[ITW/SCIENCES] Sébastien Rouquette : « L’expression scientifique est le 10ème art ! »

Quand on m’a parlé de Sébastien Rouquette, on me l’a décrit comme un homme aussi brillant que humble et sympathique. Mais aussi avec une expérience déjà longue comme le bras : un doctorat en planétologie, un brevet de pilote, une presque-sélection dans le corps des astronautes européens et une carrière au CNES…

Et j’allais voler avec lui. En tant que responsable des vols paraboliques, il était présent lors du vol Zéro-G que j’ai effectué le 8 octobre dernier (et que j’ai commencé à raconter dans ce billet).

La première rencontre a été sommaire : nous étions alors en train de déjeuner dans le parc de Novespace quand il s’est présenté. J’ai dû bredouiller un bonjour sans même oser sourire de peur qu’un bout de salade entre les dents ne me ridiculise. J’étais déjà tellement impressionnée… 

J’aurais voulu l’interviewer au micro de France Inter qui ne m’a pas quittée lors de ces deux journées à Novespace, mais trop intimidée, et malade et pressée à la sortie de l’avion, je n’en ai pas eu l’occasion. Heureusement, les Internets m’ont sauvée. Qu’il soit ici chaleureusement remercié d’avoir pris le temps de répondre à mes nombreuses questions…

Qui es-tu, Sébastien Rouquette ?

Planétologue de formation, je suis arrivé au Cnes en 2000 (à l’aube du nouveau millénaire) en post-doc, sur un sujet lié à la transmission de la connaissance. Alors c’est vrai c’était moins de l’astrophysique que de la médiation ou de l’épistémologie, mais c’est ce qui m’a ouvert les portes de l’espace. Je rêvais de travailler au CNES quand j’étais plus jeune… Ce fut aussi mon premier contact avec le vol parabolique. Je m’occupais alors de la sélection des expériences éducatives.

Puis j’ai travaillé à la conception de satellites d’astrophysique. Mon rôle était celui de responsable programmation mission. J’étais encore un médiateur entre les scientifiques et les ingénieurs pour faire en sorte que les rêves des uns soient dessinés par les autres, en tenant compte des contraintes orbitales.

Début 2011, je suis revenu vers le vol parabolique, programme dont je suis le responsable aujourd’hui. C’est un vrai plaisir… qui me donne l’occasion d’associer ma passion pour l’aviation et celle pour l’espace.

Quel est ton rôle exactement concernant les vols paraboliques ?

Le poste de chef de projet est multi-facettes. Gestion du budget, planning, organisation… Du point de vue technique, c’est la sélection des expériences avec les spécialistes thématiques du CNES, le suivi du développement des expériences, l’accompagnement des labos dans leurs travaux de recherche, jusqu’au déroulement des campagnes.

En fait, on reproduit un schéma de développement et d’accompagnement de la science quel que soit l’outil de travail. ISS, capsules, spationef ZERO-G. Et ce travail se fait au CADMOS, le Centre d’aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales. C’est un service qui porte l’histoire des vols spatiaux scientifiques. Presque tous les astronautes français l’ont pratiqué.

Comment s’organise une campagne ?

Pour une équipe de recherche, tout commence quelques années avant une participation éventuelle. Il faut d’abord qu’elle soit soutenue pas le CNES. Pour cela, elle fait une proposition de recherche qui sera analysée par des groupes thématiques (spécialistes CNES et extérieurs). Si le soutien est accordé (financement), le labo va pouvoir, s’il le souhaite, faire appel au CADMOS pour développer un concept instrumental. Même si c’est plus simple que pour l’ISS, les contraintes techniques sont assez fortes et requièrent pas mal de savoir faire, ce dont nous disposons au CADMOS.

Pour les campagnes en particulier, l’aventure débute 8 à 10 mois avant une campagne, par un tour des labos soutenus par le CNES, pour connaitre les volontés de participation. On fait un état des lieux du travail en cours. Dès que tous les labos candidats nous ont communiqué leur fiche d’expérience (c’est un acte de candidature, en somme), le Comité de sélection se réunit pour établir la liste des lauréats. Le Comité regroupe les spécialistes thématiques et le chef de projet.

6 mois avant la campagne, les expériences sont donc connues. Pour les équipes, cela donne le départ du marathon de préparation de l’expérience. C’est là qu’intervient Novespace. Le CNES a confié à sa filiale l’essentiel du suivi technique des expériences pour leur adaptation au vol parabolique. Les ingénieurs Novespace font un travail formidable pour assurer la réussite des manips : résistance mécanique, risque chimique, biologique, électrique, étanchéité, masse, consommation électrique… Tout y passe pour déceler la moindre faille.

Un mois avant la campagne, la fébrilité s’accentue. C’est la réunion de sécurité. Les expériences sont passées en revue par les spécialistes techniques (mécanique, électronique, chimie, etc), les responsables de campagne et l’équipage (sécurité et commandant de bord). Autour de la table, on retrouve donc le CNES, Novespace, DGA-Essais en vol (qui assure les opérations en vol) et Sabena technics (maintien en condition de vol et intégration des expériences).

Et enfin, le moment tant attendu des vols arrive… Les manips sont installées dans l’avion, la fourmilière Novespace s’anime. Et tout va très vite ensuite.

A la fin de la campagne, chacun retrouve une activité terrestre la tête pleine d’images et les disques durs chargés de données à analyser. Le grand cycle peut reprendre.

Quels sont les problèmes qu’on peut rencontrer ?

