien dirigés. (Je… non rien. J’allais encore… Guillaume Canet, toussa… Je me tais.)

Quant aux seconds rôles, ils sont tout simplement excellents. On retrouve d’ailleurs toute l’équipe des Choristes (c’est le même réalisateur) : Gérard Jugnot, Kad Merad, Marie Bunel et Grégory Gatignol.

Le petit Gibus

On atteint ce que je décide d’appeler « le point Pépinot ». Vous savez, ce petit garçon mignon des Choristes ? Ben là, Barratier a voulu faire la même chose avec le Petit Gibus (déjà emblématique, c’était donc pas la peine d’en rajouter).

Sauf que dans les Choristes, Pépinot était mignon parce qu’il était naturellement mignon. Là, le Petit Gibus est mignon parce qu’on lui a dit : « Tu seras le petit garçon mignon. » Alors c’est mignon les dix premières minutes, mais après t’as juste envie de lui dire ta gueule ou de le voir muer.

La réplique qui m’a fait rire

[Les parents Lebrac (Marie Bunel et Kad Merad) à propos de leur fils]

– Y aurait une petite là-dessous que ça m’étonnerait pas…

– Lui ?? Il ferait peur à la volaille !

Verdict

C’est une très bonne adaptation, parfaitement bien équilibrée au niveau du scénario, avec des enfants très bien dirigés et des seconds rôles savoureux. Il y a des paysages magnifiques et la reconstitution des batailles est très tendre. Même avant 30 ans, on se prend à être nostalgique d’une époque qu’on n’a jamais connue, où l’on pouvait courir dans les champs, faire des cabanes dans la forêt, être totalement insouciant et s’érafler les genoux sans porter plainte contre le propriétaire des barbelés qui n’auraient jamais dû être là. (Je caricature.)

C’est vraiment un film anglé sur ces enfants qui s’amusent, qui vivent leur enfance à fond, qui se construisent des souvenirs émerveillés qu’ils garderont comme un trésor jusqu’à la fin de leurs jours, malgré un quotidien de guerre pas toujours facile à vivre.

La guerre des boutons

Yann Samuell

(avec Mathilde Seigner, Eric Elmosnino, Alain Chabat, Fred Testot)

Le pitch

C’est l’histoire d’un soi-disant cancre qui devient premier de la classe. Ou plutôt non. C’est l’histoire d’une petite fille garçon manqué féministe avant l’heure. Ou… non, c’est pas encore ça. C’est l’histoire d’une bande de gamins sadiques qui arrachent des boutons avec un regard de psychopathe. Non. Pas encore. C’est l’histoire de quelques adultes qui ont toujours douze ans et demi mais on n’y croit pas vraiment. Non. C’est… En fait on sait pas trop ce que c’est. Ce film ressemble autant à La guerre des boutons que moi à Paris Hilton.

L’adaptation

Je me demande si on peut parler d’adaptation tellement peu d’éléments de la version originale s’y retrouvent. On a gardé les noms (villages et personnages) mais la structure globale a disparu. Quand ça parle d’une guerre des boutons, on se demande ce que ça vient foutre dans le scénario. C’était un prétexte pour faire du fric sur un titre connu, je pense. (Au moins, l’autre a eu la décence de rajouter « nouvelle ».)

On a voulu ajouter des touches modernes à l’ensemble, mais ça fait des gros flop. Par exemple quand un des gamins orthographie mal un mot en disant : « Avec un A majuscule ! » En fait, ça fait référence au « Je t’emmerde avec un grand A » du loft, mais qu’il aurait fallu reprendre tel quel pour que ce soit drôle. Raté, les gars. Ou alors amener cette histoire de fille-qui-est-égale-à-un-garçon. Ok mecs, mais en 1956-1957, je ne suis pas tellement sûre que ce soit cohérent. Mais bon.

Le réalisateur, qui avait certainement conscience de la pauvreté de son scénario s’est dit que ce serait peut-être une bonne idée d’appeler des comédiens estampillés Canal pour sauver le bousin. Alors du coup on a Alain Chabat et Fred Testot qui viennent faire leur sketch pendant 5 minutes à intervalles réguliers, mais comme des cheveux sur la soupe rédactionnelle.

