Un jour, Pôpa est rentré à la maison en claquant très fort la porte du bas, ce qui a fait trembler les murs et résonner très fort dans le hall d’entrée. Si j’étais habituée à ce que cette porte en fer prenne trop d’élan pour se refermer, j’ai commencé à m’inquiéter quand je l’ai entendu monter les marches quatre à quatre et ouvrir la porte de l’appartement à la volée.
« Le mur est tombé !!! », s’est-il écrié.
Je vous avoue que j’ai eu peur. Je pensais que le mur d’en bas s’était écroulé, et que l’appartement, où nous étions tous, allait suivre.
Heureusement, il ne s’agissait pas du mur de l’école où nous habitions. Mais bien du Mur de Berlin. C’était le 9 novembre 1989. J’avais 6 ans.
Comme je n’avais pas vraiment l’âge de comprendre toutes les subtilités de cette page de l’Histoire qui se tournait (et même si, exceptionnellement, nous avions eu le droit de regarder les infos), Pôpa a profité de ma midinette-attitude pour Patriiiiick Bruel quelques années plus tard pour m’expliquer, via sa chanson sur le sujet, l’évènement en question.
J’ai trouvé cette méthode bien plus agréable, digeste, et compréhensible que les cours d’Histoire du lycée. C’est pour ça que pour le 21ème anniversaire de la Chute du Mur, j’ai voulu répertorier les chansons sur le sujet, pour comprendre l’Histoire via des histoires en musique.
(La liste est certainement non-exhaustive. N’hésitez pas à me dire en commentaire les chansons que je n’aurais pas trouvées…)
COMBIEN DE MURS
Celle-ci reste ma préférée. Si Patrick Bruel a beaucoup été tourné en dérision, il reste un compositeur et un parolier de talent. Cette chanson me fout les poils à chaque fois, et je regrette qu’elle soit si peu connue…
[diwp:1049596]
WIND OF CHANGE
L’incontournable. C’est en quelque sorte l’hymne de la réunification et de la fin du Rideau de Fer. D’ailleurs, c’est la chanson la plus vendue en Allemagne de tous les temps.
[diwp:1583114]
BERLIN CE JOUR-LA
Salvatore Adamo fera toujours du Salvatore Adamo. Médolie et instrumentation typique des années 80, avec des rimes faciles et une intrigue simple : deux amoureux sont enfin réunis puisque le Mur est tombé. Ce serait risible et fleur bleue si de telles situations n’avaient pas réellement existé…
MAUER
Chantée en Allemand par une femme, cette chanson de Sébastien Tellier raconte l’histoire d’une joueuse de tennis triste, parce qu’elle avait pris l’habitude de jouer en solitaire contre le Mur.
[diwp:248943]
L’AUTRE COTE
Yves Duteil est fidèle à lui-même dans les arrangements : grandes envolées lyriques d’instruments (très efficaces), et un texte à la fois très mélodieux et proche des gens. Il y raconte la construction du Mur, sa chute, et ouvre sur d’autres murs physiques ou symboliques.
[diwp:2668315]
LES AVENTURES DE SIMON ET GÜNTHER STEIN
Cette chanson de Daniel Balavoine ne présente pas un grand intérêt, ni musical ni au niveau de l’histoire. Il s’agit de deux frères allemands, Simon et Günther, à deux époques de leur vie, en 1941 pendant la guerre, et en 1961 à la construction du Mur.
[diwp:2420802]
A GREAT DAY FOR FREEDOM
Une magnifique et dernière chanson sur le sujet, par Pink Floyd.
Rares sont les personnes dont je tombe folle amoureuse professionnellement parlant. Alexandre Bonstein fait partie de celles-là. Je resterai toujours béate d’admiration devant son génie artistique (et un peu jalouse aussi, huhu) et si je vous dis ça, c’est par honnêteté vis-à-vis de vous : ma critique de son dernier spectacle sera encore plus subjective qu’une critique digne de ce nom. Ceci étant précisé, je vais tout de même essayer d’être constructive.
« Chienne » est une comédie musicale dont le postulat de départ est simple : un caniche femelle, lauréate d’un prix de beauté pour chien, est attaché à un arbre dans la rue en attendant que son maître, parti faire quelques courses, revienne. Que se passe-t-il dans la tête d’un toutou pendant ces moments-là ?…
Et c’est là que la folie douce d’Alexandre Bonstein intervient. La chanson d’ouverture résume mieux que soixante critiques l’esprit du spectacle. Un extrait du texte, parce que c’est vous, et je vous laisse apprécier cet hymne en intégralité ci-dessous : « Le Poil est fait pour la caresse, pour qu’on y perde avec ivresse ses griffes dans sa jungle épaisse, le Poil mérite qu’on le connaisse… »
LE POIL (Alexandre Bonstein) – Interprète : Isabelle Ferron
Voilà voilà voilà. Du grand Alexandre Bonstein, vous dis-je. (Pour les plus observateurs d’entre vous, vous l’aurez reconnu dans la vidéo, déguisé en animal, à côté du pianiste Patrick Laviosa pour les choeurs.)