Les problèmes sont rares car on suit de très près chaque expérience. Mais il peut arriver qu’un instrument ait du retard, qu’un élément électronique ou mécanique défaille.

Je me souviens par exemple d’une carte d’acquisition d’électrocardiogramme qui ne fonctionnait plus. L’ordinateur avait été changé et la carte ne fonctionnait plus. On a passé des heures à tenter de résoudre le problème en tentant des centaines de parades informatiques. Cela n’a pas fonctionné. Et l’équipe a perdu une partie de ses données.

On peut avoir des soucis avec des instruments très sensibles, sur des expériences nouvelles. Je pense par exemple à celles utilisant des lasers pour faire de l’interférométrie. La mise au point nécessite parfois plusieurs campagnes pour trouver le bon concept instrumental et le bon protocole.

Heureusement, la plupart du temps c’est moins problématique. Et dans des cas un peu difficiles, toute l’équipe se concentre sur le problème pour tenter de le résoudre.

Au contraire, quels bénéfices peut-on retirer de ces vols ?

Bon, alors je vais sortir mon petit couplet sur les bienfaits de la science.

Mais tout d’abord, pour être pragmatique, il faut savoir que le CNES finance totalement les campagnes. Les labos sont invités. Et ils sont en partie financés également par le CNES. Si le CNES finance, c’est parce que l’état investit dans la recherche publique. On entend souvent des commentaires « le spatial ça coûte cher »… C’est faux. C’est environ 10€ par français et par an, soit 0,1 % de l’évasion fiscale.

1 euros investi dans le spatial rapporte même 19€ à l’économie de notre pays. C’est énorme !

C’est très bien mais cela n’est qu’une partie du « bénéfice ». Le plus important à mes yeux n’est pas ce qui brille, ce qui est monnayable. Non, la vérité est ailleurs. On vit dans un monde où l’humain doit être pesé, mesuré, évalué, chiffré, rentabilisé ! Et je pense que c’est une erreur. Ce qui fait le bénéfice maximal, c’est la connaissance. La science est à préserver de même que la musique, le théâtre, la littérature, etc. L’expression scientifique est le 10ème art !

La connaissance est à prendre au premier degré. Elle nous éveille à ce que nous sommes. Un peu comme lorsque les premiers satellites nous ont renvoyé l’image de la Terre, notre propre place dans l’Univers. Mais bien sûr, il y a aussi la connaissance qui nous permettra d’acquérir de nouvelles compétences. On n’en a pas toujours conscience, la recherche fondamentale pose les jalons des inventions majeures de demain.

Juste un exemple, on imaginait dans les années 70 que l’apport de l’espace se ferait en particulier dans le domaine des communications. Aujourd’hui, c’est plus dans le domaine de l’environnement que le spatial est une pierre angulaire, par la vision globale et précise qu’il rapporte de notre monde.

C’est finalement pour cela qu’on intente souvent des procès aux sciences en les accusant du mal qu’elles combattent. En vérité, elles rendent l’homme meilleur et plus malin. Tout ce qu’il faut pour ne pas être un agneau victime des systèmes et des dogmes.

Je suis heureux et fier de contribuer à cet élan humaniste.

Ces vols sont spéciaux et donc bien encadrés. Peux-tu expliquer quels types de personnes sont présentes pendant le vol pour assurer les paraboles et la sécurité de tous ?

1) les scientifiques : opérateurs et sujets volontaires (les « cobayes » des manips de physiologie)
2) l’équipage : pilotes et mécanos navigants + le personnel de sécurité
3) l’encadrement projet : Novespace et CNES

Et il faut absolument ajouter l’équipe sol qui ne participe pas au vol mais qui est essentielle : mécanos sol.

Comment devient-on « monsieur-en-orange-qui-nous-rattrape-littéralement-au-vol » ? (Ça m’intéresse 🙂 )

Les gars en orange ont une formation spécifique en sécurité des vols, ce sont de super hôtesses de l’air. Et bien qu’ils distribuent des friandises et de l’eau en fin de vol, ils sont surtout formés à la gestion des situations critiques en vol (feu, dépressurisation, accident, évacuation, etc). Ils viennent d’un peu partout. Mais leur profil est essentiellement opérationnel, ce sont des gens de terrain.

Dessin : AnneKa.

Tu es scientifique de formation – y a-t-il des questions auxquelles tu voudrais des réponses et à laquelle une expérience à bord de l’avion pourrait répondre ?

J’ai toujours été passionné par la cosmologie. Une question se pose depuis que Newton et Einstein ont décrit les bases de la compréhension de la gravité. Est-ce que la gravitation agit de la même manière sur toutes les particules massives ? On appelle cela le principe d’équivalence. De la réponse à cette question dépend l’avenir des grands principes qui nous permettent de décrire l’Univers.

L’expérience ICE contribue à cette recherche en proposant un concept instrumental pour mesurer la chute libre de paquets d’atomes de nature différente. Pour résumer très simplement, si les paquets tombent à la même vitesse, la loi de la gravitation est validée. Sinon…

Les scientifiques et taïkonautes chinois ont-il été satisfait de leur entraînement/expérience ?

Oui ! Pour les scientifiques, ce n’était pas un coup d’essai. Les collaboration avec la Chine ont débuté il y a une petite dizaine d’années.

Pour les taïkonautes, nous sommes fiers d’avoir pu répondre à leur sollicitation. Nous participons ainsi à l’entrainement des astronautes de la 4ème puissance spatiale.

Quel souvenir garderas-tu de cette campagne de début octobre 2013 ?