La vulgarité

C’est censé être un film aussi pour les enfants – d’ailleurs il y en avait plein dans la salle. Sauf que dans le premier quart d’heure, il y a un enchaînement de répliques toutes plus vulgaires les unes que les autres. A la Canal, finalement, quand j’y pense. Sauf que dans la bouche d’enfants de 10 ans et dans les oreilles des gamins dans la salle, ça m’a mise très mal à l’aise. J’ai même trouvé ça honteux, en fait. Parce que finalement, ça ne sert même pas l’histoire.

Le malaise

Contrairement au film ci-dessus, il n’y a rien de tendre ni de bon enfant dans le peu de guerre des boutons qu’on peut voir dans celui-ci. Et le peu représenté donne un peu envie de ne pas savoir où se foutre. Il y a une vraie volonté d’humilier dans celui-ci, et je ne suis pas sûre que ça fasse partie de l’histoire d’origine. La bande à L’Aztec, dirigée de cette manière, passe vraiment pour des psychopathes sadiques. Pas sûre que ce soit utile, en fait.

Les incohérences

La mère de Lebrac vit seule avec son fils et ses deux filles. C’est Lebrac qui est donc obligé, avant et après l’école, de s’occuper des bêtes, de la ferme, et du marché. Sa mère (Mathilde Seigner) se plaint sans arrêt de ne pas avoir assez d’argent pour survivre.

Mais elle te dit ça parfaitement maquillée, blushée, mascaratée, ombre à paupiérée, et brushinguée, tsé. Genre limite elle est très jolie (on parle bien de Mathilde Seigner, que j’aime bien par ailleurs, qui peut être belle mais pas spécialement « jolie »).

Et puis la petite fille qui a 3/20 en couture et qui 5 minutes après te pond un drapeau en vêtements grand comme un département parfaitement rectangulaire avec un bouton parfaitement centré et circulaire, tsé.

Et puis un des derniers plans… Ma sœur et moi, en cœur, nous sommes exclamé : « Mais LOL ! »

Voilà. Je ne spoilerai pas plus. C’est déjà amplement suffisant.

Les comédiens

Ils sont tous bons, mais c’est dommage qu’on ne comprenne rien à ce que disent la plupart des enfants. Déjà que c’est pauvre, on perd encore un peu plus de substance.

Mention spéciale pour Eric Elmosnino, que je ne connaissais pas.

Le Petit Gibus

Là encore le point Pépinot est atteint, mais dans une moindre mesure. Quoique…

Verdict

On a regardé l’heure plusieurs fois. On s’est demandé où ils voulaient en venir. On a attendu longtemps que ça commence jusqu’au moment où on a compris que la guerre des boutons était juste un prétexte.

Bref, on a trouvé ça mauvais et… décousu (seule cohérence du tout, finalement). Dommage pour les comédiens, qui méritaient mieux que ça.

[CINEMA] Dix bonnes raisons d’aller voir Raiponce

Je n’avais pas autant ri devant un Disney depuis les fabuleux Aladdin et Hercule. Voici dix bonnes raisons d’aller voir Raiponce, le dernier-né des dessins animés conçu pour les petits comme pour les grands.

1. La beauté des images
On atteint là une perfection assez éblouissante. Il est loin, le temps de Blanche-Neige, ou même d’Aladdin. Ici, plus de dessins à la main, c’est l’ordinateur qui prend le relais. Et paradoxalement, il y a une vie dans le graphisme jamais égalé jusqu’ici.
Le diable est dans les détails, dit-on, alors Raiponce est diaboliquement bien mise en images. La texture de la peinture sur ses pinceaux, le bois où l’on peut voir jusqu’à la moindre écharde, la poêle à frire dont on peut détailler toutes les aspérités dues à l’usure et à des mets trop souvent brûlés… Sans oublier bien sûr les cheveux. Ceux de Raiponce, bien sûr, personnages centraux du film, mais également ceux de sa mère dont la crinière bouclée offre un rendu digne d’une pub Schwarzkopf. Jusqu’au duvet sur les tempes d’Eugène, tellement crédible qu’on a envie de caresser… (Et encore. Je ne l’ai pas vu en 3D.)

