[CINEMA] Prometheus : mauvais ou affligeant ?

Je suis donc allée voir Prometheus hier soir, surexcitée depuis des mois par le barouf qu’on en a fait, le présentant comme le film de science-fiction du siècle.
J’ai été terriblement déçue au sortir de la salle, pour me rendre compte ce matin au réveil qu’il n’y avait décidément rien de bon à garder.
Attention : je vais spoiler.

Le tout premier plan est d’une beauté à couper le souffle. Vous pouvez circuler ensuite, y a rien à voir ! Il s’agit « juste » de notre planète suspendue dans l’espace, image que l’on a désormais l’habitude de voir – mais pas en 3D. Et ça change tout.

On y descend ensuite pour un voyage dans nos paysages, digne d’un Arthus-Bertrand du meilleur effet. Et puis on ralentit et on s’arrête près de chutes avec verdure, eau bouillonnante, mec en toge-capuche qui crapahute sur les rochers et vaisseau extraterrestre dans le ciel. Bon. Au moins, ça plante le décor, on se dit que ça va être rigolo.

Le mec enlève sa capuche et – ça alors ! – v’là-t-y pas qu’il n’est pas tout à fait humain même s’il y ressemble : il a juste le teint très très blanc, les yeux très très bleus, la peau très très imberbe, les muscles très très saillants et le profil très très grec. Bon. Mais déjà, choisir le symbole de la Grèce comme (on s’en doute vu ce qu’on nous a spoilé dans les bandes-annonces et sur les affiches) origine de l’Humanité, je suis pas sûre que ce soit l’idée du siècle étant données les circonstances, mais enfin, bon, passons.
Notre dieu grec (utilisons ce terme puisqu’il nous a créés) ouvre un genre de boîte de Tic Tac extraterrestres et en avale son contenu, ce qui a pour effet de le désintégrer de l’intérieur. Il se tord, il râle, il convulse, il crie, toussa, et à un moment, il finit par tomber dans la chute bouillonnante. Là, il continue de se désintégrer dans l’eau jusqu’aux brins d’ADN. Et pouf ! Voilà la Terre semée, y a plus qu’à laisser mijoter quelques millions d’années. (Ou quelques secondes vu les images qui nous montrent déjà la division des cellules.)

Bon alors déjà, descendre d’un gars qui s’est désintégré dans l’eau d’une Terre déjà formée comme aujourd’hui, ça se pose là comme exactitude scientifique. La tectonique des plaques, la dérive des continents qu’ont connues nos lointains ancêtres, ça… non ? Ça ne dit rien aux Américains bien entendu. Et le fait que les fouilles aient trouvé les premiers hominidés en Afrique… Non ? Toujours pas. Bien entendu, l’Humanité blanche et consensuelle descend de cet extraterrestre glabre, imberbe, et de la couleur d’un iceberg. Darwin et Luther King se retournent dans leurs tombes respectives. Mais passons.

On fait un bond pour arriver en 2089 où on entend des gratouillis dans une grotte, et pouf ! une scientifique (Noomi Rapace, extraordinaire Lisbeth Salander du Millenium suédois) découvre une jolie peinture rupestre représentant des gars qui pointent le doigt vers cinq billes dans le ciel. Etant donné que le même schéma a été découvert partout dans le monde venant de civilisations spatio-temporellement éloignées, on en conclut donc que ce n’est pas une carte cosmique, mais carrément une « invitation ».
Bon. Admettons.

Là, le titre du film apparaît, les choses sérieuses peuvent commencer.

Nous sommes cinq ans plus tard et le vaisseau Prometheus se trouve très très loin de la Terre. Tout le monde roupille là-dedans, sauf un robot qui ressemble à s’y méprendre à un humain, magnifique spécimen aryen blond aux yeux bleus, qui répond au doux nom de David.
David joue au basket en faisant du vélo, mange (les robots sont friands de plateau-repas c’est bien connu), apprend des langues rares en e-learning et regarde des vieux films de guerre. Bon admettons, on s’occupe comme on peut. Mais je suis désolée de le dire : on ne croit pas une seule seconde à sa condition de robot.