Euh, un bon souvenir ! Nous avions pas mal de nouveaux protocoles en plus de nos collègues chinois et la pression n’était pas négligeable. Nous avons eu quelques soucis sur des expériences très pointues mais globalement, tous les acteurs de cette 44ème campagnes CNES sont rentrées ravis dans leur labos.

Les vols paraboliques, c’est génial. L’ISS, c’est incroyable. Mais… mais je fais partie de la génération qui a connu l’émergence d’Internet, l’arrivée des téléphones portables, l’explosion de la haute technologie, mais qui n’a jamais vu (ni même été contemporaine) d’êtres humains en train de fouler le sol d’un autre astre. Quel est ton sentiment sur l’avenir éventuel de l’exploration spatiale, côté vols habités ?

Je pense qu’on ira plus loin. Mais on ira plus tard ! Dans les années 80, on annonçait le premier pas sur Mars en 2020. 30 ans plus tard, on l’annonce pour 2050 ! D’autres priorités ont émergé entre temps, et c’est normal. Pour l’instant l’exploration robotique suffit aux scientifiques. Mais on ira. On percera un jour cette nouvelle frontière, après les océans, les pôles, les fonds marins, l’espace proche (y compris la Lune), on acceptera un jour de se jeter dans le vide, de tendre la main dans le noir. Cela me semble inéluctable, si toutefois, l’humanité n’est pas placée face à son destin sur Terre.

Ce qui peut remettre en cause ce projet de civilisation, c’est notre civilisation elle-même… dans le risque que quelques-uns font courir à la majorité, dans des choix à court terme, égoïstes et intéressés.

As-tu entendu parler du projet Mars One ? Qu’en penses-tu ?

Je n’y participerai pas. Mes enfants ne voudraient pas !

Mais pourquoi pas… C’est la première idée moderne du genre. Je pense qu’elle n’aboutira pas en 2023, parce que techniquement c’est infaisable. Problème de masse à envoyer, de support vie inexistant, de difficulté insurmontable aujourd’hui pour protéger des organismes vivants dans l’espace, milieu très agressif. Les mêmes difficultés ont été rencontrées par les premières expéditions sur Terre (exploration des mers et des pôles), à la différence que ces expéditions restaient dans leur milieu naturel, auquel nous sommes préparés. Mais elle a le mérite de nous faire avancer intellectuellement et elle pose la question de la dissémination de l’espèce humaine. Et bien d’autres encore :

– A-t-on le droit de laisser partir des gens sans espoir de retour et avec des chances de survie très faibles ?
– Quel cadre légal pour la première expédition sur Mars ? Est-ce la civilisation humaine ou une nation qui s’y établit ?
– Et si la vie existe sur Mars, de quel droit va-t-on la mettre en péril ?
– Nous détruisons notre environnement et notre civilisation. Va-t-on sur Mars pour reproduire ce modèle ?
– La terraformation de Mars est impossible. Nous ne vivrons jamais sur Mars comme sur la Terre. A quoi bon tenter de s’y installer ?
– Ne vaudrait-il pas mieux préserver notre planète que tenter de viabiliser une autre ?

Il faut lire et relire les « Chroniques martiennes » de Ray Bradbury. C’est un ouvrage majeur du genre et sur lequel on peut réfléchir longtemps…

Quelle est la question à laquelle tu rêverais d’avoir une réponse ?

La vie ailleurs : possible ou probable ?

[PODCAST] La folle histoire de l’Univers 32

Bonjour à tous ! Je suis Florence Porcel, community manager officielle de l’Univers, et je vous souhaite la bienvenue dans le 32ème épisode de ce podcast (disponible également sur iTunes) où je vais vous parler de gravité à toutes les sauces – ou plutôt d’absence de gravité, d’une fusée qui fait du rewind, d’eau martienne, et d’une date historique dans l’histoire de l’humanité…

LE BIDULE 2.0
Mais commençons par le bidule 2.0… La comète ISON approche ! Il me semble que j’avais annoncé sa découverte par des scientifiques russes l’année dernière dans l’un des tous premiers épisodes de ce podcast, et si elle était encore très loin de nous, elle continue son petit bonhomme de chemin vers le soleil à la vitesse de 39 km/s à l’heure où je vous parle…
Elle a déjà croisé Mars, comme on peut le voir sur cette photo prise par la sonde MRO en orbite autour de la planète rouge ; on la voit beaucoup mieux ici, un peu plus tard – Mars est le point le plus brillant ; mais surtout, on peut suivre son avancée en temps réel sur ce site.
Et par exemple ça m’aide vachement à comprendre sa trajectoire dans le système solaire avec la position des planètes par rapport au soleil. Et quand on fait une simulation, on a l’impression qu’elle va se prendre toutes les planètes sur son chemin mais en fait non… C’est là qu’on se rend compte que purée, c’est un peu un miracle qu’on se prenne pas plus souvent des trucs costauds sur le coin du nez.

Autre bidule 2.0, c’est l’appli que vient de lancer le Palais de la Découverte et qui s’appelle « Echelles de taille ». Elle prend comme point de départ le Palais d’Antin, qui accueille le musée, et si on va vers la gauche on y trouve des objets ou des notions de plus en plus grandes, comme l’altitude de Hubble ou la distance du Soleil à Proxima du Centaure ; et si on va sur la droite on va vers l’infiniment petit, en passant par la fourmi ou les globules rouges.
On peut y trouver des infos supplémentaires à chaque fois, et c’est souvent relié à ce qu’on peut trouver dans le musée. En tout cas, on retrouve toutes les thématiques du lieu dans l’appli mais dans une forme originale : au lieu d’un bête plan du Palais de la Découverte, on peut vraiment se rendre compte des échelles de taille de tout ce qui nous entoure – et de ce qui nous compose…
Je pense que c’est très bien pour les enfants, en tout cas. L’appli est gratuite, et elle est dispo chez Apple et Android !