 

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2. L’expressivité des personnages
Les yeux des personnages humains sont exagérément grands pour donner son charme et son identité particulière au film, mais ils sont assez proportionnés pour être crédibles. Les sourcils, dont on pourrait détailler chaque poil, les cils dont l’ombre n’est jamais négligée, et les iris soignés donnent vie aux personnages comme jamais auparavant. Et les bouches ne sont pas en reste. Des rictus parfois à peine perceptibles changent complètement la donne.
Et les animaux… La caméléon Pascal (affublé d’un nom un peu WTF quand même pour une bestiole de dessin animé) ne dit jamais rien, mais il a une palette d’expressions et d’émotions assez impressionnante. Et même avec trois « doigts » seulement à chaque patte, il réussit l’exploit de parler avec les mains ! On salue le génie des chargés d’animation.

 

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3. Maximus, le cheval
Ce cheval est un sketch à lui tout seul. Il est responsable de la moitié des fous rires du film. Le comportement d’un chien, têtu comme une mule, et vexé comme un pou, on le trouve sous-exploité tellement il est drôle. Et là encore, l’expressivité réussit le dosage parfait entre l’être humain et le toon.

 

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4. Le chérubin alcoolique

Ce personnage est le truc le plus WTF jamais pondu par Disney. Je ne vois que trois explications à son existence : un pari perdu par le producteur, une lubie pondue par le DA un soir de beuverie très avancée, ou un excès de substances illicites pendant les réunions.

Quoi qu’il en soit, RIEN QUE POUR LUI, il faut voir Raiponce. C’est obligé.

Je vous parie ma petite culotte qu’il va devenir culte. (Cherchez pas, les garçons, ça ne veut rien dire.)

(D’ailleurs pas d’image, ce serait trop bête de vous gâcher la surprise. Je vous jure qu’il faut le voir pour le croire.)

 

5. La MILF

La marâtre a été conçue par des connaisseurs. Crinière de lionne, visage harmonieux tout en ayant du caractère, des yeux magnifiques, et des boobs…

Je ne sais pas comment l’exprimer autrement que comme ceci : la Môman de Raiponce, elle est bonne.

(Désolée.)

 

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6. Des clichés dézingués

Un chérubin alcoolique qui cherche tout le temps à pécho, une princesse avec du caractère, un bellâtre qui a conscience de l’être et qui en joue tout en sachant qu’il ne faut pas, les brigants qui… Je ne spoilerai pas. Mais un certain nombre de stéréotypes et de clichés particulièrement grossiers et présents dans les Disney sont utilisés pour être montrés du doigt. Mais sans aspect moralisateur. Moi je dis, bravo.

 

 

 

7. Un dessin animé ancré dans son époque

Ce qui m’a notamment plu dans les excellents Aladdin et Hercule (oui, bah, j’en démords pas, hein), c’était d’être ancrés dans leurs époques respectives. Dans les années 90, nous étions en plein boom des talk shows, que ce soit aux USA ou en France. Le génie d’Aladdin, dans ses délires, utilise beaucoup de références aux talk shows.

Hercule est sorti en 1997, année de la sortie de Titanic et de la folie DiCaprio auprès d’un public jeune et féminin, et période des boys band. Beaucoup de références à l’hystérie des jeunes filles, aux produits dérivés marketing à l’effigie d’un beau gosse, etc…

Raiponce est dans la même lignée sociologico-cinématographique. Cette fois-ci, c’est la « psychologisation » à tout va qui est critiquée, de l’éducation des enfants à l’analyse des rapports conflictuels entre individus. Et c’est drôle. Immensément drôle.

8. Les références

Un Disney sans références n’est pas un bon Disney. Celui-là n’échappe pas à la règle, et son succès est dû à ses nombreuses références : cinématographiques (Mission ImpossibleLes chimpanzés de l’espace, etc…), architecturale (le Mont-Saint-Michel), artistique (le mime Marceau), de la culture geek (la collection de licornes), etc…

Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les cultures, des moins riches aux plus érudits. Un vrai bonheur.