Mais attention, ceci n’est pas un extrait du spectacle. Il faut, bien entendu, s’imaginer Isabelle Ferron costumée en caniche. Ce qui donne ceci :
Isabelle Ferron (Lady Capulet dans le Roméo et Juliette de Gérard Presgurvic, notamment) campe donc cette « fifille » tour à tour angoissée, frétillante, orgueilleuse, philosophe et canico-sociologue (oui, je l’invente). Elle nous livre un grand numéro de comédienne, avec une palette de couleurs qui va de l’adolescente débile à la reine de beauté vieillissante, en passant par la coquine et la diva. Elle réussit à nous faire piquer des fous rires incontrôlables, pour, l’instant d’après, nous raidir sur notre siège et nous faire dresser les… poils. Sa voix est impeccablement maîtrisée sur le plan technique, et la qualité du texte lui permet de s’amuser dans les divers registres qui lui sont offert.
Cela dit, on peut regretter que la mise en scène d’Alexandre Bonstein ne l’autorise pas à se déplacer plus souvent : certes, elle joue le rôle d’une chienne attachée à un arbre mais la convention théâtrale pourrait très bien la dispenser de laisse. On a l’impression qu’elle est frustrée d’être aussi peu mobile dans l’espace – et si la frustration peut se concevoir pour le personnage, c’est plus dommage quand on la ressent de la chanteuse-comédienne. Le public préfèrerait aussi la voir gambader comme on le lui autorise dans de trop rares numéros « libérés ».
Mais elle n’est pas seule sur scène. Deux musiciens à l’air joyeusement cabot (Jérôme Lifszyc et Thomas Suire) l’accompagnent, tour à tour aux instruments (dont quelques-uns étranges, j’irai me renseigner pour vous), aux accessoires, au décor, à la réplique qui fait wouche ou aux choeurs admirablement déjantés. Ils ont l’air bête, ils ont des visages de toons et on voudrait qu’ils interagissent un peu plus souvent.
Derrière la légèreté du propos de départ, Alexandre Bonstein réussit tout de même l’exploit de rendre intéressant et scientifique une étude sociologique poussée sur le pipi et les étrons canins (il faut aller le voir pour le croire), et fait passer une critique assez caustique des petits travers de notre société contemporaine. Que ce soit à travers des jeux de lumière, des accessoires loufoques, ou des gestuelles ridicules empruntées aux pseudo-chanteurs de télé-réalité, il dénonce avec humour (et en vrac) la tendance des jeunes voix françaises aux vibes à outrance, la dictature de la minceur, l’hypocrisie des pseudos sur les sites de rencontre, et la variété française bas de gamme.
Finalement, cette chienne amoureuse de son maître s’avère très perspicace dans son analyse de la société humaine, et son oeil extérieur décomplexé nous renvoit à notre volonté désespéré de plaire. Et tout ça avec un fou rire toutes les deux minutes.
Parce qu’Alexandre Bonstein, c’est ça : entre Tex Avery et les Monthy Python, des situations imaginées par un esprit rétrogradé au stade anal sans pour autant s’être départi d’un oeil tendrement critique, et des textes ciselés entre vraie poésie et fausse légèreté. Le tout servi par une comédienne survoltée et deux musiciens sortis tout droit d’une bande-dessinée.
« Chienne », ça ferait glousser Droopy, ça illuminerait l’oeil de Rantanplan, ça donnerait du caractère à Milou, et c’est surtout drôle, intelligent et visuellement et musicalement riche pour nous autres humains.
Bref… toutou pour plaire !
Et je vais pas faire ma chienne, voici un autre extrait du spectacle. « Naturelle comme le soleil, comme les chevaux, comme les produits qu’on appelle bio ». (Attention, RISQUE DE DEPENDANCE AUX CHANSONS PRESENTEES DANS CET ARTICLE.)
En fait, Alexandre Bonstein, il est déprimant (c’est la jalouse en moi qui parle). Non seulement c’est un génie de la scène française (je fais régulièrement des crises de manque de Créatures), mais en plus ses spectacles sont comme du bon vin (pour ceux qui me connaissent, partez du principe que j’aime ça, hein) : ils s’améliorent toujours avec le temps. Et finalement, c’est à ça qu’on reconnaît un spectacle vivant de qualité : il n’est pas figé, il évolue, il trouve d’autres choses, il n’arrive jamais à maturité tout en restant au sommet de son art.
Merci, Alexandre. Et avoir travaillé avec toi reste ma plus grande fierté et mon plus grand honneur d’artiste.
Je suis intimement convaincue que tu deviendras culte…
(Chers lecteurs, faites-moi penser quand je l’interviewerai à lui demander ce qu’il a exactement contre Pina Bausch et contre les gnous. Et contre les labradors.)
Faites pas vos cabots, c’est au Vingtième Théâtre du mercredi au samedi à 20 heures (y a un spectacle après, donc attention, ça commence à 20 heures pétantes !!). Plein tarif 24€, seniors et habitants du XXème 19€, étudiants 12€. Location 01 43 66 01 13.