Et d’ailleurs, en parlant du Palais de la Découverte, il fait partie avec la Cité des Sciences du groupe Universcience, et si vous êtes parisiens et demandeurs d’emploi, sachez que le Pass valable 1 an pour un accès gratuit et illimité sur les 2 sites est à 15 euros ! Avec également l’accès gratuit aux planétariums, aux bibliothèques, des réductions pour la Géode, les boutiques et les restaurants, etc etc.
Voilà, moi je me suis offert ça et je m’en félicite. Sinon il est à 28 euros pour les moins de 25 ans et à 38 euros pour les plus de 25 ans, et il y a également un tarif à 80 euros pour un Pass famille. Evidemment, tous les renseignements seront en liens dans le billet dédié à ce podcast sur mon blog !
Et je tiens à préciser que je n’ai aucun lien avec Universciences – c’est juste qu’on a la chance, à Paris, d’avoir ces deux endroits magiques, et que ça me semblait important de dire qu’ils sont plus accessibles que je ne le pensais moi-même. Voilà !

LA DATE
Maintenant, je vais vous montrer un truc de ouf qui s’est passé le 7 octobre dernier. Tout commence de manière tout à fait naturelle, une fusée sur un pas de tir, bon, si vous suivez régulièrement ce podcast, vous en avez vu d’autres. Celle-ci s’appelle Grasshopper, ce qui veut dire sauterelle, et c’est une fusée made in SpaceX – vous savez, la boîte d’Elon Musk qui est devenue la première compagnie privée à faire du fret pour l’ISS ? Bon.
Le point de vue est déjà nouveau, puisque ce décollage est filmé d’un Hexacopter – qui est un modèle de drone. Donc déjà, visuellement, ça claque. Et là… et là on ne se rend pas forcément compte de grand-chose mais… arrivée à 744 mètres d’altitude – ce qui n’est pas énorme j’en conviens – là… la fusée redescend. ELLE REDESCEND. Tranquille mimile, à peine perturbée… Et bim. OKÉ. OKÉ. VOILÀ.
Encore un exploit technique pour Elon Musk, mon héros. Le but du jeu, c’est évidemment d’inventer une fusée réutilisable pour réduire les coûts, mais aussi l’impact environnemental, j’imagine, si cher au milliardaire. Ce prototype de fusée, nommé aussi VTVL pour Vertical Take-Off Vertical Landing, est une réussite. J’ai hâte de voir les essais suivants !

 

L’ÉVÈNEMENT
Mais en parlant d’engins spatiaux qui réalisent de grandes premières, voici l’événement et… et c’est là que je me rends compte que pfiou !… j’ai laissé passer un paquet de temps entre 2 épisodes de ce podcast, bon, hum.

A chaque fois qu’on annonçait que Voyager 1 quittait le système solaire, je vous en parlais avec un brin de sarcasme – je crois que c’est quand même arrivé 2 ou 3 fois en une saison, quand même, hein ! D’ailleurs à ce sujet, j’aime beaucoup ce tweet de FibreTigre.

 

Bon, mais là, ça y est, c’est officiel, un pas historique a été franchi… Voyager 1 n’a pas quitté le système solaire, mais elle est entrée, pour la première fois dans l’histoire des artefacts, dans l’espace interstellaire.
Et voici ce qu’elle peut entendre, c’est unique dans l’histoire de l’humanité je le rappelle, hors de l’influence du vent solaire, à plus de 15 milliards de kilomètres de la Terre…

Donc pas de sortie du système solaire, qui se définit par l’influence gravitationnelle de notre étoile et donc jusqu’au théorique nuage d’Oort si j’ai bien tout compris, mais quand même une entrée dans un espace interstellaire, un endroit que les particules éjectées du soleil n’atteignent pas, pas plus que celles éjectées d’autres étoiles. Et cette merveilleuse petite sonde des années 70 continue à nous envoyer des données, même si un aller-retour entre elle et nous prend 35 heures…

Je lui souhaiterais bien bon vent, mais justement, si j’en parle aujourd’hui c’est qu’il y en a plus pour elle, donc… bon, ben bonne continuation de voyage, Voyager, alors…

LA PERSONNALITÉ
Revenons un peu sur Terre pour parler des humains… Et plus précisément d’une humaine. Elle est russe, elle s’appelle Adilya Kotovskaya, et ce genre de chose, voyez… ça m’énerve.

La médecin russe qui habilla Gagarine… Non mais ! Moi je vous avoue que quand j’ai lu ça, juste le titre, avec tous les clichés de genre qu’on a dans la tête, même moi qui fais hyper gaffe à ça, j’ai clairement imaginé une infirmière, ou une assistante, qui avait habillé Gagarine avant d’aller dans l’espace et que c’était une anecdote un peu annexe mais amusante d’une personne de deuxième plan qui avait vécu ce moment historique. Parce que pardon, hein, mais au risque d’insister, dans « habiller Gagarine », on pense quand même à une infirmière qui aide un malade ou à une maman qui habille son enfant.