9. Une palette complète d’émotions
Un bon Disney fait passer du rire aux larmes. Ca a été le cas ici, en ce qui me concerne. Des fous rires incontrôlables, des éclats de rire généreux, des yeux humides, des frissons, des envies d’aimer la terre entière, de l’euphorie… Je suis passée par tous les états en l’espace d’1h40, et c’est juste bon.

 

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10. Pour tous publics

Les filles, les garçons, les petits, les grands… Ce film peut parler à absolument tous les publics tellement il est riche d’émotions diverses, de références, de personnages différents, de situations et d’émotions universelles… Des lenteurs et des chansons qui mettront en émoi les petites filles, des scènes romantiques qui donnent des frissons aux célibattantes les plus indécrottables, des courses-poursuites et des situations héroïquent dont rêvent tous les petits garçons, un humour et des références à la culture masculine qui raviront les hommes…

Tout le monde trouvera son compte dans Raiponce.

Courez-y.

Courez voir aussi la réponse de mon ami @trollator, qui livre dans « 10 bonnes raisons de ne pas aller voir Raiponce » un argumentaire serré et souvent drôle (mais avec une réflexion fort intéressante sur le fond) en trollréponse à ma critique. Je m’octroierais bien un droit de Raiponce réponse mais malheureusement ce serait sans fin. Merci à lui pour cet autre point de vue, fort instructif et enrichissant !

 

[NECRO/CINEMA] Rohmer et Endemol : même (pitoyable) combat

Le cinéaste Éric Rohmer est mort. Il laisse derrière lui une filmographie basée en grande partie sur les comportements amoureux, la comédie sociale et des jeunes femmes pas toujours très habillées. Finalement, Endemol France n’a rien inventé.

La Nouvelle Vague a rendu un de ses derniers souffles. Éric Rohmer, 89 ans, est décédé le 11 janvier 2010, endeuillant le cinéma français. Ou tout du moins… un certain cinéma français : celui de l’élite, celui des lettrés, celui de la bourgeoisie. Rohmer n’était pas un réalisateur très populaire. Et pourtant, à y regarder de plus près, une grande partie de ses films repose sur des ficelles qui font les choux gras des producteurs de téléréalité depuis de nombreuses années.

A première vue, nombre de ses films se rapprochent plus des séries de AB Productions que de Loft Story : intrigues amoureuses au ras des pâquerettes, répliques à la chaîne, mise en scène de carton-pâte et comédiens sonnant aussi faux que dans un doublage raté d’une publicité étrangère. Même André Dussollier dans le Beau mariage (1982) et Féodor Atkine dans Pauline à la plage (1982) ne trouvent pas le ton juste. Car Éric Rohmer avait beau écrire seul le scénario de films qu’il réalisait lui-même, il était un bien piètre directeur d’acteurs. Il l’avouait d’ailleurs bien volontiers : « Je ne pense pas que, pour moi, la direction d’acteur existe sur le tournage. Si jamais elle existe, c’est dans les conversations que je peux avoir avec les acteurs avant les films. (…) Effectivement, en général, je ne demande rien aux acteurs ».

Éric Rohmer, c’était donc la Voix de Secret Story avant l’heure. Il veillait paternellement au bon déroulé de l’action, mais ses indications, quand il y en avait, étaient trop générales : « Dites votre texte, en ne restant pas plantés comme des piquets, mais en bougeant. » On ne dirige pas des dialogues trop écrits comme on influence une improvisation. Sans repères, les acteurs ne pouvaient qu’être faux, comme Jean-Louis Trintignant dans Ma nuit chez Maud (1969) qui demande « un Vittel » sur le même ton qu’il dit : « Bon, j’irai rien que pour te démentir. » De la fausseté du ton ou de la platitude du dialogue, difficile de dire laquelle est la plus risible.