Et puis quand il en a marre de mettre des paniers en tournant en rond sur sa bicyclette, il va lire les rêves d’Elizabeth (Noomi Rapace, donc) où l’on apprend que la petite a perdu sa maman très jeune et qu’après une conversion sur la mort avec son papa qui lui apprend qu’il n’y a pas d’autre hypothèse possible que le paradis, pouf ! elle devient croyante avec une foi d’enfer (si j’ose dire).
Ces histoires de dieux, de religions, de Création commence déjà à bien me gonfler : « Bonjour, je suis Ridley Scott, gros beauf américain, et sous-couvert de science-fiction je fais de la propagande en faveur du Créationnisme, pour que des gens intelligents et cultivés puissent dire plus tard que ben non, Lucy c’est des conneries, c’est Adam et Eve la vérité ! » (C’est du vécu, ça fait plus de dix ans maintenant mais je m’en remets pas.)

Et puis à un moment, le vaisseau vacille, puis une secousse. On se dit tiens, peut-être un astéroïde farceur qu’on s’est pris dans la tronche. Mais non non, c’est juste qu’on est arrivé. (C’est bien connu, quand on arrive à destination la voiture tangue et fait des bong.) Passons.

Nous avons donc une aryenne blonde aux bleus qui fait frénétiquement des pompes avec les cheveux mouillés et à moitié nue. L’utilité de cette scène ? Je cherche toujours. Elle se lève, le temps de filmer son cul, et elle enfile un peignoir avant d’ordonner à David de réveiller tout le monde. L’utilité de voir son cul ? Je cherche toujours. Mais nous avons fait connaissance avec la chef du vaisseau, une dénommée Vickers (Charlize Theron).

Tout le monde se réveille, prend un petit-dej, on a une séquence sur le rebelle de la bande qui « n’est pas là pour se faire des potes mais pour se faire du fric » et qui envoie chier son voisin de cantine (je cherche toujours l’intérêt de la scène) et tout le monde se retrouve dans le gymnase pour une réunion improvisée.

Vickers présente David, toujours droit comme un i et sourire niais, et envoie un film sous forme d’hologramme : un vieux schnock apparaît et ce qu’il avait à dire devait être tellement important que je l’ai oublié, dis donc. En plus, pardon mais… euh, c’est une blague, le vieux, là ? Ils n’avaient pas d’enveloppe maquillage, dans leur budget, sans déconner ? Même moi avec du papier mâché je peux faire mieux si je veux prendre 95 ans. On n’en est pas à dix minutes de film que je me fais déjà chier et qu’en plus j’ai l’impression qu’on se fout de ma gueule.

Bref. Il donne la parole à nos deux scientifiques (Elizabeth et son mec) qui sont censés être les chefs de la mission mais dont on a l’impression qu’ils viennent de l’apprendre. Ils expliquent en deux mots aux autres qu’ils sont venus rencontrer les « Ingénieurs » et puis… c’est tout. Ok. Bon. Je cherche toujours l’intérêt de cette séquence (à part peut-être celui d’expédier d’un revers de caméra celui qui ricane quand il ose dire que mais euh et le darwinisme, tout ça ?…)

Vient ensuite la phase de descente sur la planète. Trop fastoche. Et puis alors ils tombent direct sur une piste d’atterrissage au bout de laquelle il y a LE truc à trouver (une caverne). C’est quand même formidable, un bol pareil. Pouf ! pouf ! les voilà posés, et la première expédition commence.

A partir de là, je vais vous la faire courte. On a en vrac :

Deux décors vieillots et déjà vus
L’intégralité de l’histoire se déroule en alternance dans deux décors : le vaisseau et la caverne. C’est un peu facile en 2012, alors qu’on aurait les moyens techniques de faire des putains de balades sur une autre planète.
Au lieu de ça, on a un vaisseau dont l’intérieur est digne des films des années 90 et une caverne banale avec des installations extraterrestres au design signé H.R. Giger qui est peut-être très doué, mais dont on connaît tellement le travail qu’il n’apporte aucune dimension exotique ni même esthétique. Et je le soupçonne d’avoir fait sa feignasse en copiant-collant les décors qu’il a pu faire auparavant. Bref. Grande déception visuelle. Même les hologrammes ne sortent pas du lot.