Sauf que… sauf que voilà, dans les premières lignes de l’article, on y parle de poser des électrodes. Et qu’ensuite, on apprend que cette dame de 85 ans est docteur en physiologie, qu’elle a travaillé sur la mission Laïka, 1er être vivant à être allé dans l’espace, et qu’elle est un grand nom du spatial pour avoir travaillé sur la physiologie humaine, le système neuro-central et musculaire et sur l’immunologie. Pour résumer, elle est une spécialiste russe du corps humain en apesanteur, et sa conclusion après une vie de travail et d’expériences, c’est, je la cite, « L’Homme est un habitant de la Terre et il est fait pour y vivre » !

Et habiller Gagarine, dans tout ça ? Ah, oui, voilà, c’est au 3ème paragraphe, en fin de phrase, en anecdote. Et inutile de dire que ce détail n’est absolument pas le sujet de l’article.

Je peux comprendre qu’une anecdote fasse un titre accrocheur. Ok. Mais auriez-vous choisi la même, monsieur ou madame de l’AFP, si Adilya Kotovskaya avait été un homme ?… Eh ben moi je suis prête à parier que non et que vous auriez plutôt choisi les électrodes – parce que ça fait vachement plus sérieux, les électrodes, tout de suite ça fait scientifique, médecin, données compliquées, ouh la la ! Mais comme ce docteur en physiologie est une femme, on va plutôt mettre en titre pour la présenter qu’elle a habillé Gagarine, pour se conformer à l’image qu’on a de la femme, douce, aimante, toujours en train d’aider son prochain avec un joli sourire !

Vous savez quoi ? Ça me gonfle. Voilà. Et ce qui est encore plus énervant, c’est de voir que ce titre a été repris tel quel par tout le monde. TOUT LE MONDE. C’est pénible. Non mais vraiment. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il n’y a sans doute pas de volonté manifeste d’être sexiste à la base !! Je peux même pas blâmer le ou la journaliste à l’origine de ce titre.
Mais s’il vous plaît, si vous êtes journaliste et que vous m’écoutez, si je peux me permettre une petite réflexion… Quand vous écrivez sur une femme, que ce soit un titre ou un papier… Quand vous avez fini, remplacez le nom de cette femme par un nom d’homme – ça se fait en 2 clics sur un traitement de texte. Et ensuite relisez-vous. Si y a des trucs qui vous paraissent bizarres, changez-les. Vraiment.
Un docteur en physiologie qui a laissé son nom dans l’histoire de l’exploration spatiale est un docteur en physiologie qui a laissé son nom dans l’histoire de l’exploration spatiale. Point. On se fout de savoir s’il a une paire de testicules ou de seins. Alors ce serait pas mal que le traitement journalistique soit le même. Merci !

Bon, en tout cas… Cette grande dame était à Toulouse pour célébrer les 20 ans du CADMOS, le Centre d’Aide au Développement des activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales, et concernant un aller-retour habité sur Mars, voici ce qu’elle dit : « C’est un délire. On peut y rêver, mais on en est encore loin, bien sûr. »
Eh oui c’est connu, plus que la technique, c’est bien la réaction du corps humain qui pose le plus de problème…

L’INFO
Mais l’info du podcast est quand même une excellente nouvelle qui nous vient de la planète rouge – une bonne nouvelle non seulement pour la connaissance mais également pour d’éventuels corps humains qui se rendraient sur place.
Le sol martien est composé de 2% d’eau ! On pensait que la surface de Mars était aussi glacée que sèche, eh ben non ! L’instrument d’analyse français SAM présent sur Curiosity a analysé un échantillon de la poussière, et après l’avoir chauffé à 835 degrés, il a analysé toutes les vapeurs qui se sont dégagées, et parmi tout ça, il a trouvé de la vapeur d’eau à hauteur de 2% de l’échantillon.

C’est une sacrée nouvelle dans le sens où on ne parle plus de glace au pôle ou éventuellement enfouie dans le sol, non – là, ça veut dire qu’il y a de l’eau partout, et à portée de main ! C’est donc une grande nouvelle pour le futur des vols habités, et évidemment pour la candidate à Mars One que je suis.
Mais… mais restons tout de même réaliste, tout ne sera pas si facile : déjà, cette eau n’existe ni à l’état liquide, ni sous forme de glace. Elle prend une autre forme chimique en se collant aux grains de poussière. Il faudra donc une petite manip pour lui faire reprendre une forme plus naturelle pour nous – inutile donc de penser qu’il suffira de sucer quelques cailloux en cas de soif. Et surtout penser à ne pas oublier son labo de petit chimiste avant de partir.

Deuxièmement, cette eau contient des perchlorates qui pourraient poser des problèmes de thyroïdes – donc il vaudrait mieux s’en débarrasser avant de boire de longues gorgées. Et troisièmement, la manip pour extraire cette eau du sol rejette des gaz toxiques – ce qui fait que pour l’instant, cette eau est un poison mortel. Mais ! mais maintenant qu’on sait tout ça et de manière précise, on va pouvoir trouver des solutions ! Parce que la science, c’est merveilleux. Eh ouais.
En tout cas, ça reste une grande découverte. Big up, Curiosity ! Et l’instrument SAM, français, cocorico. Voilà.