Le Rayon vert (1986) est peut-être l’exception : reposant en grande partie sur l’improvisation, la non-méthode du réalisateur s’avère efficace et flatte l’oreille du spectateur. Sauf qu’un film juste sur vingt-cinq longs-métrages qui sonnent terriblement faux, c’est peu. Dans Secret Story, au moins, les candidats sont naturels, le public n’a pas l’impression d’être floué. Il n’y aura eu que les critiques pour crier au génie. Ceux des Cahiers du Cinéma, notamment, où Éric Rohmer – de son vrai nom Maurice Schérer – aura été rédacteur en chef de 1957 à 1963.

Comme par hasard.

Les films d’Éric Rohmer avaient une autre constante : leurs thématiques. Rien d’original même dans les années 60, Molière et Marivaux les avaient traitées bien avant lui : les sentiments amoureux, l’amitié entre un homme et une femme, la séduction, l’infidélité, le mariage, les rapports entre les âges, entre les classes… Et la téléréalité, aujourd’hui, reprend exactement les mêmes ingrédients pour un succès populaire qui n’est plus à prouver : prenez des personnages stéréotypés en nombre restreint, mettez-les dans un endroit plus au moins clos, installez des caméras, donnez un nom évocateur au programme, remuez le tout… Vous aurez des jolies filles en bikini, des bellâtres séducteurs, des complots amoureux, des flirts, des jalousies, des disputes, des bagarres, des séparations, des stratégies, des espionnages, voire de l’érotisme flirtant avec de la pornographie.

Qu’est-ce qui différencie le cinéma d’auteur de Rohmer de la plus vulgaire émission de téléréalité, alors ? Pas grand-chose, finalement. Prenez les titres : Ma nuit chez MaudLa CollectionneusePauline à la plageL’Amour l’après-midiL’amie de mon amieQuatre Aventures de Reinette et MirabelleL’Anglaise et le DucLes Amours d’Astrée et de Céladon… Marc Dorcel fait à peine moins subtil. Quant à Loft StoryL’Île de la TentationL’Amour est dans le préDilemme ou Trompe-moi si tu peux, ils n’ont rien à leur envier.

Le rapport au corps des femmes, ensuite. Éric Rohmer disait : « J’ai fait dire, hors champ, le texte de ce passage, pour qu’on n’ait pas l’impression que c’est le metteur en scène qui s’était payé le plaisir de déshabiller ses actrices ». Certainement vrai pour Les amours d’Astrée et de Céladon (2007), mais pas pour Pauline à la plage où Arielle Dombasle descend un escalier en même temps qu’elle descend un T-shirt sur ses seins nus. Inutile. On aurait compris qu’elle sortait du lit même en finissant seulement d’enfiler ce T-shirt. On en se recoiffant. Bref, il y avait d’autres mises en scène possibles. Au moins, les candidates des émissions de téléréalité ont la décence de rester habillées. Alors qu’il n’est pas rare chez Rohmer de voir des femmes en tenue d’Eve.

Les thématiques la plus présente dans les deux formats restent quand même les relations entre les hommes et les femmes et le spectacle de leur intimité. Il y a des complots dans les deux cas : une scénarisation est prévue, que ce soit par le biais d’un personnage ou de la production, il y a des phases d’observation, des épreuves, des tests, des coups en douce, des échecs, des remises en question… Les ficelles sont les mêmes, les formats diffèrent.

Pourquoi Rohmer a-t-il alors eu un succès si limité ? Les personnages peuvent être mis en cause : ils sont très peu attachants. Outre leur jeu médiocre, les acteurs n’ont jamais qu’une seule expression tout au long d’un film. Fabrice Luchini, par exemple, a l’air ahuri du début jusqu’à la fin de Perceval le Gallois (1978), Arielle Dombasle est la romantique évaporée de Pauline à la plage, quant à Jean-Louis Trintignant dansMa nuit chez Maud et Jean-Claude Brialy dans Le genou de Claire (1970), ils sont neutres, inexpressifs, les mêmes en toute circonstance. Ces personnages manquent cruellement d’âme et les dialogues, trop littéraires, ne les aident pas à les humaniser. Le spectateur peine à s’identifier.