Les costumes ne créent pas non plus la surprise avec des combinaisons et des casques que n’aurait pas reniés Jules Verne.
Vraiment : décors, costumes, design, graphisme… Zéro pointé. Déjà vus cent fois chacun, aucune recherche, pas d’originalité, on régresse.
J’attendais pourtant beaucoup d’un élément impressionnant : la sculpture de la tête présente sur l’affiche et mise en avant dans les bandes-annonces. Ne vous attendez à rien d’extraordinaire : dans le film, ils ne la calculent même pas.

Des personnages creux
Difficile de parler des personnages tant ils sont vides. Vickers, grande blonde glaciale et désagréable, ne sert à rien. David pourrait être un personnage intéressant mais on ne croit pas deux secondes à sa condition de robot. Elizabeth sort peut-être du lot, peut-être parce que les autres ont trois lignes de textes (pour les chanceux) ou meurent dès le début.
Voilà, j’ai fait le tour.

Un scénario vide mais plein d’incohérences
Le scénario, en plus de faire de la propagande pro-Créationnisme, multiplie les clichés insupportables (« Oh ! Une plante bizarre extraterrestre qui paraît agressive… Approchons notre tête pour mieux la voir et faisons gouzi-gouzi. Oh ! Ben ça alors, je me suis fait bouffer, quelle surprise…) et ne tient pas la route deux secondes.
Ils atterrissent du premier coup pile en face de la caverne ; y en a deux qui restent dedans et évidemment ils y meurent dans d’atroces souffrances moins de dix minutes après ; elle est pleine de cadavres d’extraterrestres morts pour une raison inconnue qu’on ne connaîtra jamais ; David y récupère des amphores (qui la remplissent pas millions ! et ça n’a pas l’air d’intéresser qui que ce soit) et la dissèque pour y trouver un truc bizarre dont on ne saura jamais ce que c’est ; il en profite pour en glisser un morceau dans le verre d’un scientifique pour l’assassiner mais on ne saura jamais pourquoi ; finalement le vieux n’est pas mort et il est à l’intérieur du vaisseau pour une raison qui m’échappe toujours ; on nous dit que finalement Vickers est sa fille et il l’avait caché à tous, on se demande encore à quoi ça sert ; la caverne est respirable pour les humains mais elle est ouverte sur l’extérieur toxique et tout le monde trouve ça normal ; Prometheus explose en vol, et la seconde d’après il est intact sur le sol avec pressurisation impeccable et pièces à l’intérieur nickel et sans égratignures…
Bref. Rien ne tient debout dans ce film. Rien.
Et on continue dans la bien-pensance américaine à vomir : Elizabeth (stérile, mais bref) se retrouve enceinte (de quelques heures) d’un extraterrestre et veut se le faire enlever. Elle demande une césarienne. Chez moi ça s’appelle un avortement, mais faudrait voir à ne pas dire de gros mots, hein.
Et la bestiole en question est un petit calamar qui se transforme en poulpe obèse, puis en créature alien sur deux jambes comme dans les films Alien (admettons puisque c’est censé être le prequel, mais comment cette transformation est possible en cinq minutes, je me demande.)
Et surtout… Quel est le putain de rapport avec les dieux grecs extraterrestres ???

Bref. Non seulement c’est visuellement pauvre et scénaristiquement déplorable, mais en plus on nous ressert une vieille recette qu’on connaît par coeur et qui ne crée rien d’autre que de l’ennui profond. En 2012, c’est possible de trouver autre chose que de la SF sans monstre vert gluant, ou comment ça se passe ? Non parce que, dans le genre, je pense qu’on a tout fait et tout vu, hein. Prometheus, tu ne sers à rien, si je peux me permettre.

Quitte à aller voir de la science-fiction, fuyez ce film et allez voir Men In Black 3. Ce n’était pas très réussi non plus mais au moins il ne se prend pas au sérieux et il traite de vraies idées intéressantes de science-fiction.