J’ai découvert Barcella complètement par hasard, à l’été 2009 à la Foire de Châlons : il faisait la première partie de La Chanson du Dimanche (que j’étais venue voir) qui faisaient eux-mêmes la première partie de Grégoire.
Etant en avance pour La Chanson du Dimanche, je suis donc arrivée au beau milieu du spectacle d’un drôle d’énergumène au pantalon large, aux bretelles et à la queue de pie, qui chantait des chansons tour à tour tendres, drôles et grinçantes avec un accent indéfini délicieusement désuet accompagné d’un pianiste, d’un accordéoniste et lui-même à la guitare.
Au début, il m’a fait penser à Thomas Fersen : un décor constitué de détails dans les tons sombres avec des parapluies ouverts et de vieilles liseuses, un costume hors du temps et un vocabulaire fouillé. Mais très vite, je suis rendu compte que Barcella n’était personne d’autre que lui-même.
Après une ou deux chansons prises en cours de route et le temps qu’il m’a fallu pour entrer dans son univers, il a entamé « Mademoiselle ». Un piano, une voix, un artiste pétri d’une généreuse émotion, un texte qui remue les tripes de ma génération et les plus jolis vers que j’ai jamais entendus : « Mais pour celles qui y croient, tout comme pour ceux qui osent, la vie ouvre des portes avec ou sans cadenas qui pouvaient sembler closes… »
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Sans nous laisser le temps de s’apesantir sur une grosse boule dans la gorge, Barcella enchaîne avec « Les monstres ». Une sombre histoire de petit garçon qui va faire pipi la nuit et qui réveille des terreurs nocturnes universelles… Le gars se révèle showman et on se prend à sautiller sur place pour finir les bras en l’air à frapper frénétiquement (mais en rythme !) dans ses mains pour accompagner son incroyable énergie et un humour à toute épreuve.
Après cette franche rigolade, il nous présente une performance de impressionnante : Barcella n’est pas seulement un saltimbanque musical, il est également champion de France de Slam Poésie. Après avoir fait rougir tous les profs de diction du monde avec « Babar » (lui, pour les intimes), il enchaîne sur un texte où la métaphore file la faune océane (de 1’58 à 3’05 dans la vidéo ci-dessous).
Mais le Rémois désormais illustré nationalement ne renie pas ses origines champenoises : on sent le vécu de l’enfant qu’il a été et qu’on a emmené en sortie dominicale au Lac du Der dans cette chanson sur « Les sornettes » proférées par les adultes…
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La référence réjouira au plus haut point les autochtones (dont je suis) et permettra sans doute aux autres, et notamment aux Parisiens, de savoir que le Der est le plus grand lac artificiel d’Europe et qu’il a été construit pour désengorger la Seine et protéger Paris des inondations (ceci n’est pas un billet sponsorisé par l’office du tourisme de Champagne-Ardenne).
Alors bien sûr, autant de légèreté ne saurait aller sans une autre claque. Après « Mademoiselle » et son interprétation d’une génération désabusée, il analyse avec « Mémé » un sujet de société difficile. Et quand on a vécu la situation à plusieurs reprises, il est bien difficile de retenir ses larmes.
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Et puisque le yoyo semble être son jouet préféré (est-ce une espièglerie de mon inconscient ou bien en ai-je vu un accroché à sa ceinture ?…), il choisit de nous achever à coup de fou rire avec une chanson traitant de son… sexe. Je ne vous en dis pas plus, mais elle est – naturellement – jouissive. (Eh, Babar, si tu me lis, mon numéro commence par 06 et finit par 69 – par le plus grand des hasards, hein, entendons-nous bien.)
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Je l’ai revu en concert à la bibliothèque de Châlons un an après. Mais cet artiste, sacré « Album de l’année 2010 » par les Francofans avec « La boîte à musiques », mérite les plus belles salles parisiennes. Des mélodies entraînantes, une plume incroyable et un sens de la scène que j’ai rarement vu ailleurs : Barcella, 30 ans tout rond, mériterait de pétiller hors des frontières de la Champagne.