La temporalité, également. Les films de Rohmer sont ennuyeux. Le rythme est lent, le montage ne fait jamais ressortir d’accélération du récit, le scénario est toujours linéaire. Les intrigues, téléphonées, se devinent à l’avance : dès les premières minutes de Ma nuit chez Maud, on sait que Jean-Louis Trintignant épousera Marie-Christine Barrault après une aventure avec Françoise Fabian. Quel intérêt ?… Le réalisateur perd un temps fou en dialogues aussi plats qu’inutiles, comme dans Pauline à la plage : « Toi, Pierre, raccompagne-le » « Ramène-le plutôt. » « C’est à côté de chez toi, c’est plus simple que ça soit toi, je raccompagnerai Pauline quand elle sera calmée. » « C’est moi qui l’ai amenée, c’est moi qui la ramènerai. » « Pierre, sois pas grotesque. » « Pierre, tu peux ramener Sylvain s’il te plaît ? Son père va l’attraper, Henri me ramènera, ça ne t’ennuie pas ? » etc… Ces répliques d’une banalité navrante ne servent ni l’histoire, ni les personnages. Et plombent le rythme. Le critique Serge Daney a d’ailleurs dit :« Rohmer invente des durées ». Certes. Mais trop de durées tuent la durée : à force de créer son temps, il finit par nous faire perdre le nôtre.

Outre l’ennui, les personnages désincarnés, peu sympathiques et bourgeois se regardant le nombril, qui font fuir un public avide d’identification (au moins, les personnages d’AB Production ou les candidats des émissions d’Endemol leur ressemblent), reste chez Rohmer cette ambiguïté des fantasmes du réalisateur. Des titres explicites, des intrigues coquines, des femmes nues, un fétichisme du détail (le genou de Claire, les pieds de Pauline, les fines attaches de L’amie de mon amie, etc…) et… une perversité certaine.

Dans Pauline à la plage par exemple, Pauline est interprétée par une adolescente à peine formée. Ce qui n’empêche pas Arielle Dombasle d’insister auprès de Pascal Greggory pour qu’il la séduise. Ou Féodor Atkine de lui dire « Je suis un homme, t’es une femme, t’as de jolies jambes » après l’avoir caressée alors qu’elle dormait. Ou de la filmer en bikini laissant très clairement apercevoir le haut de ses fesses. C’est dérangeant.

Plus malsain encore était Le genou de Claire. Jérôme, homme fiancé d’une trentaine d’années, séduit d’abord Laura, qu’il va jusqu’à embrasser, puis Claire, dont il caresse le genou dans une séquence très érotique. Sauf que Laura et Claire sont toutes deux mineures. Et Jérôme ira jusqu’à dire à propos de Claire : « Le trouble qu’elle provoque en moi me donne un droit sur elle. » C’est extrêmement choquant : c’est l’excuse de tout violeur et de tout pédophile.

Si Laura et Claire sont des nymphettes, n’est pas Nabokov qui veut. Humbert Humbert était amoureux de Lolita – Jérôme joue, avec ces adolescentes, il tente une expérience soufflée par une amie. Rohmer sert-il dans ces deux films un autre propos que les fantasmes libidineux d’un réalisateur ? Si tel est le cas, ce n’est ni très clair, ni très adroit. Alors certes, autre temps, autres mœurs. Là encore, cette excuse n’en est pas une : c’est celle des défenseurs de Roman Polanski.

Éric Rohmer nous a quittés. Si la mort de l’être cher est épouvantable, le décès du réalisateur ne doit pas empêcher de remettre son œuvre en question dans un contexte actuel : que nous laisse-t-il ? La complaisance des critiques petit-bourgeois et parisianistes envers un réalisateur qui leur ressemblait – et qui avait été leur confrère – n’a aucune valeur. Les spectateurs, même à l’époque, le savaient bien : les critiques n’étaient élogieux que dans un cercle restreint d’amis et d’intérêts.