J’ai des goûts musicaux que certainement beaucoup d’entre vous qualifieraient « de chiotte ». Oui, j’aime la bonne grosse variété qui tache. Plus la mélodie est simple et efficace, plus ça me plaît. La pop a été comme inventée pour moi et je suis en général d’accord avec les gros succès des charts. Mes idoles s’appellent Jean-Jacques Goldman, Lynda Lemay, Michael Jackson, Lady Gaga et Britney Spears. J’adore le premier album de Carla Bruni, j’écoute avec plaisir du Michel Sardou et du Céline Dion dans mon iPod, la radio de mon adolescence était Nostalgie et je me branche régulièrement sur Chérie FM. Tout cela ne m’empêche pas, en revanche, d’être allergique à Christophe Maé.
J’aime aussi beaucoup de petits groupes plus au moins médiatiques comme Oldelaf et Monsieur D., La Chanson du Dimanche et l’excellentissime Barcella. J’écoute énormément de musique classique et baroque, je me délecte de musique médiévale, je passe aisément de Daft Punk à Henri Dès en passant par Notre-Dame de Paris et Scorpions, je ne renierai aucun des cinq concerts de Patrick Bruel auxquels j’ai assisté et je me refais régulièrement l’intégrale des Spice Girls.
Autant vous dire que le jazz, c’est pas mon truc. Mais c’est pas mon truc genre réaction épidermique quand j’entends un saxophone baver, hein. En fait, ça me provoque des crises de nerfs – c’est véridique et ça n’a rien d’amusant. Je ne supporte physiquement pas le jazz pur et dur et je fuis donc tout ce qui peut avoir une consonnance jazzy.
Mais j’ai récemment fait deux découvertes qui pourraient bien entrer dans la catégorie « jazz ». Deux petits bijoux qui sont parvenus totalement par hasard à mes oreilles éblouies. Deux groupes complètement différents l’un de l’autre, mais qui mettent tous deux l’accent sur les voix, et non l’instrumentation, à travers des reprises de chansons venues de répertoires variés.
Musica Nuda
Comme son nom l’indique, Musica Nuda conçoit la musique comme quelque chose de très dépouillé, de lesté de toutes sortes d’artifices souvent inutiles, pour arriver à un résultat minimaliste, où la nudité de la voix de Petra Nagoni révèle la force d’une interprétation à travers la sensibilité d’un timbre d’une pureté étonnante. La contrebasse de Ferruccio Spinetti l’accompagne, parfois à peine dans le pincement d’une corde à point nommé, parfois pour la soutenir dans ce qui semble être une improvisation, parfois s’émancipant dans une minute de gloire grandement méritée.
Ces deux musiciens italiens nous offrent en tout cas tout un éventail de reprises, des Beatles à Police en passant par B.J. Thomas. Cette voix et cette contrebasse peuvent tout reprendre, dans des versions à la fois universelles et très personnelles. La technique de Petra Nagoni nous entraîne vers des sommets rarement atteints, comme ce mi qu’elle tient à la fin de Guarda Che Luna, et la discrétion tranquille de Ferruccio Spinetti rendent l’unique instrument aussi indispensable qu’inattendu.
[diwp:2766704]
The Puppini Sisters
Les Puppini Sisters sont beaucoup plus accompagnées : leurs reprises ont une sonorité très années 40, d’une pop rétro et kitch. Leur particularité est d’être composées de trois voix féminines utilisant la technique Close Harmony, pour des interprétations complètement différentes que peuvent faire Musica Nuda, mais tout aussi réussies – dans un autre style. Elles pourraient aisément se contenter de faire de l’a cappella, mais il faut bien avouer que les arrangements de leur album « Betcha Bottom Dollar » sont délicieusement jouissifs et enlevés. Les trois chanteuses britanniques, respectivement brune, rousse, et blonde, s’amusent, et ça s’entend. Leurs harmonies donnent aux chansons, souvent ultra-célèbres, une couleur que l’on n’aurait jamais soupçonnée. On redécouvre des standards paradoxalement dépoussiérés par trois chanteuses qui puisent leur inspiration dans le style des années 40. Et pour l’anecdote, Marcella Puppini a eu l’idée de former ce groupe après avoir vu Les Triplettes de Belleville. Soyons chauvins.
[diwp:918861]
La raison pour laquelle j’ai voulu faire un seul billet de ces deux découvertes, c’est parce qu’elles ont réussi à me faire aimer une chanson que mes goûts naturels auraient dû ne pas me faire détester. Si je vous dis Gloria Gaynor ?… Oui, Musica Nuda et les Puppini Sisters ont réussi l’exploit de rendre I Will Survive absolument délicieuse, chacun dans leur style. Je vous laisse découvrir les deux versions, jolies illustrations de ce que peuvent faire deux groupes différents d’une seule et même superstar de la chanson, trop écoutée, trop entendue et dont on n’attend plus rien. Sauf si…