L’IMAGE
L’image, maintenant… Regardez… Coucou !! hihihi c’est moi !… Bon, cette vidéo est un peu pourrie mais j’en ai d’autres…

Avant de vous montrer, attendez que je vous raconte. Dans l’épisode précédent, je vous avais annoncé que j’allais faire un vol parabolique. Mais c’est quoi, exactement ? Jean-François Clervoy, astronaute et président de Novespace, qui s’occupe de ces vols en France, l’explique en 2 mots.
En fait, ça ressemble à ça. Un A300, qui est un avion tout ce qu’il y a de plus normal, comme le précise Stéphane Pichet qui a également été le pilote de mon vol, et il fait des paraboles. C’est à dire qu’il pique vers le ciel pour passer de 6000 à 8500 mètres d’altitude, période d’une vingtaine de secondes pendant laquelle on pèse 1,8 fois notre poids… puis il… euh, tombe et c’est là où nous sommes en zéro gravité, c’est à dire qu’on ressent absolument les mêmes sensations que les astronautes dans l’espace. Et c’est un truc de ouf. Y a pas de mot… Et il pique vers l’océan pour revenir à 6000 mètres, et c’est encore une période en 1,8g. Ensuite, il y a une minute où tout est normal, et ça recommence ! Et ce, 31 fois en l’espace de 2 heures.

Et moi, alors déjà, ben j’ai fait le décollage dans le cockpit. J’ai malheureusement pas les images, mais j’ai le son…
Ensuite, première parabole. Mon corps découvre la pesanteur terrestre multipliée par 1,8. Ça lui fait tout bizarre, comme dans un grand 8 où on plonge d’un seul coup vers le bas mais en plus fort et en plus dur. (…) Voilà, et ça y est, c’est fini. La surprise est passée, il sait, il s’habitue déjà. Et la première impesanteur… Wow. Je reste attaché comme conseillé mais j’ai l’impression de savoir ce qu’un bébé ressent quand il vient au monde. Une surprise physique… mais doublée d’un émerveillement infini.
Deuxième parabole, c’est encore très surprenant, j’ai du mal à lâcher prise et à me laisser aller !
Troisième parabole, on nous donne un précieux conseil…

4ème parabole, je tente le reportage pour « La tête au carré » en direct de l’apesanteur.

6ème parabole, idem, mais attachée à un siège à côté du hublot ! Les images sont de Erwan Lecomte, mon camarade journaliste de Science et Avenir
Le petit clin d’œil à Alexandre Astier que je lui avais promis ! Je crois qu’il a apprécié le geste

Et des rattrapages au vol, des galipettes, et surtout, surtout, un pied monstre…
Je ne m’en remets pas. Je ne m’en remets vraiment pas. Je tiens à remercier le CNES et Novespace pour m’avoir permis de vivre cette expérience qui est pour moi devenu le plus beau jour de ma vie. Vraiment. Je n’ai pas forcément envie de dire pourquoi parce que ça touche beaucoup à l’intime, mais vraiment, c’était… wow… enfin y a pas de mot. Et j’y retournerai. Je le sais. J’y retournerai. Voilà.
Et si vous voulez plus de précisions sur ce vol, la manière dont je l’ai vécu et les expériences scientifiques à bord, je raconte tout sur mon blog – la deuxième partie arrive bientôt. 

LE TWEET
Du coup, comment ne pas parler du film Gravity… Je ne vais d’ailleurs pas en parler, parce qu’il faut le vivre, mais voici le tweet qui a retenu mon attention, je le traduis : « Le film Gravity devrait être renommé « Zéro gravity ».

 

Et je ne vous montre pas pour ne rien spoiler, tout le monde ne l’a pas encore vu, mais il est très intéressant d’aller lire la TL de Neil deGrasse Tyson le 7 octobre parce qu’il y évoque point par point les quelques incohérences du film. Mais ça ne rend pas le rendu moins impressionnant pour autant, hein.

LA CULTURE
Autre genre de truc qui m’a carrément bluffée et avec gravity dans le titre aussi, c’est cette version de Bohemian Rhapsody de Queen par Tim Blais, un jeune étudiant en physique canadien de 23 ans. Non seulement c’est une reprise a cappella où il fait à lui tout seul toutes les voix et l’instrumentation de la chanson la plus compliquée de l’univers, à peu près, mais en plus il en a réécrit le texte pour parler de la théorie des cordes, la théorie également la plus compliquée de l’univers ! Et scientifiquement et musicalement, c’est irréprochable. Je dis bravo. Voilà. Bravo.

Voilà, c’est la fin de ce 32ème épisode, merci beaucoup de l’avoir suivi. Certains d’entre vous n’ont pas pu télécharger le précédent sur iTunes parce que la HD était trop lourde – je la réserve donc pour Youtube.
Merci à tous ceux qui ont voté pour mon blog pour les Golden Blog Awards, il fait désormais partie des 10 finalistes grâce à vous ! Rendez-vous le 13 novembre pour savoir s’il sera l’heureux gagnant du prix dans la catégorie Sciences…
Entre deux podcasts, vous pouvez me retrouver les lundis et les jeudis à 14h45 dans « La tête au carré » sur France Inter, et n’hésitez pas à mettre plein d’étoiles sur iTunes et à mettre un petit commentaire si vous appréciez « La folle histoire de l’Univers », ça me fait toujours très, très chaud au cœur et ça me donne du courage pour continuer…
A bientôt pour l’épisode 33 ! 🙂

[VÉCU] Mon vol Zéro-G : le bonheur en impesanteur (1/3)