Le cinéma de Rohmer restera élitiste et froid, ennuyeux et plat, et n’aura pas pu, malgré les ingrédients utilisés dans les émissions de téléréalité d’aujourd’hui, conquérir un public nombreux. Ces programmes au moins, tout critiquables qu’ils sont, annoncent tout de suite leur couleur. Les films de Rohmer eux, sont hypocrites et tendancieux. Sous leur aspect lisse et moralisateur, des fantasmes peu reluisants font surface. Les critiques s’extasient, toujours avides de sensations à la limite des bonnes mœurs et de la légalité sous couvert d’expression artistique. Le public, lui, n’est pas dupe.

Tous les propos rapportés dans cet article sont tirés de l’interview du 12 juillet 2007 pour Allociné.

[CINEMA] La Rafle

On ne critique pas la Rafle comme on critique un film. Tout simplement parce que la Rafle n’est pas un film. C’est un témoignage.

Les spectateurs sont prévenus : tous les évènements, « même les plus extrêmes », ont bien eu lieu. Tous les personnages ont existé. Ces faits et ces personnes sont dévoilés à travers le regard de Joseph Weismann, qui avait 11 ans à l’époque, qui est vivant aujourd’hui. Un des rares, très rares rescapés de la rafle du Vel d’Hiv le 16 juillet 1942.


Tous les points de vue sont présents, sans parti pris. Ceux qui ont orchestré. Ceux qui ont eu confiance. Ceux qui ont fui. Ceux qui se sont opposés.

A chacun de voir. Et de juger.


Montrer ce film au plus grand nombre et le voir, absolument, n’est pas seulement se renseigner, s’instruire, s’informer.


C’est un devoir.

La Rafle, écrit et réalisé par Roselyne Bosch, avec Jean Reno, Mélanie Laurent, Gad Elmaleh, Hugo Leverdez. Sorti le le 10 mars 2010.

[HUMEUR] A ceux… qui me reprochent Amélie Poulain

Il est arrivé quelques fois, dans les commentaires sur les sites de partage de vidéos, sur les blogs, ou ailleurs, qu’on me reproche le choix d’Amélie Poulain comme référence cinématographique pour mon CV-court-métrage.

Etait-ce un choix délibéré de ma part ? Est-ce que j’ai sérieusement aimé ce film ? Est-ce que je veux vraiment être journaliste culturelle avec cette référence que je brandis fièrement ?

Je tiens à rassurer tous mes détracteurs. Le film de Jean-Pierre Jeunet est une bouse finie et si je l’ai choisi comme thème, c’est parce que je suis sadomasochiste. Mon travail pour coller au plus près à la voix-off originale n’a rien à voir avec un éventuel infini respect pour André Dussollier, connu pour être un pitoyable comédien de seconde zone.

Quant à la profession de journaliste – et j’arrête là toute ironie – bien sûr que je veux faire ce métier. Et spécialisée dans la culture, n’en déplaise à certains. Certains qui, visiblement, confondent « journaliste » et « Critique d’Âââârt ». Désolée, mais je ne me reconnais pas dans la deuxième appellation. Je ne veux pas ressembler à ces personnes imbues d’elles-mêmes, parisianistes insupportables, et méprisant tout ce qui ne relève pas de l’Âââârt qu’eux seuls ont décidé d’encenser, suivi par une poignée de snobs qui font semblant de le comprendre.

Alors oui, j’ai aimé Amélie Poulain. Argumenter serait vain, puisque mes détracteurs ont peut-être déjà quitté ce blog. Et là n’est pas le sujet. Etre journaliste, à mon sens, et c’est la base, c’est être curieux. De tout – j’insiste lourdement là-dessus. J’arrive sans a priori devant la culture comme devant la Culture – libre à vous de définir les deux – parce que c’est la base du métier. Je souhaite parler des deux, oui, et qui plus est de la même manière. Et surtout, toucher le plus de lecteurs possibles.

Adorer  2012 et Anna Teresa de Keersmaeker n’est pas incompatible – pas plus que détester à la fois Marc Lévy et Christian Boltanski. (Mes détracteurs, puisque fortement cultivés, connaîtront forcément les deux références peu populaires. A moins qu’ils ne clament un peu trop fort leur Culture.)