9 octobre 2013

Je suis bouleversée au-delà des mots. Retournée. Comme hier matin, lorsque, en impesanteur, il n’y avait plus ni bas ni haut. Mes larmes tombent, sans discontinuer, depuis deux heures, vers la Terre, selon la dure loi de la pesanteur. Je suis bouleversée au-delà des mots, je comprends à peine ce qui m’arrive. Mon corps ne s’est jamais senti aussi bien, d’aussi loin que je me souvienne. Il est comme… encore empli de l’euphorie de la liberté que procure l’impesanteur : se mouvoir en trois dimensions, ne plus avoir de limites, aller où bon lui semble sans se frotter ni être ralenti par quoi que ce soit… Sans poids, sans gravité, sans contraintes, sans tensions… Non, ce n’est pas de l’euphorie. C’est de la béatitude physique…

Je crois… je crois que c’est la même sensation que quand on tombe amoureux, quand on flotte au-dessus du sol sur son petit nuage, quand il nous pousse des ailes. Être en apesanteur, c’est également tomber, flotter, avoir des ailes… Mais puissance mille. Il n’y a réellement plus de limite physique, c’est la liberté dans toute sa puissance.

C’était hier matin, et mon corps est… tellement… bien. Comme purifié… C’est… étrange, troublant, perturbant… Cet état de grâce va-t-il durer ? Y aura-t-il une chute, difficile comme dans l’avion, où l’on supportait presque deux fois son poids après n’avoir rien pesé pendant une vingtaine de secondes ? Ou bien va-t-il se réhabituer à vivre dans la pesanteur terrestre, comme depuis 30 ans, avec tout le poids, les limites, et les contraintes que cela implique ?

Une chose est sûre : cette expérience de la gravité zéro ne peut pas être la dernière. Je la revivrai, d’une manière ou d’une autre. C’est là-haut que je suis bien.

Quelques semaines plus tôt… 27 août 2013

En mode groupie à côté de Mathieu Vidard juste après ma 1ère chronique

Je fais ma première chronique pour « La tête au carré« , le magazine scientifique de France Inter, animé par Mathieu Vidard. Je suis folle de joie, folle d’angoisse, mais ça se passe bien. Et je suis folle d’excitation de savoir que, si tout se passe bien, ça va durer toute la saison. Sur le moment, j’ai l’impression que rien d’autre ne pourrait me rendre plus heureuse. Comme je me trompais… 🙂

28 août 2013

« Vols paraboliques : tentée ? » : c’est l’objet du mail qui vient d’arriver. Je n’en crois pas mes yeux et je hurle de joie. Je réponds frénétiquement oui, oui ! OUI OUI OUI !!!! Un rêve va devenir réalité et c’est Séverine Klein, chef du service Grand Public du CNES, qui est la messagère de cette incroyable nouvelle. C’est elle, déjà, qui m’avait conviée à l’atterrissage de Curiosity sur Mars en direct de la Cité de l’Espace de Toulouse un an plus tôt et dont je garde un souvenir ébloui. Je ne sais pas si j’aurai assez de temps pour la remercier d’avoir pensé à moi…

30 août 2013

Visite chez le médecin pour le certificat d’aptitude au vol zéro-g. J’ai un peu peur que mes mésaventures médicales passées ne soient rédhibitoires. Mais non.

Mon électrocardiogramme est « probablement normal ». Les machines se mettent à faire de l’humour, maintenant… Ce satané truc a repéré mon stress de ne pas passer le test. Mais si.

Me voilà officiellement apte 🙂 (En même temps, vu que Stephen Hawking l’était, ça m’aurait un peu fait chier de ne pas l’être, voyez-vous…)

Stephen Hawking en impesanteur

6 septembre 2013

Déjeuner avec Séverine Klein et Julien Watelet, du CNES. Je suis partagée entre poser les milliards de questions qui me viennent à l’esprit et l’envie de garder de la surprise – et donc certainement un peu de magie. Je sais que les bédé-blogueurs Boulet et Marion Montaigne ont vécu ce vol, j’avais survolé leurs posts mais sans trop m’y arrêter. Je voudrais découvrir les détails sur place, par moi-même…

Et puis, il faut bien l’avouer, c’est aussi à cause de mon trouillomètre qui commençait sérieusement à grimper vers le rouge. Étant la plus grande angoissée du système solaire, à peu près, moins j’en saurais, moins j’aurais l’occasion de m’affoler toute seule.

« Ah non mais comme ils coupent les moteurs de l’avion quand il pique du nez vers l’océan… » C’est la première phrase de ce déjeuner dont j’ai souvenir. AHEM. Comment ça, ils coupent les moteurs ?? En fait, pas tout à fait : c’est juste que la poussée des moteurs est réduite. Bon… Pas d’affolement, pas d’affolement. Une fois de plus, la peur se mêle à l’excitation. J’ai tellement envie de vivre ça…

On discute de choses et d’autres : des différents types de profils (les anxieux, les exaltés, les anxiogènes, les excités… tout un tas de gens avec des x dedans), des anecdotes, des expériences scientifiques qui seront conduites à bord, de l’avion qui a très peu d’heures de vol au compteur et qui jouit d’un entretien unique au monde…

Aaaaaaaaaaaaah.

L'A300 Zéro-G, sagement garé près de Novespace, à l'aéroport de Bordeaux, le 7 octobre 2013

Et puis on passe des paraboles à l’espace, on cause de l’actualité du spatial français et européen, Gaïa qui va bientôt être lancée, Curiosity à moitié gérée depuis Toulouse, ce que personne en France ne sait, la future mission ExoMars, et puis Mars One

Par association d’idées, une interview d’Alexandre Astier par Canal+ me revient en tête : il y disait qu’il rêverait d’aller dans l’espace. Ayant eu l’immense chance de le rencontrer sur le plateau du Grand Webze et connaissant sa passion pour les sciences et le spatial, j’en parle à Séverine et Julien, qui l’ignoraient. Me vient alors l’idée de lui faire un petit clin d’oeil pendant une parabole, pour lui offrir un petit morceau d’espace en attendant qu’il ait la chance de le vivre lui-même.