Je respecte ceux qui se sentent agressés par les blockbusters américains ou par les reprises de la Nouvelle Star. Alors j’aimerais que ceux-ci, à leur tour, respectent mon choix d’aimer Amélie Poulain, de me régaler du dernier Guillaume Musso, d’écouter Britney Spears en boucle ou de me détendre devant La soirée de l’étrange sur TF1. Même si je n’étais pas capable d’apprécier également ce qui est considéré comme de la culture noble, celle avec un grand « c ».

Etre journaliste culturelle, pour moi, c’est m’intéresser à tout et en rendre compte à ceux qui me font l’honneur de me lire. Quels qu’ils soient.

Et puisque je tiens à illustrer mes propos par ceux d’un de mes détracteurs, voici le dernier en date (commentaire publié après mon article sur 2012) :

« Salut, si ton clip CV court-métrage est au 5ème degré, c’est super ! Si le clip est du niveau de tes goûts cinématographiques, arrête tes recherches journalistiques pseudo-culturelles. Fait Fais caissières ! »

Cher Abakua, caissière, j’ai donné, merci. Mais cette ex-hôtesse de caisse que je suis s’est permis de corriger les fautes d’orthographe de ton bon conseil. Sans rancune !

[CINEMA] Avatar : des techniques qui s’effacent au profit d’une civilisation

Avatar, sorti le 16 décembre dans les salles obscures françaises, est un spectacle de science-fiction qui révolutionne le genre. Entre des techniques ultramodernes et une réflexion sur l’essence d’une planète et d’une civilisation, le film nous offre du jamais vu. 

Avatar est l’histoire de Jack Sully, un ex-Marine tétraplégique, à qui l’on demande de convaincre les Na’vi, habitants de la planète Pandora, de quitter leurs terres sous lesquelles sont enfouis des gisements de minerais convoités par les Humains. Il accepte de transférer son esprit dans le corps d’un Na’vi, et apprendra à connaître cette civilisation.

Un scénario simple à dessein

James Cameron est un homme intelligent à la démarche créatrice tout à fait noble : il réalise des films qu’il veut accessibles au plus grand nombre. Et pour ce faire, il se base sur des intrigues simples mais efficaces. Le scénario d’Avatar ne réinvente pas la narration cinématographique : il y a les bons et les méchants, des références historiques rabâchées (le 11-Septembre, la guerre du Vietnam), du suspense, de l’action, des bons sentiments qui provoquent petites larmes et frissons partout, et une belle histoire d’amour. D’aucuns trouvent ce procédé balourd et je-m’en-foutiste, mais Cameron est bien plus fin que ça : si l’intrigue est simple et attendue, c’est tout simplement qu’elle n’est qu’accessoire. Le sujet du film est ailleurs.

La technique au service du portrait d’une civilisation

Les personnages principaux d’Avatar sont la planète Pandora et la civilisation Na’vi. Pour les rendre plus crédibles qu’une planète Terre peuplée d’humains, Cameron a dû attendre quinze ans et une technologie assez avancée pour arriver au résultat souhaité. Il voulait certes son film en 3D, mais la création des avatars, personnages aux dimensions non-humaines mais au réalisme effarant, demandait une technique élaborée récemment. Il en va de même pour la planète elle-même, sa faune, et sa flore. Une fois cette technique inventée et maîtrisée, il a suffi à Cameron de laisser son talent de réalisateur s’exprimer : sa caméra est aussi efficace dans l’intime et les plans serrés que dans l’action et la plongée vers les abîmes de Pandora. De l’émotion d’un huis-clos au chaos d’une destruction, il est inconcevable que cette planète et ses habitants puissent ne pas exister.

Fort d’une technique qui n’a de but que de se faire oublier et d’une histoire aux résonnances universelles, James Cameron livre une œuvre aboutie, complexe, éblouissante de beauté et divertissante. Avatar et ses multiples dimensions, autant dans le fond que dans la forme, ouvrent la voix à une nouvelle grille de lecture et à une nouvelle étape dans le domaine du grand spectacle. Cameron réussit l’exploit de toucher l’essence même de chaque spectateur, dans ce qu’il y a en chacun d’originel. A se demander qui de la Terre ou de Pandora, qui de l’humanité ou des Na’vi, est l’avatar de l’autre.