Le déjeuner se termine, et je suis plus que jamais impatiente, et angoissée, de goûter aux merveilles de l’impesanteur.

12 septembre 2013

Je prends mon courage et mes DM à deux mains (j’ai la chance de pouvoir lui en envoyer…) et j’annonce donc à Alexandre Astier que je vais faire un vol parabolique, et que je penserai très fort à lui quand je serai en apesanteur. Que s’il m’arrive quelque chose, je lui lèguerais tous mes Lego de l’espace, et qu’il n’oublie pas de dédicacer mon intégrale de Kaamelott pour consoler mes parents.

17 septembre 2013

Je potasse les descriptions des expériences scientifiques qui seront menées dans l’avion. Comportement d’une flamme, atomes refroidis au presque zéro absolu… Euh… c’est pas un peu dangereux, ça, dans un avion qui va faire des cabrioles ?…

Détail d'un dispositif dans lequel des atomes de masses différentes sont refroidis au quasi zéro absolu pour vérifier le principe d'équivalence

Bon. Sinon, il y a des étudiants qui vont expérimenter des réactions chimiques de l’atmosphère de Titan, des taïkonautes qui vont venir s’entraîner, une maquette de vaisseau martien censé créer de la gravité artificielle qui va être testée, la perception de son propre corps via uniquement des signaux auditifs qui va être étudiée, etc etc… De quoi causer dans « La tête au carré » !!

25 septembre 2013

Je flippe. L’échéance approche. J’ai peur. J’ai hâte. J’ai peur. Je commence à prendre de l’homéopathie pour calmer mon angoisse. À ma grande surprise, et n’en déplaise aux sceptiques/je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde/énervés-du-bulbe, ça fonctionne plutôt très bien. Le thé me manque, mais que voulez-vous ma bonne dame, il faut ce qu’il faut, hein.

Le Cri, de Munch

J’ai du mal à m’endormir… En fait, j’ai peur. Mais j’ai toujours peur. Il y a toujours quelque chose qui m’angoisse, qui me tend, qui me stresse. J’ai peur, sans arrêt, pour moi, pour mes proches, pour le monde. J’ai peur de ne pas être à la hauteur, j’ai peur que l’avion ait un problème, j’ai peur d’avoir des migraines, j’ai peur de faire une crise d’angoisse, j’ai peur de…

La peur entraînent les doutes, les doutes entraînent les angoisses, les angoisses entraînent les questions, les questions entraînent la peur… Je me fatigue moi-même. J’en ai ras-le-bol d’être née angoissée et d’avoir peur de mon ombre. Je voudrais m’alléger de toutes ces craintes qui sont parfois un peu lourdes à vivre. Qu’on me soulage de la gravité, vite !

28 septembre 2013

Je reçois tous les e-billets concernant mon séjour. Départ de Paris-Orly le 7 octobre à 8h50. Nuit dans un hôtel à proximité de l’aéroport de Mérignac où se trouve Novespace et l’A300 Zéro-G. Et le retour Bordeaux-Paris est prévu à 14h50 le lendemain. Outch. Sachant que le vol parabolique se terminera aux environs de 12-13h, ça ne me laissera pas beaucoup de temps pour m’en remettre avant de remonter dans un avion normal…

Mais ça devient sacrément concret. Je trépigne d’impatience…

1er octobre 2013

Je passe à Storycircus emprunter la GoPro pour pouvoir filmer. C’est celle, dernier modèle, qu’a utilisé Vinvin dans le Vinvinteur ces derniers mois… Je suis contente de l’avoir avec moi 🙂 Merci Storycircus ! Je suis sûre qu’elle se plaira autant dans l’avion que sur le front de Cyrille…

La GoPro du Vinvinteur confortablement installée dans son éphémère maison volante !

3 octobre 2013

Je rentre de France Inter après avoir fait ma chronique. Tout le monde m’a souhaité bonne chance. Violaine Ballet, la réalisatrice de l’émission, m’a répété en riant : « T’es tarée… » et je me suis exclamée : « Ouais !! » dans un grand sourire fier. Je la fais moins à l’intérieure…

J’alterne depuis 15 jours entre excitation, euphorie et angoisse. Là, j’angoisse. Assise sur mon canapé, je me demande si je dois laisser une lettre. Au cas où. Ou les mots de passe de mes trucs en ligne. Le choix se fait en une fraction de seconde, quasiment de manière inconsciente. Il vaudrait mieux que je laisse mes mots de passe. Mais non.

NOM DE NOM C’EST STUPIDE.

Je me traite de tous les noms. Il ne m’arrivera rien, et puis c’est tout. C’est vraiment débile et je suis en colère contre moi. Mais, mentalement, je note ce qui est sociologiquement intéressant : préférer laisser ses mots de passe plutôt qu’une lettre quand on n’est pas sûr de revenir…

Je fais des tests avec le Nagra, l’appareil qui me servira à enregistrer du son pour France Inter, je checke la GoPro et tout ce qui va avec… Techniquement, je suis prête ! J’ai hâte… Ça y est, j’ai chassé l’angoisse et c’est l’excitation qui revient.

J’AI HÂTE, BON SANG, J’AI HÂTE !!!

Suite au prochain épisode !